Les semaines qui suivirent, je ne trouvai pas le sommeil; tellement j'étais terrifié. J'avais beau faire tous les efforts du monde pour effacer ces images de mon esprit mais je n'y arrivais pas. Des cauchemars j'en avais fait successivement toutes les nuits et ma mère était toujours là pour me serrer dans ses bras. J'ignorais comment elle faisait pour toujours trouver la force de nous réconforter; je me le demandais d'ailleurs tout le temps. Elle gardait le silence mais je savais qu'elle avait aussi besoin d'être réconfortée. Beaucoup d'événements s'étaient passés depuis ce jour là où nous avions découvert le corps de Melvin. Je n'arrivais toujours pas à croire que c'était vraiment lui; je m'étais même dit qu'il reviendrait encore comme il l'avait fait et que c'était sûrement pas lui. Le jour qui avait suivi, son père n'ayant pas supporté la nouvelle de la mort de son fils, se donna la mort lui aussi pour par finir, abandonner lui aussi la pauvre Tata Martine. Elle fut dévastée et voulut elle-même en faire de même mais ma mère ne la laissa pas seule lui demanda même de venir vivre avec nous à la maison; ce qu'elle finit par accepter. Les mauvaises nouvelles ayant fait le tour du quartier, la plupart des parents paniquèrent automatiquement et décidèrent de quitter ne serait-ce que le quartier car il commençait réellement par être dangereux. Les parents d'Emeline décidèrent aussi d'accélérer leur déménagement. Elle m'envoya avant de partir sa dernière lettre et je fus dévasté comme jamais lorsque je sus qu'ils étaient déjà partis. Je n'eus même pas la possibilité de la revoir mais dans sa missive, elle me laissa un numéro de téléphone avec lequel nous pourrions rester en contact espérant qu'entre temps, maman me laisserait lui emprunter son téléphone bien sûr.
Ma mère aussi commença à vraiment craindre pour notre sécurité car chaque jour, le quartier se vidait un peu plus. Et le pire c' est que les rebelles occupaient peu à peu les maisons que ces familles délaissaient. Mon père qui s'en voulait déjà de ne pas être à nos côtés décida de rentrer au pays quelque soit ce que cela lui coûterait. Ma mère lui raconta ce qui était arrivé à Melvin et à leurs voisins du quartier. Il eut tellement peur qu'il demanda à ma mère de ne plus ouvrir le portail de la maison sous aucun prétexte. Nous ne devions plus sortir, rester jouer dans la cour de la maison car les balles perdues nous pouvions les recevoir rien qu'en étant entrain de nous amuser. Ma mère avait pour responsabilité de nous garder tous enfermés avec Tata Martine tout le temps. À certaines heures, on ne devait même pas faire du bruit car les rebelles pouvaient nous entendre et viendraient par la suite nous voler nos vivres et tout ce qui nous restait dans la maison. Voilà comment nous passâmes les deux semaines qui venaient de s'écouler. J'étais épuisé mentalement car des atrocités, nous en voyions de toutes les couleurs et apparemment cela n'affectait que moi à croire que mes deux frères n'avaient pas d'yeux pour voir les mêmes choses que moi.
Bref, c'était prévu que mon père vienne aujourd'hui à la maison. Il n'avait voulu rien dire même à ma mère de comment il se débrouillerait pour entrer dans le pays, aucun détails. Elle fut d'ailleurs stressée toute la journée car jusqu'à 20 heures, il n'était pas encore arrivé. Il lui avait dit que si jusqu'au lendemain, il ne venait pas, qu'elle devra commencer à s'inquiéter car il lui serait sûrement arrivé quelque chose. C'est bizarre mais j'avais beau avoir peur pour mon père, je n'y arrivais pas parce que toute sa vie, il s'était montré courageux. Je le prenais pour modèle parce qu'il ne reculait vraiment devant rien et se montrait toujours invincible. C'était comme la fois où il avait fugué de chez ses parents quand il était adolescent pour sortir la première fois du pays. Le jour où il nous racontait cette histoire qu'il avait vécue, j'étais littéralement tombé sous son charme parce que de façon extraordinaire il avait bravé le soleil, la pluie, la nuit, la forêt avec les insectes et surtout les serpents jusqu'à atterrir en terre étrangère. C'est d'ailleurs en terre étrangère qu'il rencontra par la suite notre mère et résultat nous voilà. Bref cette histoire sera pour une autre fois.
Nous finîmes par nous endormir tous cette nuit sans savoir si mon père rentrerait sain et sauf, exceptée ma mère bien sûr. Elle ne trouva pas le sommeil et démit d'ailleurs à prier jusqu'à ce qu'à 4heures du matin, quelqu'un tapa avec force au portail, la sonnerie ne fonctionnant plus. Nous eûmes peur mais ma mère sortit du salon et demanda sans ouvrir:-Qui est là? Que voulez-vous?
-Émilienne, ouvre moi s'il te plaît. C'est moi Roger, ton mari. Rassure-toi c'est moi, nous avons trois fils et j'étais allé à l'extérieur pour mon doctorat. Précisa t-il pour qu'elle soit sûre qu'il s'agissait bel et bien de lui.
-Roger, c'est toi? Tu as réussi à venir? Dieu soit loué, dit-elle en ouvrant rapidement le portail............
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L'histoire d'une vie
De TodoRico, un jeune africain nous plonge dans les souvenirs de son adolescence pendant laquelle il a connu la guerre et bien d'autres atrocités qui ne disent pas leurs mots. Étant pour la plupart tues dans nos sociétés actuelles, ces atrocités bien que m...