Chapitre 13 : Alexandre

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- Excuse-nous pour ce dérangement, déclara le garde d'Hélène. Il s'agit d'un prisonnier... Il n'a plus toute sa tête malheureusement.

Elle ne répondit pas, encore sous le choc. Hélène, déjà épuisée par tant d'événements dans sa vie, était à présent anéantie. Dans quel monde était-elle tombée ? C'était irréel, songeait-elle. Elle était dans le coma, et elle rêvait, il n'y avait pas d'autres solutions. Oui, c'était cela, elle était tombée dans le coma à la suite de l'incendie, à l'hopital, en proie à d'horribles cauchemars.

C'était évident. Pourquoi n'y avait-elle pas songé plus tôt ? Tout ceci n'était qu'un rêve - ou plutôt un cauchemar - et aucune des ces créatures n'étaient réelles.

- Il faut retourner à sa cellule, l'interrompit le garde.

Hélène le suivit, à travers les interminables couloirs noirs et rouges.

- Que vont-ils lui faire, à ce garçon ? demanda-t-elle lorsqu'ils arrivèrent devant sa porte, au numéro 2997.

- Malheureusement, déclara le garde en sortant un trousseau de clefs, je crois qu'il s'agit d'un prisonnier très dangereux. Sa peine est la plus sévère...

- Qu'a-t-il fait ? Pourquoi est-il dangereux ? Quelle sera sa condamnation ?

- Il a commis des crimes et tué plusieurs personnes, expliqua-t-il en ouvrant la porte de la petite pièce.

Mais Hélène n'entra pas tout de suite.

- Qu'est-ce qu'on va lui faire ? redemanda-t-elle.

- Il risque la peine de mort. Rentre s'il te plait, on va t'apporter un plateau repas dans peu de temps. Tu dois te reposer.

La jeune fille pénétra dans la cellule, et le garde referma la lourde porte métallique. Elle entendit la clef tourner dans la serrure, puis le silence. Il n'y avait même pas de fenêtre. Seul une vieille ampoule brillait faiblement au plafond.

Hélène ne savait plus quoi penser. La femme Maître avait pourtant l'air si sympathique... Elle était même allée sauver la personne qui hurlait dans le bureau d'à côté... Elle l'avait secourue d'un serpent venimeux, et lui avait appris une quantité incroyable de choses sur ce monde.

Héméra. Ce mot signifiait "le jour" en grec, et pourtant jamais elle n'avait aperçut le moindre rayon de soleil. Elle se souvint des paroles de la Maître. Il s'agissait d'un monde sous-terrain. Alors pourquoi nommer ainsi ce pays sombre ?

Fallait-il les croire ? Ces créatures les avaient-ils réellement sauvés de l'incendie ? Où vivaient les humains de ce pays ? Etaient-ils si horribles que ça ? A cette question, Hélène y répondit très facilement. Evidemment que les humains pouvaient être horribles. Elle n'avait aucun doute sur le fait que des hommes soient capables des pires atrocités. Mais cela voulait-il dire que ces créatures étaient forcément meilleures qu'eux ? Elle appliquaient pourtant elles aussi la peine de mort sur les condamnés... Et puis elle repensa à ce jeune homme.

"Ils te mentent tous" avait-il assuré. Cela rendait les choses encore plus difficiles à comprendre.

Soudain, elle se souvint d'un détail. Avant qu'ils ne fut embarqué à nouveau par les Maîtres, le jeune homme lui avait discrètement glissé un objet froid dans sa brassière. Elle fouilla dans ses vêtements, et en sortit un bracelet métallique, qu'elle examina soigneusement à la faible lumière.

Un nom, "Alexandre", y était gravé en fines lettres majuscules. A la fin du nom, un minuscule petit saphir bleu était incrusté dans le métal argenté. Hélène tourna la gourmette et lut une date, "21 mars", suivi d'une année de naissance. La jeune fille effectua un rapide calcul et conclut qu'il allait bientôt atteindre ses vingt-et-un ans... à condition d'être toujours en vie.

***

Le Maître posa encore quelques questions aux deux jeunes garçons - date de naissance, ville de résidence, poids - puis demanda à un garde de les racompagner dans leurs cellules respectives.

- Donc tu vas garder ta bague ? demanda Hugo à Olivier.

Ce dernier sourit :

- Je sais, ça fait très grand-mère, mais bon, on sait jamais...

- Ouais, peut-être que tu pourras la revendre. Tu crois qu'ils ont de l'argent dans ce monde ? lança Hugo.

Le Maître chargé de les guider expliqua :

- C'est plus simple que cela... Vous n'aurez pas besoin d'argent. Tout vous sera fourni : de quoi boire, manger, dormir.

- Et pour le reste ? interrogea l'américain. Si on doit rester ici jusqu'à ce que tout le recencement soit terminé, ça serait cool de pouvoir s'occuper non ? Il n'y a pas des endroits comme chez nous ? Au moins un ciné ou quelque chose du genre ?

Le garde à la peau rouge secoua la tête :

- Vous n'aurez pas le temps de vous ennuyer. Nous avons prévu de quoi vous occuper, tout cela gratuitement, évidemment.

- Ah parfait ! se réjouit Hugo.

Mais Olivier ne parut pas satisfait :

- Quelle sorte d'occupation vous réservez-nous ?

Le Maître sembla hésiter :

- De toute façon, vous le saurez tôt ou tard...

- Alors autant nous le dire maintenant, ça ne va rien changer ! lança l'américain, curieux.

- Disons qu'il s'agit de sorte de... services rendus au peuple des Maîtres, en échange de vous accueillir.

- Je croyais que tout était gratuit !

- Chut Hugo, laisse-le parler, l'interrompit Olivier.

Le jeune garçon ne broncha pas. Le Maître s'arrêta devant une porte et l'ouvrit :

- C'est ta chambre, annonça-t-il à Hugo. Concernant le reste, aucune tâche ne sera difficile. Juste de quoi vous occuper.

- Mais en quoi consistent ces "tâches" ? insista le jeune garçon en restant sur le pas de la porte. On ne va quand même pas devoir faire le ménage, la cuisine ?

La créature hésita à nouveau, et avoua :

- En fait... si, c'est exactement ça. Maintenant repose-toi, nous allons t'apporter à manger.

Hugo entra alors dans la pièce sombre, l'air dépité.

- Et ça, vous vous êtes bien gardés de nous le dire, reprocha-t-il tandis que le garde verrouillait la porte.

Hélène Et Le Monde D'en Bas [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant