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24 DÉCEMBRE 2020

En route vers New Haven

Des heures se sont écoulées. Avec pour seule occupation, le paysage défilant derrière la vitre arrière du van.

Willson se sent stressé. Phoebe garde ses yeux sur lui, sans dire un mot. Cela ne l'étonne pas. L'albinos a cette manie lorsque les choses s'intensifient. C'est d'ailleurs pour cela que lorsqu'il a essayé de sortir du bunker, neuf mois plutôt, son regard inébranlable l'a fait vrillé.

Il a rarement utilisé ses « capacités ». Généralement, Skyler prenait tout en main. Il n'a jamais ressenti le besoin de s'imposer, de reprendre le contrôle. Son entité avait fait des choses ignobles. Néanmoins, il savait. Au fond de lui, c'était clair. Et cela l'est toujours : Skyler ne voulait que le protéger.

Durant sa courte vie, Willson est venu à la conclusion que le monde est terrible. Entre l'éloge de la différence, brandie comme une arme pour soumettre chacun à une pensée uniforme, et la méfiance, qui craquelle la terre et transforme chaque homme en îles, il se sentait toujours en danger. Pour lui, en fin de compte, Skyler réalisait juste le travail impossible de veiller sur lui. C'est pourquoi il n'avait jamais remis en question les actions de son protecteur.

Il n'était donc loin d'être à l'aise avec ses capacités. En y repensant, la force de Phoebe était un poing invisible doué pour les uppercuts. C'est tout naturellement que sa tentative de la projeter en arrière s'est conclu sur un échec mémorable. Le souvenir qu'il en conservait était son sourire tranquille sur ses lèvres et ses yeux qui n'avaient daigné ciller.

Non, ce qui provoque sa nervosité, c'est le silence de Tobi. Habituellement, le petit est un bout-en-train. Toujours à plaisanter, à lancer des piques à Phoebe, à s'intéresser à la vie de Willson. Socialement, il est le seul du programme à paraître normal. Même la douceur de Tessa ne lui arrive pas à la cheville. Mais cette fois-ci, assis sur sa banquette, il affiche une figure des plus graves. S'il ne lui manquait pas quelques centimètres, Willson lui aurait donné quelques années de plus.

L'enfant si adulte fixe l'asphalte qui se déroule à travers la vitre. Il est vrai que cette image est envoûtante. Toutefois, Willson vivait depuis longtemps à New Haven. D'après les lieux, ils ne sont plus très loin de sa périphérie. Or, l'autoroute reste déserte. Signe que la population s'est échappée de l'enfer que cette ville est devenue ? À moins que... Il ne parvient pas à terminer sa pensée.

À présent, alors que le van file vers New Haven, la nervosité est à son comble sous son crâne. Est-il prêt à faire face aux conséquences de la faille ? La réponse lui vient, sans hésitation : non. Les voies d'autoroutes sans son flot de voitures n'est que la première étape. La plus aisée à confronter. Pourtant, l'angoisse lui retourne le cœur.

D'ailleurs, le seul avantage de ce voyage jusqu'à sa ville d'enfance, c'est que cette fichue pompe ensanglantée semble se stabiliser. Petit à petit, kilomètre après kilomètre, il se sent moins fébrile. Pour lui, s'évanouir n'est plus une obligation mais une simple éventualité contre laquelle il peut lutter. Il devrait être réconforté à cette idée mais le stress engloutit toute émotion positive.

N'en pouvant plus de l'immobilité, Willson gigote sur sa place et frotte la lame logée contre ses côtes.

— Tu lui as donné un nom ? questionne soudain Phoebe.

Il se contente de hausser les épaules.

— Non. Tu crois que je devrais ?

— J'ai nommé mon poignard Diaphane dès que Cameron me l'a confié, explique-t-elle, sans un cillement.

Presence - T1 : I'm HereOù les histoires vivent. Découvrez maintenant