Chapitre 31

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Ambroise finit par tout rapporter.

- Cela n'explique pas comment tu as connu Mirio, objecta Louise.

- J'ai commencé à être contacté par messages. Ils disaient tous que j'avais un grand pouvoir magique et que je ne l'exploitais pas assez au sein de l'Académie.

- Classique, coupa Ali.

- Ils m'ont aussi parlé de mon père. Que personne ne devait être jugé à cause des actions de ses parents. Ici tout le monde me dévisage comme si j'allais perdre la tête comme lui.

Ali et Louise se regardèrent. De ce qu'elles savaient, le père d'Ambroise avait sombré petit à petit dans la folie. Un soir, alors qu'une crise le prenait une fois de plus, il avait fait usage de sa magie sur son épouse.

- Je hais mon père. Il n'a pas tué ma mère mais c'était comme si. Elle ne s'en est jamais remise et elle est morte quelque temps après. J'ai assisté à cette scène. J'ai voulu la protéger. C'est là que mes pouvoirs sont apparus. J'avais pourtant déjà passé le Test et il n'avait pas été probant. Mais ce soir, c'est comme si quelque chose s'était brisé en moi. J'ai essayé de le repousser mais le mal était déjà fait. Les gardes intervenus sur place ont fait leur rapport aux mages. J'ai eu le droit de repasser le Test. Je l'ai réussi et j'ai pu entrer à l'Académie. Je croyais enfin valoir quelque chose. Je me trompais.

Il resta un moment sans parler, renfermé sur lui-même.

- Ça n'excuse pas ce que tu as fait, s'énerva Louise. Regarde dans quel état Ali était !

Ali savait très bien pourquoi Louise réagissait comme ça. Elle s'inquiétait surtout de la façon inhabituelle dont s'était comportée la magie de son amie. Elle en avait encore une fois perdu le contrôle. Ali n'en menait pas large non plus. Elle ne comprenait pas ce qui lui était arrivé.

- Louise, il est revenu pour me sauver, tenta-t-elle pour calmer le jeu. Laisse-le. Il culpabilise déjà assez.

- Vous êtes de mages guerriers ou non ? Essayez plutôt d'agir comme tel. Prenez vos responsabilités et allez en parler aux représentants. Ils auront besoin du maximum d'informations.

- Tu veux me dénoncer ? s'apeura Ambroise.

- Non. Mais tu peux au moins expliquer qu'on a tenté de t'enrôler.

- Ils vont se douter de quelque chose avec l'éboulement de la cave.

- Louise a raison, intervint Ali. Il faut leur en parler. D'ailleurs tu devrais rejoindre ta chambre. Ils ont peut-être déjà découvert ce qu'il s'était passé.

Ambroise partit de ce pas dans son dortoir. Ali soupira. Dans quelle histoire s'était-elle encore fourrée ?

- Tu devrais aller voir Vitali toi aussi, dit soudainement Louise.

- Je sais. Il n'y a qu'à lui que je peux en parler.

- Tu sais que tu peux te confier à moi n'est-ce pas ?

- Bien sûr que oui. Pourquoi tu me dis ça ?

- Parce que sur certains aspects tu ressembles à Ambroise. Tu aurais très bien pu partir rejoindre Mirio toi aussi. Je vois que tu es frustrée à l'Académie.

- Tu te trompes ! Jamais je ne me serai abaissée à ça ! Et j'adore m'entrainer avec Tina.

- Oui excuses-moi. Je ne voulais pas te blesser.

Connaissant Louise, elle savait que son amie cherchait à éviter un conflit avec elle. Ali ne souhaitait plus discuter de ça, alors elle ne répondit rien.

Elle dormit mal cette nuit-là. Les évènements de la soirée repassaient sans cesse dans sa tête. Ils lui rappelèrent un autre incident survenu lors de son entrevue avec Vitali, juste après les épreuves de sélection guerrière. Elle se souvenait que c'était avec une certaine fierté qu'elle s'était rendue dans son bureau.

- Je sais ce que vous allez me dire. Que je suis inconsciente de montrer aussi ouvertement mes pouvoirs, avait-elle commencé.

- Et tu as bien raison, répondit le représentant.

- Mais regardez ce que ma magie m'a fait faire ! Je ne m'en serai jamais cru capable. C'est comme si elle m'avait dicté quoi faire.

- Les mages t'ont remarqué Ali. On ne pourra plus garder le secret longtemps.

- Je ne vous comprends pas. C'était pourtant vous qui m'avez soutenu pour que j'entre dans les rangs. Vous êtes le seul qui ne craint pas ma magie et pourtant vous m'empêchez d'en apprendre plus.

- Sache que la magie est quelque chose de dangereux quand elle n'est pas maitrisée. Et tu n'es pas assez expérimentée.

- C'est faux ! C'est n'importe quoi ! En fait vous attendez juste que je signe mon foutu contrat comme ça vous n'aurez plus rien à craindre de moi. Finalement, je suis encore et toujours une menace pour l'Académie.

- Il est vrai que le directeur m'a demandé de veiller sur toi au cas où tu perdrais le contrôle ...

- Alors c'est ça. Toute votre confiance en moi ne valait rien. Vous faisiez semblant de vous intéresser à moi.

Ali en aurait pleuré de rage. La personne qu'elle estimait le plus venait de montrer son vrai visage. Astrid Mandore avait surement raison à propos d'Oscar Vitali, « Prêt à tout sacrifier pour arriver à son but, même ses élèves ». Elle ressentit l'envie d'écraser, de détruire ce qu'il y avait devant elle. Elle fit donc léviter les livres entassés sur la table avec facilité. Elle cherchait seulement à l'énerver, lui qui restait si calme. Les livres tombèrent lourdement au sol. Mais ce n'était pas assez. Elle voulait plus. Ou alors était-ce sa magie ? Le fait est qu'elle s'attela aux recueils dans les bibliothèques. Du papier relié vola de partout.

- Arrête Ali. Tu en as assez fait, intervint Vitali.

Son premier réflexe fut de braver l'ordre mais sa raison prit le dessus. Or rien ne se passa. La jeune fille paniqua.

- Je n'y arrive pas !

Sa magie avait pris place sur ses émotions et elle ne contrôlait plus rien. Les fenêtres commencèrent à trembler. Le feu dans la cheminée prit du volume. Si elle ne se stoppait pas bientôt, la pièce ne tiendrait pas. Elle regarda Vitali dans les yeux.

- Aidez-moi !

Le mage fit alors quelque chose de complètement inattendu. Il la prit contre lui et la serra fort. Il lui murmura doucement.

- Tout va bien Ali. Tu peux y arriver. J'ai confiance en toi. Même si j'ai perdu la tienne.

Tout retomba d'un seul coup. Les fenêtres ne bougèrent plus. Le feu redevint braises. Les pages s'arrêtèrent de tourner. Ali se laissa aller contre lui et pleura toutes les larmes de son corps. Elle sentit sa main lui caresser maladroitement la tête pour tenter de la calmer. Elle devait apparaitre comme une gamine effrayée à ses yeux. Elle était cependant reconnaissante qu'il ne fasse aucune remarque. Quand elle se releva enfin, ses yeux étaient rouges et gonflés. Elle aida le représentant à ranger le bureau. Au moment de partir, elle ouvrit la bouche pour s'excuser mais aucun son n'en sortit. Il la dévisagea avec ses yeux gris qui analysaient tout. Elle réussit enfin à parler.

- Je suis désolée pour tout.

Puis elle sortit sans se retourner. 

L'Académie Des MagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant