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27 DÉCEMBRE 2020

Refuge, New Haven, Connecticut

Tobi se penche au-dessus de Willson et soupire.

Cela fait des heures que ce dernier dort, malgré l'agitation des survivants devant la nouvelle journée. Enroulé dans sa couverture, il a réussi à céder au sommeil que tard dans la nuit.

Le jeune garçon secoue son épaule.

― Willson, réveille-toi.

Ce n'est qu'après de nombreux grognements que l'interpellé entrouvre les yeux.

― Quoi ?

― Il est temps que tu te lèves. Matthew veut te faire participer à l'effort collectif.

Willson se redresse en grimaçant et frotte ses yeux.

— Et Phoebe et toi ?

Tobi a un rictus.

— Je crois que Matthew préfère nous avoir à l'œil. Toi, il te connaît. Pour nous, il ne sait pas encore ce qu'on est capable de faire.

Willson soupire, éreinté. Il n'a pas l'impression d'être plus en forme que lorsqu'il a fermé les yeux douze heures plus tôt.

— Je suis désolé, enchaîne l'enfant en haussant des épaules. Je sais à quel point canaliser l'énergie du lien est fatiguant. Et Phoebe te met trop la pression.

Son interlocuteur agite la main vaguement. Sûrement le signe de laisser tomber.

— C'est une vraie fourmilière, commente-il après de multiples cillements, comme pour échapper à l'envie de garder les paupières closes.

Tobi se tourne vers le centre de l'agitation et grimace. Les survivants mangent avec un bonheur bien trop bruyants. Hier, un silence de mort régnait. Aujourd'hui, des personnes se lèvent de leur table pour rejoindre une autre, échangent des poignées de main ou réalisent des enchaînements en guise de salutation. Un gars maigrelet au bec de lièvre s'est même amusé à mimer une explosion après un high-five.

Clairement pas l'ambiance qu'on attendrait de la part de survivants. Encore moins de la part de survivants dont la vie est toujours et encore menacée chaque jour. Il faut l'avouer : se terrer dans un parking souterrain en espérant qu'aucun daimon ne rentre est un acte de foi qui frise le ridicule. Ridicule atteint s'ils finissent par s'y sentir en sécurité. Après tout, deux entités ont déjà pénétré à leur insu leur Refuge : Zetir et moi.

— Matthew a fait une annonce ce matin : il annule l'exploration vers la périphérie.

La voix douce et agacée qui s'élève en face de Willson ne fait aucun doute.

Eva se pince la lèvre, accoudée à un poteau. Dans sa main, une gamelle en fer blanc laisse échapper un fumet inodore. Pourtant, aussitôt que les yeux de mon protégé se posent sur l'écuelle, son ventre se met à grogner. 

— Tiens, tend-elle le récipient en réponse. Tu dois avoir faim.

À vrai dire, ni lui ni moi ne savons depuis quand remonte son dernier repas. Et encore moins celui qui est digne de ce nom. C'est pourquoi je ne désapprouve nullement la précipitation de Willson sur la gamelle. 

Dès que le fer blanc se trouve entre ses mains, il se saisit de la cuillère plongée dans le porridge et avale une bouchée goulûment. Il n'a jamais vraiment aimé ce genre de bouillis alimentaire et je ne peux pas le blâmer pour cela. Toutefois, cette fois-ci, il semble le savourer avec un tel délice que je me surprends à me demander quel goût cela peut avoir.

Presence - T1 : I'm HereOù les histoires vivent. Découvrez maintenant