Chapitre 2

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Après avoir échappé à la mort, venir dans la sépulture de la lignée des Durin avait quelque chose de macabre. C'était pourtant un endroit magnifique d'une grande beauté solennelle. Elle était le témoignage de leur famille et de leur histoire. Même la venue de Smaug ne semblait pas l'avoir endommagé. Quant au temps, cela faisait bien longtemps que la poussière et l'abandon faisaient partie intégrale de l'ambiance de ces catacombes. Alors qu'il s'y enfonçait, il entendait de lointaines lamentations et quand il s'approcha, il vit sa sœur Dìs.

Dìs était, tout comme lui, une naine de bonne taille. Elle avait sous son voile noir de deuil une longue chevelure noire et une barbe avec quelques mèches argentées, un trait de leur famille. Elle avait également de grands yeux bruns remplis de larmes. Elle portait une large tunique sombre et terne. Elle avait toujours porté, après la chute de leur royaume, des parures sobres et sans artifices. Le goût du luxe et du paraître, elle l'avait abandonné depuis bien longtemps et même si son frère allait devenir roi, ça ne l'avait pas empêché de continuer à porter ses vêtements modestes.

Alors qu'elle pleurait à chaudes larmes, une main posée sur la sépulture de l'un de ses fils, elle remarqua l'arrivée de son frère. Il lui fallut quelques secondes pour se détacher de la tombe et encore quelques secondes pour sortir un mouchoir et sécher ses larmes. Elle ne pressa pas ses actions comme pour retarder la conversation qu'elle devait avoir avec le futur roi. Thorin aussi aurait voulu retarder cette conversation. Sa sœur et lui avaient une relation difficile depuis la chute du royaume. Si Dìs avait refait rapidement sa vie dans les montagnes bleues, Thorin n'avait cessé de penser à la vengeance et à leur trésor. Dìs, de son côté, élevait ses enfants en se demandant si elle pourrait les sauver de leur oncle.

— Tu auras finalement survécu à tes blessures... lui dit-elle en essuyant une dernière larme.

Thorin sentait dans ses mots un manque profond de réjouissance. Il posa sa main sur la tombe de Kili et lui dit :

— Je suis désolé, Dìs... Et tu le sais. Je suis désolé de tout cœur de ne pas avoir tenu ma promesse. Et... je suis désolé de ne pas avoir été assez fort.

Elle sourit douloureusement.

— Parce que tu crois que c'est ça qui t'a manqué... De la force...

Que pouvait-il lui répondre ? C'était lui qui avait appelé ses fils à se battre. Il les savait jeunes, il les savait peu expérimentés. Mais ils étaient braves et loyaux. C'était tout ce qu'il voulait d'eux. Cette loyauté et cette bravoure, c'était ça qui les avait tués. C'était leur force et ce fut leur faiblesse.

— Et toi, comment vas-tu ? lui demanda-t-il.

Pendant quelques secondes, elle eut un petit rictus puis elle répondit après réflexion :

— Comme toujours... en deuil. Et pourtant, je ne peux jamais vraiment m'y habituer. Je sais que toi aussi tu en souffres, que tu culpabilises et que tu ne pourras jamais vraiment te pardonner tes erreurs. Pourtant, tu recommences... toujours. Et bientôt, tu seras roi...

— Je ne suis pas encore au fait de toutes les nouvelles mais c'est ce qu'on m'a dit.

— Et tu penses toujours que c'est une bonne idée. La mort de tes neveux, celle de notre père et de notre grand-père, la guerre et l'avarice, ça ne t'aura pas convaincu.

Thorin sentait que ce sujet de conversation délicat allait revenir sur le tapis.

— Les nains ont besoin d'un roi, lui dit-il sèchement.

— Les nains n'ont besoin que d'une chose : d'eux-mêmes. Ils n'ont pas besoin d'un nain qui leur plantera un couteau dans le dos dès que son or sera menacé. Notre lignée a échoué, Thorin. Et peut-être que c'est la meilleure chose qu'il nous soit arrivé. Erebor a été rendue aux nains. C'est de ça qu'avaient besoin les nains. Pas d'un roi qui pourrait la perdre à nouveau.

Le coeur des nainsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant