Chapitre 22

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Poirot, Hastings, Sam Jones et Otters se réchauffaient, non seulement à la chaleur de l'âtre mais également, le détective belge devait le reconnaître, au délicieux breuvage de Miss Pearly.

L'horloge posée sur la cheminée sonna deux coups sinistres. La nuit avançait, la tempête ne faiblissait guère et tous somnolaient dans les fauteuils et canapés qui jalonnaient la pièce. Nul ne semblait vraiment décidé à quitter le salon pour s'éparpiller à travers le manoir, pour s'allonger sur matelas moelleux et sous couettes douillettes qui, certes seraient bien plus confortables que les divans, mais d'autant moins rassurants du fait de l'isolement... Et certainement glaciaux...

Il était évident que seule cette surface d'une trentaine de mètres carrés avait une température supportable pour les pauvres hères qu'ils étaient.

Un fracas me fit sursauter... tout comme l'assistance d'ailleurs.

- Qu'est-ce que c'est ? maugréa Hastings, se grattant la tête.

- J'espère que le vent n'a pas brisé une vitre. soupira Sam.

- Je crois que cela vient de l'étage. Je vais aller jeter un œil. répondit la gouvernante

- Poirot vous accompagne !

Que lui avait-il pris ? Quel était ce sursaut de bravoure ? Poirot venait de se proposer pour accompagner cette sorcière à travers le manoir en pleine tempête...

Hastings et Sam le regardèrent interrogateurs.

- Vous venez ? lança froidement Miss Pearly déjà rendue à l'entrée de la pièce.

- Poirot arrive ! Il arrive ! répondit le détective aussi vaillamment qu'il le pouvait.

Elle disparut dans la pénombre sans l'attendre.

- Poirot, vous pensez que cela est sans risque ? ... Enfin, vous voyez ce que je veux dire... demanda Hastings, jetant un regard rapide vers Sam.

- J'ai tout expliqué à Sam, mon ami.

- Poirot, Hastings a raison. Je ne crois pas que cela soit une très bonne idée. De toute façon, quoi qu'il soit arrivé là-haut, on ne pourra rien faire tant que cette tempête n'aura cessé.

- Je ne sais pas trop de quoi il advient, mais c'est vrai, m'sieur. Pour l'instant, on ne peut pas faire grand-chose. Juste attendre. déclara Otty, se frottant le menton.

- Vous voyez, Poirot. poursuivit le capitaine.

- Mais je peux vous accompagner en renfort, si ça peut rassurer tout le monde. proposa gentiment l'intendant.

- Si ce n'est que cela, je peux le faire également. répliqua Hastings, piqué à vif.

- Otty, vous me le proposez si gentiment, mais je crois que je me débrouillerai très bien tout seul... avec Miss Pearly.

- Vous êtes certain ?

La voix chevrotante du capitaine mettait du plomb dans l'aile au semblant de courage du détective.

Mais il fallait qu'il soit seul avec la gouvernante. Si elle s'avérait être aussi dangereuse qu'il le présumait jusqu'alors, cette excursion en pleine nuit de tempête était la meilleure occasion qu'il lui offrait de se dévoiler.

Il devait rester sur ses gardes. Plusieurs personnes y avaient laissé la vie et il n'était pas pressé de rejoindre l'Autre Monde même si...

- Comme vous voudrez, M'sieur.

- N'avez-vous pas oublié quelque chose ? demanda Hastings alors que Poirot s'apprêtait à quitter la pièce.

- Eh bien...

Il lui tendit une bougie allumée et une boîte d'allumettes. Le détective rangea cette dernière dans sa poche de veste.

Le grand hall d'entrée était désert. La gouvernante ne l'avait pas attendu.

- La bougresse ! se dit-il.

***

Si le bruit venait de là-haut, il ne connaissait qu'un escalier, celui qui passait devant sa chambre. Il le gravit donc. Au grincement du bois sous chacun de ses pas, son cœur se mettait à cogner dans la poitrine.

S'inquiétant du journal que Sam venait de lui remettre, il entra dans la chambre. Le carnet était bien là dans la table de nuit. Il le glissa dans sa poche, persuadé que c'était encore là, le lieu le plus sûr.

Il se dirigea vers la porte lorsqu'il perçut des bruits derrière la grande armoire, comme lors de son installation dans la pièce. Ne tenant plus, il décida de déplacer le meuble. De peu certes, elle était immense et il n'était pas un adepte du body building.

L'armoire résista mais il insista. Enfin, elle glissa sur le parquet le marquant de grosses griffes. Encore une altération honteuse qu'il infligeait à ce décor à la valeur inestimable.

Il se glissa dans l'entrebâillement. Il poussa un soupir. Rien. Il tâta en vain. Pas d'aspérité, pas de fausse cloison.

Soucieux de ressortir au plus vite de cet étroit chemin oppressant - impossible de se débarrasser de cette claustrophobie handicapante... -, son pied buta sur un objet au sol. Il s'agissait d'un bouton rond serti dans le parquet. De la pointe du pied, il l'effleura.

Il sentit le sol se dérober sous ses pieds. Il glissa dans le vide. Il poussa un cri. Un mal à la nuque atroce. Le noir.

***

Fanfiction Poirot : Les chiens de GrangemouthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant