LA GOAL

Née goal

La sonnerie retentit, marquant la fin des cours et mon premier entrainement. Je suis trop impatiente de jouer, j'ai failli courir jusqu'au terrain de foot attenant au Lycée. Mais la main ferme, mais sans brusquerie, de Nathan a retenu ma course. Et c'est ensemble que nous nous y rendons. Il ne montre pas la même impatience ; normal, il s'entraine trois fois par semaine en plus du match le week-end. Moi, cela devait faire au moins deux ans, que je n'étais pas revenue sur un terrain.

L'attitude n'est pas la même entre une personne habituée et une presque novice. C'est un peu comme ma première relation sexuelle, un mélange d'impatience pour la découverte et une anxiété de mal faire ou d'être déçue.

Devant les vestiaires, nous mains se détachent ; nos routes se séparent même si tous deux, nous aurions bien envie de nous changer ensemble. Mais le gardien du stade et les surveillants du Lycée ne nous le permettraient pas.

Et puis, les autres mecs de l'équipe, ont besoin de leur capitaine avec eux. Moi, ce ne sont pas les consignes qui m'intéresseraient d'échanger avec Nathan, mais quelque chose de plus tactile.

Mais la direction du Lycée est plutôt pointilleuse sur ces aspects ; questions de moralité disent-ils. Plus aptes à fermer les yeux sur des problèmes de harcèlements que subissent certains élèves et de trafics de drogue juste à l'extérieur de l'enceinte de l'établissement, que de laisser passer des corps trop proches et quelques baisers un peu trop langoureux à leurs goûts...mais pas du mien.

Heureusement que mes géniteurs sont moins rigido-frigides. Sinon, cela serait l'enfer de trop de pudibonderie.

Après avoir mis mon short de gardien, j'enfile mes chaussettes sur des protège-tibias et je les monte au-dessus des genoux. Ils amortiront quelque peu les frottements avec le sol lors des plongeons.

Je change mon soutien-gorge de coton blanc pour une brassière de sport en lycra noir, en prenant soin de l'ajuster au mieux à mes seins généreux.

Je mets aussi mon maillot acheté la dernière fois, suffisamment ample pour gêner mes mouvements. J'aurais préféré mettre mon crop top ; cela aurait plus sexy et aurait mis ma poitrine en valeur. Peut-être cela serait un moyen de gagner ma place, pensé-je malicieusement.

Avec les chaussettes de foot, les crampons me vont un peu serrés. Mais bon, j'espère qu'après quelques matchs ou entrainements, ils s'adapteront mieux à mes pieds.

C'est une sensation bizarre que de marcher avec des crampons sur le sol carrelé du vestiaire, cela résonne comme si nous étions une dizaine en train de marcher.

Une première pour moi ; les crampons. Quand je jouais plus jeunes avec mes grands frères et leurs copains, je portais des tennis. Mais avec le sol herbeux ou boueux, cela devient vite une patinoire, et on finit rapidement sur les fesses avant même de plonger sur un ballon.

Je sors, enfin mes nouveaux gants. Cela me procure des étranges picotements tout le long de mon corps, quand je les enfile. Pourtant ce n'est pas de la soie ou du cuir, mais de la mousse de latex et ils te font doubler tes mains et deviennent comme celles de Mickey Mouse.

En plus, si le premier gant est facile à mettre en s'aidant de son autre main, le second nécessite de s'aider des dents pour bien le positionner, avant de fermer les bandes velcro.

Même si la qualité des gants ne fait pas la qualité du gardien de buts, j'ai l'impression que l'intérieur de mon ventre se vrille et ils me procurent une pulsion irrépressible de jouer dans les buts.

C'est à ce moment-là, que je me rends compte que jouer au foot correspondait à ce que j'aspirais au plus profond de moi. Et que ce besoin était très fort, même plus fort que mon attachement à certaines personnes.

Et quand je sors du vestiaire pour rejoindre l'équipe, je suis prête à jouer au foot, pas pour rester sur le banc des remplaçants et à couper des oranges à la mi-temps et donner à boire à mes équipiers.

Je dirige vers les buts, où se trouve Aaaron qui s'échauffe.  Moi, Vanessa, je suis là pour être une joueuse titulaire ; et surtout être goal.