Presence - T1 : I'm Here

8.

23 DÉCEMBRE 2020

Bunker du Connecticut

— Plus haute ta garde !

Willson redresse difficilement sa lame. Le manche en cuir pèse lourd sur son poignet. Les articulations de ses doigts blanchissent et ses paumes sont moites. Ultime gêne : sa chevalière frotte contre le cuir et déforme sa prise.

Cela fait des heures qu'il tente de désarmer son entraîneur. Mais Cameron ne fait que le repousser du plat de sa lame, quelle que soit la botte qu'il allonge.

Pourtant Willson n'est pas si mauvais. Il est d'ailleurs suffisamment bon pour mettre en difficulté Phoebe. L'albinos compte plus sur ses capacités paranormales plutôt que le maniement d'une arme. Pour ce qui est de Tobi, celui-ci harmonise aussi bien ses capacités que la valse de l'acier. Les jeux vidéos lui ont sûrement été d'une grande aide.

Mais Cameron est loin devant tous les autres.

L'entraîneur avance vers son élève. Son regard sombre n'évite pas la confrontation. Au contraire.

Vif comme l'éclair, il se glisse sous la garde de Willson et fait voltiger l'épée. Dans un éclat métallique, elle rebondit sur le sol caoutchouteux avant de s'immobiliser.

Les yeux du jeune homme descend sur la pointe effilée qui appuie sur son larynx.

— Plus haut, j'ai dit, grommelle Cameron.

Willson retient de justesse une déglutition.

— Elle n'est pas équilibrée, parvient-il malgré tout à protester.

— Pff, rétorque l'entraîneur. Tu n'auras pas toujours des armes avantageuses à ta portée lorsque tu te rapprocheras de ta faille.

L'intéressé déteste qu'on appelle « sa faille » la faille ouverte au New Haven. Comme s'il avait décidé de l'ouvrir de son plein gré. Mais il a beau expliquer que Skyler a une personnalité propre et agit le plus souvent de son propre chef, personne ne semble en démordre.

Cameron range son arme dans son fourreau, positionné de travers dans son dos à l'aide de sangles de cuirs. Après un long entraînement surhumain, ce dernier est capable de rengainer sans se découper le dos au passage. Ce qui n'est clairement pas le cas de Willson. S'il veut se balader avec une arme sur lui, il lui faut l'attacher à sa taille. Toutefois, il faut se l'avouer : l'ensemble manque de classe et de praticité. Courir avec une épée aussi longue qu'un bras battant sur sa jambe est loin d'être son passe-temps favori.

— Je sais que tu veux t'améliorer, ronchonne Cameron une énième fois. Mais on dirait que tu fais tout pour que cela n'arrive pas.

Willson connaît le sermon par cœur. L'entraîneur le lui a bassiné plusieurs fois, sous tous les tons, sans jamais changer une seule nuance. Pour lui, le jeune homme sabote lui-même son travail. Ce qui est parfaitement ridicule.

Il y a un peu moins d'un an, Mr White a refusé que Willson s'aventure à l'extérieur pour retrouver Skyler. Le directeur considérait que le gardien numéro deux était encore trop faible pour se défendre en cas de rencontre paranormale. C'est pourquoi il l'a consigné au bunker sans plus de débats. Mais Willson espère attirer son attention en s'endurcissant. Devenir plus fort est son seul objectif. Alors pourquoi voudrait-il réduire à néant ses efforts ?

— Je travaille, je ne me sabote pas, proteste-t-il.

Cameron lève un sourcil. Puis il écarte les mains, dans une position théâtrale.

— Crois ce que tu veux. Ton épée dit le contraire.

Willson soupire et passe une main dans ses cheveux trempés tombant devant ses yeux. Phoebe lui a suggéré de les lui couper afin de libérer sa vue, mais il a rejeté sa proposition. Sa tignasse en désordre est la seule chose qui lui reste de son ancienne vie. De sa vie normale. Il n'aurait jamais pensé la qualifier ainsi mais se trouver coincé dans un programme top secret sur le paranormal et être considéré comme mort aux yeux de l'état fait relativiser.