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24 DÉCEMBRE 2020

Bunker du Connecticut

Willson ferme son sac et lève la tête vers les dessins affichés sur les murs.

Ils sont loin d'être les meilleurs de sa collection. Mais ils dégagent quelque chose qui le rassérène lors des moments de doutes.

Quelques fois, il a cherché la guerre avec ce programme qui lui brisait les ailes. Très souvent, le plafond et le manque de fenêtre du bunker l'oppressaient. Il avait l'impression de se noyer dans la terre. Il cherchait son air. Il respirait, il entrait en flot, il expirait. Son souffle se faisait plus saccadé. Pourtant, l'air venait. Pourtant, il n'étouffait pas. Mais son cerveau lui disait autre chose.

La plupart du temps, il finissait par se maîtriser. Reprendre le contrôle de sa cage thoracique, se ressaisir. Mais parfois, il n'y parvenait pas.

Un jour, il est sorti de sa chambre. Il ne tenait plus sur ses jambes, sa tête lui tournait. Découvert affalé sur l'encadrement de sa porte par Tobi, ce dernier a appelé Tessa. Les choses se sont alors arrangées. Mais Tessa a recommandé à Mr White de le laisser sortir de temps en temps. Et de lui donner de quoi dessiner.

« Ce gamin a besoin d'exprimer ces troubles. »

Évidemment, la bataille argumentative a été longue. La réponse principale de Mr White se contentait à du :

« Il n'a qu'à aller voir Cynthia. »

Mais il a fini par céder. C'est alors qu'il a reçu des mains de Tessa un nécessaire à dessins. Pas grand-chose, juste un carnet et un assortiment de crayons gras.

Dessiner a eu l'effet thérapeutique souhaité. Quelques traits pour le visage de sa mère mais la feuille a été arrachée du carnet. Dissimulée dans un tiroir de son bureau. Dans l'obscurité, les cercles humides déformant le coup de crayon ne pourraient sécher.

Il ne peut pas la voir sans pleurer. Autant ne plus y poser les yeux.

Toutefois, tous ses croquis d'Eva sont restés dans le carnet. À chaque nouvelle page, il sentait que ses souvenirs de sa beauté simple s'effritaient un peu plus. Il dessinait de manière presque effrénée, effrayé qu'elle ne disparaisse de sa mémoire.

Les œuvres affichées sur ses murs ne sont pourtant pas des portraits. Ce sont pour la plupart des paysages urbains. D'autres, des moments importants de sa vie. Le croquis de son plat de pancakes surmonté de bougies est celui qui le rend le plus nostalgique. Si la majorité des traits sont légers, peu travaillés, ceux des flammes paraissent presque réalistes.

Il a haï cette pièce de toutes ses forces pendant tant de mois. Il a mis tant d'efforts pour essayer d'apporter un peu de lui dans cette blancheur immaculée. Il devrait être heureux de la quitter.

Est-ce fou de sa part de ressentir un pincement au cœur ?

— Tu vas contempler ton art pendant longtemps ?

Phoebe. Sans aucun doute.

Willson n'a pas la force de se retourner. Dans son champ de vision, la silhouette menue de l'albinos s'asseoit sur son lit.

Il ne l'aime pas et c'est réciproque. Mais il ne parvient pas à la blâmer. Il aimerait pourtant. Tout est plus facile quand on rejette les fautes sur quelqu'un d'autre. Et Phoebe est tant détestable qu'elle en est le réceptacle parfait.

— Je croyais que tu voulais partir par dessus tout. Tu as même essayé de me mettre un coup de poing dans la figure quand tu as essayé de t'enfuir, il y a huit mois.

Presence - T1 : I'm HereOù les histoires vivent. Découvrez maintenant