La contrainte

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J'ai dormi et pu me reposer. De ces sommeils que je convoite tout le temps. Je me sens un peu mieux dans mon lit, beaucoup plus que je ne le suis d'habitude. Ça se pourrait qu'avoir été auprès de mon vieux père me donne beaucoup de bien. Je ne le pensais pas, car je lui ai toujours voulu de nous avoir laissé seuls. Vers un monde meilleur pour lui, qui sait ? Pour moi aussi. Je veux être à côté de lui.

Le week-end a vite Passé sans que je m'en prête une grande attention. Les secondes, les minutes, les heures ainsi que les journées ont perdu leur sens à mes yeux depuis longtemps. Il faut dire que tous les jours pour moi sont les mêmes et les nuits, une voile dressée entre les cieux et la terre pour tromper ceux qui pensent tenir une activité qu'ils appellent le travail, pour duper l'humanité. C'est encore là une fourberie qui permet de se leur couler douce dans l'ombre des ténèbres.

Quelqu'un a poussé la porte de ma chambre quand j'entends la cloche de l'église retentir, c'est déjà l'aurore. Ma mère est encore là, devant moi. Elle se contentait de me contempler silencieusement pour me faire comprendre qu'il est déjà lundi et que je me rendrai à l'école dans tous les cas. Parce qu'elle l'avait assuré à Mr Seye. Celui-ci commença à me déplaire sur l'heure. Pourquoi il a fallu qu'il joue les fouines jusqu'à aller s'entretenir avec ma mère. Ils sont décidément tous les mêmes.

Les lueurs du jour naissant s'apercevaient à peine. Le vent de l'hiver se faisait ressentir comme tous les matins. Ce vent qui est en accord avec mes humeurs du moment et qui, contrairement à la murmurante, m'encourage à me blottir sous ma couette pour un somme meilleur, ainsi, une vie meilleure. En y repensant, c'est l'une des meilleures sensations au monde. Il suffit de l'essayer pour ne plus l'arrêter. C'est moi qui  vous l'assure, Jules, celui qui n'a point demandé de naître.

-          Jules Abraham, finira-t-elle par dire. N'as-tu point entendu l'appel du muezzin ? Ne dois-tu pas prier ?  N'es-tu point fils de croyant, ou bien tu as fini par renier ta foi tout comme tu essaies de renier le monde et ses gens ?

Les paroles de ma mère s'accompagnent d'une fermeté que je note très rarement. Ce n'est pas la peine qu'elle passe par quatre chemins, je comprends déjà que tout cela n'est qu'une entrée en scène. Et que le vif du sujet est la contrainte qu'elle va m'imposer pour me forcer à aller en cours. Je m'étais déjà fait à l'idée depuis deux jours.

-          Je redescends m'occuper de ton repas, à mon retour, je veux te trouver prêt pour l'école ; et tes prières faites. J'espère ne pas me répéter. Conclu-t-elle.

Elle est sortie aussitôt après ces mots en remontant les rideaux sur la portière pour déranger mon calme. Le chant des oiseaux me parvenaient jusque dans ma chambre, décrivant l'espoir et la chance qu'incarnent ces êtres.

-          Ne divague pas, tu dois être prêt avant le retour de ta mère mon vieux, souffla la murmurante.

J'espère de tout cœur que cette voix se taira pour de bon un jour. Elle s'avère de plus en plus insupportable.

Je me suis levé et me dirigé vers les salles de bain pour ne pas être assailli par les prochains boniments de la dame. Je me demande bien ce que je ferai à l'école, si ce n'est que pour aller perdre un temps précieux qui pourrait me servir à vivre mon rêve et mes désirs, là où les imaginations se réalisent sans aucun effort, dans mon lit. Ils s'attendront surement à ce que je me rattrape sur les cours que j'ai manqué. Je ne le ferai point. Ils m'ont contraint à ce que je m'y rende, alors ils devront me supporter sans ronchonner. Sinon ils n'ont qu'à m'exclure. Cela m'est bien égal. C'est plutôt souhaitable, s'ils savaient.

L'eau coulait sur ma peau comme une partie inopérante de moi, je le sentais s'écraser sur ma tête pour ensuite se dégouliner le long de mon corps. Ce mécanisme m'enchante et je durai plus longtemps sous la douche que d'habitude. Et au dehors, il y'a ma mère qui vociférait dans ma chambre pour que je ne fasse pas attendre plus longtemps le chauffeur.

CE SOIR OU DEMAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant