-S'il te plaît encore une fois! Une dernière fois! S'exclama la jeune fille en plaquant son oreiller contre elle.En la voyant faire, l'homme assit près d'elle sourit, amusé. Il passa une main dans les ondulations brunes de l'enfant, dégageant son visage. Comme souvent, il sentit une pression dans sa poitrine en voyant les grands yeux bleus de sa fille et ses traits fin. Nombreuses étaient les fois où il se disait à quel point elle ressemblait à sa mère.
-Il est tard Anna. Tu dois dormir maintenant.
Bien décidée à faire céder son père, la jeune fille se leva sur son lit, tenant d'une main le bas de sa chemise de nuit pour ne pas la gêner.
-Mais je ne suis pas fatiguée! Et je veux être comme toi, être une combattante courageuse et affronter les méchants!
Elle accompagna ses paroles de gestes, levant son poing au ciel et sautant sauvagement de son lit. L'homme à ses côtés la regarda faire, habitué par ses élans d'énergie. La jeune fille continua de sauter de partout puis imita une radio, collant sa main à sa bouche en prononçant des ordres comme un vrai commandant d'armée.
Son père la regarda faire. Si les jeux qu'inventait Anna étaient amusant à regarder, ils étaient tirés de drames. Et cette triste vérité lui revenait en mémoire à chaque fois qu'elle prenait le rôle d'un soldat partit à la guerre.
Henry Anson était un homme seul, élevant sa fille depuis sa naissance suite au décès de son épouse. Si aujourd'hui il parvenait à subvenir aux besoin de son enfant, c'était grâce à son métier. Il avait d'abord commencé comme technicien pour l'armée britannique, réparant voitures et avions. Puis, il s'était engagé. De ce fait, il partait régulièrement en mission, laissant sa jeune fille aux bon soins d'une voisine, puis revenait plusieurs semaines après épuisé et amaigrit. Mais il était toujours vivant et si il pouvait à chaque fois retrouver son enfant, il considérait ses retours comme de vrais miracles.
Mais aujourd'hui, il s'inquiétait pour elle. Le monde était loin d'être en paix et les rumeurs d'une seconde guerre mondiale parcourait les villes. Si la guerre éclatait, il partirait. Et cette fois, il n'était pas certain de revenir. Et sa fille, bien que très débrouillarde, serait livrée à elle même dans un monde de terreur et de haine.
Il commençait ainsi à avoir peur pour elle. Elle avait une image bien précise de la guerre et des soldats. Mais sa vision n'était pas la bonne.
Il se leva donc, observant sa fille, puis il s'approcha d'elle et s'abaissa pour être à son niveau. Il arrêta son jeu en posant une main sur son bras et elle tourna instinctivement la tête vers lui. L'expression de son père lui fit perdre son sourire. Il avait la même tête que quand il lui annonçait qu'il devait partir. Sauf que normalement, une assiette de Pancakes était posée devant eux. Là, il n'y avait plus que la chambre sombre et le silence.
-Annabeth... Je dois te parler et tu dois comprendre. Et je sais que tu comprendra car tu es grande à présent.
Il l'entraîna avec douceur pour qu'ils s'installent sur le lit. Le sommier en ferraille grinça sous leur poids. Il chercha ses mots, réfléchissant à ce qu'il devait vraiment dire, puis la regarda dans les yeux.
-La guerre n'est pas comme dans tes jeux. Elle n'apporte que tristesse et mort.
Il regarda son jeune visage et une boule se forma dans sa gorge. Il avait l'impression de lui faire ses adieux.
-Je ne sais pas ce qu'il se passera dans le futur. Mais tu ne dois pas oublier qui sont les véritables ennemis.
-Les soldats?
-Non Anna. Les soldats comme moi, peu importe d'où ils viennent, sont victimes de la guerre. Ils se battent et tuent par peur. Car ils sont obligés. Les vrais ennemis sont les grands. Ceux qui envoient les soldats et ceux qui créent la guerre. Et ce sont les seuls qui ne se battent pas. Les méchants sont les lâches qui se cachent derrière les discours et les ordres. Les soldats qui fuient le combat sont les plus courageux de tous. Retiens bien ça ma chérie.
Anna buvait les paroles de son père et découvrit une part sombre du monde. Ses lèvres étaient entrouvertes et ses yeux fixaient l'homme sans bouger. Elle ne comprenait pas pourquoi les hommes étaient aussi méchants et lâche. Elle tendit son bras et posa sa main sur celle de son père en se rendant compte que le visage paternel était devenu livide.
-Tu as peur papa?
L'homme la regarda surprit de sa question avant de s'apercevoir qu'il tremblait. Par ses paroles, il avait délivré ses inquiétudes et les horreurs que l'armée lui avait montré lui revenaient en mémoire.
-Oui...
L'enfant, n'ayant pas l'habitude de voir son père aussi effrayé, posa sa seconde main sur la joue de l'homme. Elle ne savait pas ce que les soldats affrontaient. Et même si elle comprenait, elle ne pouvait pas réaliser.
Elle murmura alors, le plus doucement possible, cherchant à apaiser son père:
-Tu es le soldat le plus courageux papa. Tout ira bien.
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A flot
Adventure26 mai 1940. Séparée des troupes françaises situées au sud, l'armée britannique et plusieurs unités françaises et belges battent en retraite vers le nord de la France. Démarre alors la bataille de Dunkerque, aussi appelé l'opération Dynamo, qui co...