-Je vous le demande encore s'il vous plaît, les enfants. Ne sortez plus sans ma permission et sous aucun prétexte je vous en supplie. Si vous voulez passer du temps avec vos amis, demandez leur de venir ici à la maison. C'est plus sécurisant et ici au moins je peux vous surveiller. Vous connaissez très bien votre père et je ne voudrais pas avoir des problèmes avec lui. Est-ce que c'est compris?-Oui oui maman, nous répondîmes en chœur.
-Rico, tu es l'aîné et tu as la responsabilité de t'occuper de tes frères. Vous ne devez pas vous quitter des yeux, restez toujours ensemble et si quelqu'un manque à l'appel je t'en tiendrai responsable.
-Mais Maman!!!!
-Il n'y a pas de mais qui tienne, je t'en tiendrai responsable. C'est entendu?
-Oui c'est bon. Bredouillai-je tout en me levant pour aller en chambre.
Eh oui c'était toujours ainsi. Comme si nous étions venus au monde ensemble au point de rester toujours collés à eux. Lorsqu'une situation arrivait, j'en étais toujours responsable même si ce n'était pas de ma faute. Le prétexte, j'étais l'aîné et si l'un d'entre eux déviait, c'était ma faute. Parfois, j'avais l'impression de porter tout le poids de leur éducation sur mes épaules; à croire que j'étais à la fois leur père et leur mère.
Une fois en chambre je me réfugiai sur mon lit pour continuer ce que j'avais commencé auparavant: j'écrivais une lettre à mon amoureuse.Oui oui!!! Le coup de foudre, le cœur qui battait à la chamade, je l'avais ressenti pour elle depuis le premier jour que nous nous sommes rencontrés. C'était bien avant toute cette mascarade qu'était devenu notre pays et quand tout était « normal ». J'ai connu Émeline pour la première fois en classe de sixième et sur le coup, j'ai cru que je rêvais. Elle était tellement belle et calme que je n'avais qu'une seule envie, la prendre dans mes bras pour la rassurer. Avec le temps, nous apprîmes à nous connaître et surtout à passer du temps ensembles. Quand j'avais du temps libre, je me débrouillais pour aller la voir chez elle car nos parents se connaissaient. Évidemment, mon père ne savait pas le genre de relation que j'entretenais avec elle sinon il m'aurait bastonné d'abord, ensuite m'aurait fait un de ses sermons habituels du genre « de mon temps on avait tous nos diplômes avant de penser à ces choses là » « tu es le fils d'un professeur et tu dois te comporter comme tel » pour par finir, m'interdire de sortir toute l'année. Bref, il n'y avait que ma mère qui avait fini par deviner que c'était d'Emeline que je lui parlais tout le temps à la troisième personne. Elle ne manqua pas de me le notifier un jour « tu sais très bien que tu ne peux rien me cacher, je finis toujours par savoir. Je n'ai qu'une seule chose à te dire. Faites attention et surtout ne vous enfermez pas dans votre monde pour faire des bêtises » . Je fis mine de ne pas comprendre ce qu'elle voulait dire mais au fond de moi, je le savais. Émeline était tellement gentille et à mon écoute surtout parce que nous passions le plus clair de notre temps à parler de nos familles respectives, de nos projets et d'autres choses. Notre relation grandit avec le temps comme nous-mêmes et deux années passèrent.
Mais depuis le début de la guerre, nous ne nous voyions plus comme avant, ses parents avaient peur qu'elle ne sorte et prévoyaient même de déménager. Nos seuls moyens de communication étaient les missives que nous nous envoyions. Ce n'était pas pareil mais cela nous permettait de garder le contact et surtout de ne pas trop sentir la solitude chacun de notre côté. L'envoi était plutôt facile car nous vivions tous dans le même quartier. Quand je n'allais pas le lui donner moi-même, je corrompais toujours l'un de nos amis pour que celui-ci m'aide à le faire.« Ma chère Émeline, si tu savais à quel point tes mots doux et ta présences me manquent.
Que ne donnerais-je pas pour être en ce moment une petite fourmi ? Une fourmi pour me faufiler dans ta chambre et juste te regarder dormir, te contempler et surtout te protéger.
Tu comptes énormément pour moi et mon cœur s'emballe rien qu'à l'idée qu'un jour tu t'éloigneras de moi avec tes parents.
Je prie chaque jour que cette situation s'arrange pour qu'une vie normale, nous reprenions. Pour le moment, prends soin de toi et surtout reste à l'abri bien au chaud avec tes parents et surtout ne sors pas. Je t'aime
Ton prince charmant »Je l'avais écrit et réécrit plusieurs fois car pas trop sûr de l'orthographe de tous les mots. Déjà à cet âge, j'étais allergique aux fautes. À croire que le sang de professeur coulait plus dans mes veines que je ne le pensais. Maintenant que j'étais privé de sortie, je comptais demander à Marc de le donner à Caleb qui le donnera ensuite à Martin qui par finir remettra ça Émeline étant donné que nos maisons se suivaient respectivement dans le quartier. C'était gênant mais si je voulais que ma bien-aimée ait de mes nouvelles, je devais braver tout ça pour elle. Je finis à peine d'écrire ma lettre quand j'entendis le cri strident de ma mère venant du dehors. Je me précipitai pour aller voir. Elle se trouvait devant la maison de son amie Martine. Je n'en revenais pas de cette scène macabre que je voyais. Il s'agissait de la dépouille de mortelle de Melvin jetée devant la maison de ses parents comme un vulgaire sac plastique. Cette image, rien qu'en vous la contant, j'ai des frissons car ce n'était pas la dépouille qui faisait le plus peur mais le fait que ces rebelles en guise de démonstration de force, aient égorgé sauvagement Melvin comme un poulet. Sa mère qui n'en pouvait plus s'évanouit même sur le coup............
VOUS LISEZ
L'histoire d'une vie
RandomRico, un jeune africain nous plonge dans les souvenirs de son adolescence pendant laquelle il a connu la guerre et bien d'autres atrocités qui ne disent pas leurs mots. Étant pour la plupart tues dans nos sociétés actuelles, ces atrocités bien que m...