Presence - T1 : I'm Here

25.

28 DÉCEMBRE 2020

New Haven, Connecticut

Willson s'est écroulé dans le sommeil lorsque la lune était haute dans le ciel. Il n'a pas lâché le corps froid d'Eva. Toujours serré fort contre lui, il s'est endormi avec sa joue collée contre son front.

Phoebe n'a pas insisté. Elle s'est accroupie auprès de Tobi et a posé son oreille sur sa poitrine. Lorsqu'elle a relevé la tête, elle se mordait les lèvres si fort qu'elles en étaient fendues. Les mains plaquées en étoile sur le torse de l'enfant, elle gardait les yeux levés vers les étoiles. Elle refoulait ses larmes en regardant les boules de feu poindre dans l'obscurité.

D'abord l'étoile du berger puis la constellation d'Orion. Brillante dans le noir, Phoebe a laissé sa tristesse s'écouler. Elle s'est allongée dans le silence aux côtés de son camarade. Sa main s'est posée sur le bitume, à quelques centimètres de celle entrouverte de Tobi. Elle a dégluti. Puis avec la lenteur du condamné à mort, elle a fermé les yeux.

À présent, la nuit est avalée par le retour du soleil. Les premiers rayons rasent les rues, s'engouffrent entre les immeubles restants de la catastrophe. Frôlent la joue de Phoebe. Celle-ci grogne, soulève une paupière pour la rabattre aussitôt.

Percluse et recouverte de plaies sur le visage, elle se redresse dans un concert de grommellements.

Bitume arraché, immeubles fracassés, débris en tout genre encombrant les allées. Au loin, j'aperçois même le van rose pailleté, avec le Kirby peint, empalé par une poutre en pleine tête. Le véhicule déformé n'échappe pas au regard circulaire à demi-ébloui de l'albinos.

Submergée par l'ampleur du dévaste, Phoebe passe une main sur son front. Elle semble à deux doigts de craquer. Toutefois, ses ongles s'enfoncent dans sa peau. Son regard perdu reprend de sa vivacité et les traits de son visage s'endurcissent. Je n'aime pas vraiment son attitude envers mon protégé mais je dois reconnaître qu'elle sait encaisser.

Sans quitter son expression déterminée, elle se lève. Elle a un vertige au premier abord mais sa santé est revenue durant sa nuit. Ses cernes ont diminué, sa peau a retrouvé le peu de couleurs qu'elle a à son habitude. Elle regagne vite son équilibre et sans la moindre hésitation, elle traverse la distance la séparant de Willson.

Elle ne démontre aucun ménagement : d'une main sèche, elle secoue l'épaule de mon protégé. Celui-ci gronde dans son sommeil mais la claque qu'elle lui assène a l'effet d'un seau d'eau glacé. Il se réveille en sursaut et bondit sur l'albinos.

Les yeux exorbités, ses mains se resserrent autour du cou de Phoebe. Prise de cours, cette dernière tape son bras pour le faire émerger de son délire, la bouche grande ouverte pour tenter d'inspirer de l'air. Finalement, alors que son visage tourne bleu, elle abat son poing sur sa tempe. Le coup l'étourdit et Phoebe peut s'échapper de ses mains. Elle recule en hoquetant, encore sous le choc.

— C'est quoi ton problème ! crie-t-elle la voix chuintante et cassée.

Willson cligne des yeux et frotte son crâne avec un air perdu.

— Je ne comprends pas... souffle-t-il. Ce n'était qu'un rêve...

Phoebe lève les yeux au ciel mais ceux-ci brillent de ses larmes contenues.

— La destruction de New Haven grâce à ta petite copine ? Non, c'était la réalité.

Il tourne sa tête vers elle et fronce des sourcils.

— Tobi, il... ?

Puis son regard tombe sur son corps.

Le choc traverse d'abord son visage. Puis la honte et la culpabilité tirent ses traits.