Chapitre VII - Dette céleste

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Le chasseur de dragons leva un regard d'une prudence étonnée vers la figure céleste qui s'adressait à lui.

– Mon frère, le chasseur Orion, est en train de périr dans cette forêt par les pinces du scorpion de feu.

Sting se mordit la lèvre. Lucy n'avait toujours pas fait signe de vie. Il ne pouvait pas l'emmener dans cette forêt, encore moins la laisser seule sur le sable brûlant.

– Acquitte-toi de ta dette ! Tu as une heure, dragon ; achève le scorpion avant que mon frère ne succombe.

De la même façon qu'elle était apparue, elle déroba à ses yeux bleus l'étincelle de son corps divin pour retourner par-delà les nuages. Sting fut laissé seul à son dilemme. Le temps lui étant compté, il ne put que prendre le corps inerte de Lucy dans ses bras. Il courut au plus vite que ses jambes le lui autorisaient vers l'immensité de verdure. Ainsi arrivé à l'orée de la forêt, il fut interpellé par le parfum réconfortant d'une douce braise qui n'avait rien à envier à celle que le Scorpion dégageait. Un feu doux, presque envoûtant, qui venait caresser son odorat surdéveloppé. Ses sens de chasseur lui permirent d'atteindre un cabanon que l'étoffe verte des arbres cachait du reste de la forêt, et qui lui apparut pareil à un mirage. Sur le pavillon, une femme que l'âge avait ridée, qui les regardait comme si elle les eût attendus.

– À quel dessein tragique ces bois t'ont-ils conduit, jeune homme ?

Sting s'était arrêté à quelques mètres de distance de la femme. Il ne lui répondit pas.

– Ton amie est en grande souffrance, assura-t-elle.

– Qu'en savez-vous ? répliqua le tigre blanc, méfiant.

– Bien.

La vieille femme lui tourna le dos et fit demi-tour dans sa maison.

– Attendez, grand-mère, marmonna le jeune homme qui n'avait d'autre choix.

– Mh ?

– Est-ce que vous pourriez m'aider ?

– Et pourquoi te rendrais-je service ?

Les traits de la figure du dragon blanc s'adoucirent alors que de quelques pas lourds il s'avança vers son interlocutrice. Celle-ci fut prise par surprise lorsque Sting s'agenouilla au sol, le corps inerte de Lucy délicatement posé en face de lui. Et ce sont les larmes naissantes, qui se nourrissaient de son inquiétude, qui séduisirent la vieille femme.

– Je vous en supplie, sauvez Lucy.

Le corps inerte de la belle étendu devant son regard impuissant était un châtiment divin, la douleur infernale en témoignait. Inconsciente devant lui, Lucy n'avait jamais semblé aussi belle alors qu'il allait la perdre, bien que la pâleur de sa peau et sa figure fade ne soient étrangères à sa sublime silhouette.

La vieille femme esquissa un sourire.

– C'est qu'il fait chaud, par ici. Laisse-moi donc ton amie, va terrasser la bête qui hante nos bois.

Alors que Sting avait déposé Lucy chez la vieille infirmière et tourné les talons vers sa dette, un minuscule lézard rose, agité comme un enfant, sembla pester sur l'épaule de la femme.

StingLu : La Constellation du Tigre AiléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant