Lourd est mon parcours.

44.

- Train d'vie très noir donc sombre mélodie.

* DANS LA PEAU D'ABDEL.

« J'aime quand la pluie commence à tomber car on ne voit plus tes larmes.. »

* juin 201*, décès d'Aymen Ghelîl.

J'revois son corps tomber le haut de cette maudite tour, j'le revois se cracher au sol, j'revois tout ce sang couler de sa bouche.. Encore une nuit ou j'revois cette scène atroce à laquelle j'ai assisté.

J'étais spectateur de sa mort.

Je l'ai vu de mes propres yeux comme si c'était un putain de film à la con.

- FLASHBACK.

J'passais tranquille avec Adel pour aller au parc et j'ai entendu :

« ... : EHOOOOW EN BAAAAS !! SI J'SAUTE TU M'RATTRAPE OU PAAAAW ?
Adel : C'est pas Aymen là haut ?
Moi : Si wesh, il nous fais quoi là ?
Adl : Il est bourré en plus téma !
M - Vas-y reste là j'vais le chercher il est malade lui ! »

J'ai monté les marches quatre par quatre tellement j'avais peur, depuis la cage d'escalier on entendait, il disait que d'la merde.

Quand j'suis arrivé sur le toit il s'était mis de l'autre coté de la barrière, prêt à sauter. En bas au lieu de lui gueuler d'arrêter ça prenait des vidéos, et moi j'étais là à lui hurler de descendre de ce putain de toit..

« Moi : Qu'est ce que tu fais putains reviens là !
Lui : Si tu m'approches je saute Abdel !
M : AYMEN PUTAIN DESCEND JTAI DIT !
L : ...
M : PRENDS MA MAIN ET DESCEND DE LÀ !
L : ...
M : AYMEN J'TE PARLE PUTAIN SORS DE LÀ TU JOUES À QUOI ?!!
L : UUUUUUUUUUN
M : ARRETE JTAI DIT ARRETE SORS DLA TA RACE SORS !
L : DEUUUUUUUUX
M : TA RACE AYMEN J'TE PARLE ARRETE CA PROVOQUE PAS LA MORT ! PENSE À HOUDA ET DESCEND DE CE PUTAIN DE TOIT !
L : TROOOOOOOIS ! »

J'ai essayé d'le retenir comme je pouvais, si je l'approchais il sautait, qu'est ce que j'aurais pu faire de plus ? Quand j'ai vu qu'il s'élançait j'ai essayé de le rattraper mais la seule chose que j'ai réussi à avoir c'est un bout de son tshirt. Avec la pression de son corps qui allait vers le bas il s'est craqué, ça l'a même pas un peu retenu. J'étais penché vers le vide, le bout de son maillot de Paname dans la main, j'ai eu la vue en avant première de sa chute, de sa mort.

- FIN DU FLASHBACK.

J'compte plus les nuits où j'me réveille en sueur parce que j'revois cette scène dans mes cauchemars. Il est parti alors que lui et moi on était encore en guerre, j'ai pas mal mais ça fou un coup au moral parce que j'lai vu de mes propres yeux. J'ai tout vu, j'ai vu son corps s'cracher au sol, j'lai vu se vider de son sang.. Il était complètement torché, stone, ailleurs. Comme s'il était déjà en enfer..

Au départ ça avait pas été reconnu comme un suicide, j'ai été accusé de l'avoir poussé. J'ai donc été en garde à vue, j'ai passé des interrogatoires jusqu'à ce que la police interroge les gens et tombe sur les vidéos où on m'entend lui hurler de descendre. En plus d'être choqué d'avoir vu ça, on a essayé de me le foutre sur le dos.

Je m'en remettrai encore moins que de la mort d'Ayoub, là j'ai vu de mes propres yeux. Le mec s'est jeté du toit en comptant jusqu'à trois, comme si arrivais en bas tout allait bien se passer..

C'était le démon de ma vie Aymen, mais ça restera l'ange de nos tours. Il a brisé une femme et laissé un enfant sans père, il a laissé le coeur vide de ma soeur, il a laissé ma mémoire pleines de ses conneries. J'ai pas envie de pleurer mais j'ai des regrets, y'a des choses que j'aurais pas du dire et des choses que j'aurais pas du faire vis a vis de lui.. J'aurais même du lui laisser Houda si j'avais su. Même si j'suis pas du genre à saucer les gens juste parce qu'ils sont mort, malgré tout il avait des principes et qu'une seule parole.. C'est triste d'en arriver là, c'était juste un ptit amoureux de la rue, son histoire est un triste mélodrame.

