3 décembre : comme un jour pluvieux

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Il était aux alentours de dix-huit heures à Maison Grise et Pierre était en train de passer un appel dans son studio. Si l'on s'approchait suffisamment, on pouvait aisément reconnaître la voix de Kate, sa petite amie. En se fiant à leur ton, on pouvait supposer qu'ils étaient en plein au milieu d'une dispute, ou du moins d'une conversation très peu agréable.

— Mais Kate, ce n'est pas la question ! On est un couple, on est censés se concerter pour presque tout. Tu pars à l'autre bout du monde et je l'apprends au dernier moment ! Imagine un peu si j'étais rentré avant que tu m'appelles et que j'avais trouvé la maison vide, sans aucune explication.

Il se prit la tête entre les mains, visiblement mécontent de la tournure que prenait la discussion. Pour esquiver le conflit, il choisit de s'incliner :

— Passe un bon voyage avec ta famille, je t'aime.

Il raccrocha et se dirigea automatiquement vers la cuisine, pour se servir un verre de vin. Après l'effort, le réconfort. Ensuite, il s'installa nonchalamment sur le canapé, posa ses pieds sur la table basse, avant de se saisir de la télécommande pour allumer la télé. Décidément, ce n'est pas la meilleure journée que j'ai connue... Il tourna la tête vers la fenêtre et vit qu'il se mettait à pleuvoir. Non, vraiment pas une bonne journée.

Alors qu'il allait se resservir un verre de vin — il ne savait plus le combientième mais il commençait à se sentir doucement joyeux — une main saisit doucement son bras pour éloigner la bouteille de sa portée. Il se retourna. C'était Ben. Merde.

— Je pense que tu as assez bu, vu comment la bouteille a descendu. Tu es à combien de verres ?

— À peine un ou deux, rends-la-moi Ben ! Et il se rapprocha dangereusement de son ami, les yeux rendus brillants par l'alcool.

— Non, quand tu bois autant c'est qu'il s'est passé quelque chose et je ne pense pas que ça va te faire te sentir mieux. Qu'est-ce qui se passe Pierre ?

Au vu de l'inquiétude qui perçait dans la voix du  brun, il se renfrogna immédiatement et commença à se lever. Ce fut sans compter sur Benjamin qui le força à se rasseoir en lui lançant un regard inquisiteur dont seuls ses yeux noirs avaient le secret. Bon sang, j'avais oublié quelle poigne il avait.

— Alors ? Je ne te laisserai pas partir avant que tu m'aies tout raconté.

— C'est rien, juste Kate qui est partie voir sa famille sans m'en parler...

— Et tu appelles ça rien ?

— Elle m'a appelé en arrivant, c'est déjà ça. Dit-il tristement.

— Vu l'état dans lequel tu es, ça t'affecte quand même un minimum

— Évidemment que ça m'affecte ! J'apprends que la personne que j'aime, quelqu'un que je connais depuis un peu plus de huit ans est capable de prendre un vol Paris-Moscou sans même se concerter avec moi, l'homme avec qui elle partage sa vie. Je me sens trahi, j'ai l'impression de ne pas compter dans l'équation alors que je ne ferais jamais rien d'important sans lui en parler auparavant. Le pire dans tout ça, c'est qu'à chaque fois qu'on a une dispute dans le genre, je finis toujours par laisser tomber parce que je n'ai pas envie de la perdre. Le problème c'est que je suis arrivé à un moment où j'en ai marre de faire des concessions.

Les larmes commençaient à poindre au bord de ses yeux, tant ce discours lui avait demandé. Il ne s'était jamais autant livré à quelqu'un et il ne réalisait pas encore comment il avait réussi à dire tout ça. Sans un mot, Benjamin le prit dans ses bras en le berçant alors qu'il se laissait aller complètement. Il murmura entre deux sanglots à son ami :

— Je ne peux pas rentrer chez moi ce soir, c'est... c'est au-dessus de mes forces.

— Viens chez moi alors, mais je te préviens c'est pâtes au pesto au menu !

Le blond esquissa un semblant de sourire mais le cœur n'y était toujours pas.

oOo

Il était donc chez Benjamin, attablé alors que ce dernier préparait à manger. Il avait l'impression d'être dans un état second et il était très reconnaissant envers son ami d'avoir pris les choses en main. Une agréable odeur était en train d'arriver à lui, le faisant quelque peu sortir de sa torpeur.

— Tagliatelles italiennes recouvertes de sa sauce au pesto et saupoudrées de parmesan finement râpé pour Monsieur Croce !

Remerciant le brun, il entama son plat mollement. Il porta sa fourchette à sa bouche mais c'était comme s'il ne pouvait rien avaler. Il se força cependant pour faire plaisir à Benjamin, mais il dut s'avouer vaincu à la moitié de son assiette, n'en pouvant plus.

— C'est la première fois que je te vois ne pas finir ton assiette et ne pas te resservir ensuite, lui dit son ami, surpris.

— Désolé, mais je n'ai pas très faim.

Il le regarda étrangement mais se reprit rapidement en lui disant :

— Je finis de ranger tout ça et on se regarde Matrix ensuite, ça te va ?

Pierre hocha la tête doucement avant d'aller mettre une tenue plus décontractée. Il se rendit compte que le pire était quand il était tout seul, il ne faisait que penser à Kate. Il revoyait son visage, tous les moments qu'ils avaient passés ensemble et il se sentait d'autant plus trahi. Il se dépêcha d'enfiler son jogging et son tee-shirt avant de rejoindre Ben sur le canapé. Ce dernier lui proposa un bout du plaid qu'il accepta avec joie puis il lança le film.

Il ne savait pas si c'était parce qu'il connaissait le film par cœur ou parce qu'il se sentait si bien, là, tout contre Benjamin, mais il commença à s'endormir doucement. Sa tête vint se poser sur l'épaule de son voisin, qui ne fit aucune remarque. Étrange, c'est bien une des seules fois où il ne me repousse pas eut-il le temps de penser avant de s'endormir pour de bon. 

Environ une heure après, ou bien c'était deux — il avait quelque peu perdu la notion du temps — il sentit que quelqu'un le soulevait avec précaution pour ensuite le déposer dans un lit qui lui parut vraiment confortable. Cette même personne grommela gentiment :

— Bon sang, t'es lourd Croce.

Alors qu'il s'apprêtait à partir, il ne sut pas ce qui lui prit, mais avec toute la force dont il était capable (c'est-à-dire très peu vu son état de sommeil avancé), il lui agrippa le bras et murmura un "reste" presque inaudible.

La personne resta immobile pendant un long moment, il se demanda même alors si elle l'avait entendu. Il eut sa réponse quand ce quelqu'un se cala doucement contre son dos en l'entourant de ses bras. Se sentant en sécurité, il s'endormit quasiment immédiatement.

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25 jours pour le séduireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant