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27 DÉCEMBRE 2020

New Haven, Connecticut

Willson ferme la porte derrière lui, une bougie à la main.

Dans l'obscurité de la cave, les yeux d'Eva brillent en contrebas. Il soupire et prend une énième fois sur lui. S'ils ne voulaient pas que les entités surgissent, il fallait qu'ils trouvent refuge dans la cave de son immeuble. Ce n'est pas le moment pour explorer avec nostalgie son ancien appartement.

Mais pareille à une démangeaison, l'envie ne disparaît pas. Tapie dans son esprit, elle ronge les brides qui la retiennent.

Il se mord la lèvre, déchiré. Toutefois, il tourne la clef dans la serrure et verrouille la porte. Après un instant de silence, il descend l'escalier de briques.

- Tu es sûr que ça suffira ? demande Eva.

Elle déblaie le fatras qui encombre un vieux canapé fleuri et tapote le tissu. Une vague de poussière en sort et la fait éternuer à répétition.

Willson, lui, déniche un support pour sa bougie et la dépose sur une commode vermoulue.

- C'est tout ce qu'on peut faire en attendant qu'ils partent, réplique-t-il en se tournant vers le compteur électrique.

Alors qu'il tripote les leviers, Eva s'assoit sur le sofa.

- Tu as un diplôme en électricité ? questionne-t-elle d'un ton teinté d'ironie.

Il hausse des épaules. Le peu de lumière de la bougie ne l'aide pas vraiment non plus.

- Et puis, où tu as trouvé cette bougie ? Et comment tu l'as allumé ?

- Notre concierge adorait mettre des bougies le dimanche lorsqu'il priait. J'étais sûr qu'il devait y en avoir encore dans son placard.

Eva gigote sur le canapé, comme pour trouver une position confortable.

- Et tu as aussi trouvé un briquet ?

Un silence. Puis un simple oui, lâché à mi-voix. Ce qui me fait sourire. En vérité, il ne s'est même pas embarrassé à fouiller un tiroir. Il a utilisé l'énergie du lien pour échauffer l'air au niveau de la mèche, jusqu'à créer une flamme. Un petit tour très simple pour ceux ayant une compréhension de la chaleur à l'échelle moléculaire.

J'aurais aimé que redonner vie à ce compteur électrique soit aussi simple, mais ce n'est le domaine d'expertise ni de mon protégé ni de moi-même. Je suis plutôt dans la destruction que dans la réparation et lui dans l'abstrait que dans le concret.

- Laisse tomber, finit par lancer Eva. Ta bougie suffit très bien.

Willson grogne mais accepte d'abdiquer. Il referme le battant du compteur et regarde le canapé. Une expression gênée envahit son visage. Je suppose que ce ne sont pas ses sens de fashionistas dormants qui se réveillent face à cette horreur de goût. Non, je parierais plus qu'il s'agit de la proximité imposée par la taille du sofa qui l'embarrasse.

D'ailleurs, Eva en déduit la même conclusion, car elle tapote la place à côté d'elle, libérant une nouvelle slave de poussière.

Il soupire puis s'installe avec prudence.

- On dirait que tu as peur que je te morde, plaisante-t-elle.

Willson déglutit mais garde son sang-froid. Il se contente de fixer les ombres que projette la bougie sur l'ensemble des meubles et des babioles d'un autre temps.

Presence - T1 : I'm HereOù les histoires vivent. Découvrez maintenant