C'est triste comme les jours s'enchaînent et s'ressemble. C'est ouf comment la vie a repris son cours, c'est pas qu'on souffre plus c'est juste que s'on habitue à son absence. C'est comme un pincement au coeur continu.. Si j'devait lui dire une dernière chose j'lui dirait pas que c'est quelqu'un d'bien mais qu'au fond même si j'le déteste j'laime quand même.

C'est une âme de tess de plus qui nous a lâché..

Ça m'fait penser à Ayoub tout ça, ça m'met mal parce que mon frère c'était quelqu'un qui aimait la vie.. Ouais il aimait la vie, parce qu'il vivait chaque jour comme si c'était son dernier. Il profitait comme c'était pas permis, il f'sait tout et n'importe quoi. Et souvent quand j'lui demandait pourquoi il restait pas tranquille il m'répondait toujours la même chose.. J'conçoit pas l'fait que plus jamais j'le reverrai. Son sourire, ses sourcils de zehef, son rire, ses menaces, ses blagues bidons, ses conseils.. Tout est avec lui six pieds sous terre. On croit que la mort prend tout son temps pour arriver, mais elle prend surtout tout c'quelle veut sans demander. Demain c'est loin, négligez pas.

FLASHBACK.

« Moi : Ayoub j'espère vraiment que t'as ton permis hein !
Lui : Combien d'fois j'tai pris et j'tai emmené j'sais pas où ?
M : ...
L : Vla les fois on est d'accord ?
M : Bah ouais ..
L : Et t'es encore là nan, alors on s'en bats les c*uilles du permis wesh
M : T'es fou ..
L : C'est la vie qui m'a rendu fou frangin..
M : Pourquoi tu dis ça ?
L : Tu comprendras plus tard.. »

FIN DU FLASHBACK.

La vie te rends malade parce qu'elle t'envoie dans la gueule que des trucs que t'as pas demandé. Si la rue c'est paro, bah sache que la vie c'est pire.. Surtout nos vies d'tess avec nos têtes brûlées cramées, nos espoirs abandonnés, notre langage et notre petit accent d'cité.

La banlieue c'est pas chez ta mère, la banlieue quand tu parles mal tu prends des coups, tu douilles tu prends des balles, tu fais une crasse tu peux en crever. C'est aussi le calme, l'ambiance, l'sens de la famille, la bonne humeur, le mélange des cultures.. Pour son quartier un gars pourrait prendre pire que des balles. Une banlieue c'est remplie d'mecs qui tueraient pour leur soeurs, leur mères, leur femmes et même leurs frères. Les mecs de banlieue sont plein d'honneur, de fierté et de principes. La banlieue c'est le bled en mode France, c'est nos deux chez nous mélangés et on y a rajouté un ingrédient secret : la misère.

C'est justement le revers d'la médaille.. Un revers pas très beau qu'on essaie de coller au mur, qu'on essaie de cacher, de cogner.. Sauf que la misère c'est pas ta soeur, si tu la cogne crois moi elle s'venge. Elle revient au galop, elle arrive elle pourrit ta ive et elle te crache même en pleine face ! La misère c'est un espèce de microbe qui s'propage de famille en famille. C'est génétique parfois, mais c'est surtout contagieux. C'est ouf de voir le frigo et le placard de chez oit vide mais que ton assiette soit toujours pleine.. Nos daronnes sont magiciennes.

La mort c'est une sorte de libération au fond, parce qu'on se barre d'ici. Ce monde où les femmes vendent leurs corps, où certains enfants sont violés, abandonnés par leur parents.. Un monde qui dénigre nos valeurs et nos coutumes, un monde qui fait passer toutes nos soeurs pieuses pour des prisonnières. Un monde où l'argent est roi.. Un monde où les femmes qui dévoilent leur corps sont plus attirantes.. Un monde sans Rahma*, un monde qui tourne à l'envers.

Dans ce monde, rien est vrai, tout est éphémère, tout peut disparaître. C'que j'vous dit là c'est réel et c'est ça le pire. J'vous l'ai dit, demain c'est loin.