Les couloirs obscurs regorgeaient de sanglots, et alors que ses propres pas résonnaient dans le couloir, on retenait ses pleurs et sa respiration. L'ambiance était lourde, pesante, c'était à peine s'il osait respirer. Quelques fois, au détour d'un embranchement, il lui semblait entendre des voix s'éloigner. C'est en sillonnant les bâtiments de son lycée que Namjoon se rendit compte qu'il était immense et rempli de salles qu'il ne connaissait pas. À force de se déplacer tous les jours de salles en salles depuis deux ans, et toujours dans les bâtiments réservés principalement à la musique, il l'avait oublié. Si l'établissement prenait des allures glauques de château hanté, rien n'était comparable à l'horreur de certains étages, là où les terroristes avaient frappé. Les classes fermées à clefs avaient les murs criblés de balles et une odeur étrange s'y était installée. Le silence y était roi et au moindre bruit suspect, Namjoon s'arrêtait en se plaquant contre un mur dans la pénombre.
Le jeune homme sortit son téléphone. Dès son premier jour d'école, Namjoon avait pris en photo l'emploi du temps de Jungkook, feignant de devoir le surveiller pour qu'il ne fasse pas de connerie qui entacherait sa réputation de président des élèves. En réalité, il avait passé l'année à s'organiser pour finir aux mêmes heures que lui afin de le ramener tous les jours à la maison. Il ne faisait pas l'effort de rester au CDI pendant deux heures pour sa réputation de grand frère modèle, mais tout simplement parce que Jungkook comptait pour lui. Il s'inquiétait de le savoir attendre tout seul son père ou sa mère sur le parking alors que la nuit tombait.
La peur lui brûlait le ventre à cet instant présent. Et si son petit frère était mort sans qu'il n'ait pu lui dire au revoir ? Sans qu'il n'ait pu lui dire qu'il l'aimait et qu'il était fier de lui ? Il ravala sa terreur en s'avançant dans les couloirs aux murs troués. Normalement, sa salle devait se trouver ici, mais s'il était déjà trop tard ? Il papillonna des yeux pour chasser les larmes qui l'empêchaient de voir clairement les numéros dorés sur les portes. Il arriva au bout du petit hall et s'arrêta devant une porte, trouée comme toutes les précédentes. Namjoon posa une main sur la poignée. Il hésitait. Devait-il ouvrir ? Toutes ses pensées se mélangeaient dans son esprit, à peine perturbé par la fusillade qui faisait rage dans le bâtiment d'à côté. De toute façon, il fallait bien qu'il vérifie, non ? Jimin, Taehyung, Jungkook, ils étaient tous dans la salle 327. Il resta encore de longues minutes devant cette porte, ne prêtant pas plus attention aux trois coups de feu isolés qui retentirent. La poignée était glaciale. Il l'abaissa sans difficulté et ses yeux s'agrandirent de surprise. Si la porte était ouverte, cela voulait dire qu'ils s'étaient sans doute échappés. Une lueur d'espoir s'alluma timidement dans son cœur et il prit une grande inspiration.
Soudain, le lycéen entendit des pas précipités dans le couloir. Il se dépêcha de pénétrer dans la salle et il referma bien vite la porte en collant son dos à cette dernière. Avait-il été remarqué ou entendu ? Les battements de son cœur s'étaient accélérés, sa cage thoracique se soulevant au même rythme que sa respiration hachée. Les pas s'éloignèrent aussi vite qu'ils étaient apparus, laissant Namjoon seul dans cette salle qui empestait encore plus que les couloirs. Il mit sa manche contre le bas de son visage. Une odeur métallique flottait dans l'air et lui agressait le nez. À cause de la pénombre il n'arrivait à voir qu'une masse informe et géante au milieu de la pièce, alors il chercha son téléphone dans sa poche et alluma la poche torche. Son estomac se retourna et il vomit, appuyé contre le mur. La classe qu'il avait pensé vide était en réalité remplie de cadavres entassés les uns sur les autres. Les balles avaient traversé les murs et s'étaient logées dans le corps des élèves. Namjoon se revit longer ces murs troués de milles balles, cachant les cadavres de centaines d'adolescents et de professeurs, des innocents terrorisés qui n'avaient pas eu la chance de pouvoir s'enfuir. Il se redressa, faisant face à tous ces corps allongés sur le sol. Il chercha rapidement des yeux son petit frère et ses amis, ne supportant pas la vue de tous ces visages figés de douleur. Et c'est alors qu'il le vit, ce visage de poupée aux cheveux blancs comme la lune qui accrochaient désespérément les rayonnements de sa lampe torche.
-Minie.., chuchota le jeune homme.
Il voulait s'approcher de lui, le prendre dans ses bras et le sortir de cette pièce nauséabonde mais il devait se rendre à l'évidence qu'il n'y arriverait pas. Il resta alors là, des larmes silencieuses coulant sur ses joues à regarder le cadavre de Jimin avant de se décider à sortir. Son petit frère n'était définitivement pas là et l'odeur devenait insupportable. Lorsqu'il referma la porte derrière lui, il inspira profondément l'air frais. Il essaya d'effacer le visage effrayé de Jimin de son esprit pour se concentrer uniquement sur son petit frère.
Si Jungkook et Taehyung n'étaient pas là, où étaient-ils allés ? S'étaient-ils enfuis ? C'est ce qu'il espérait le plus au monde. Il en déduisit qu'ils se trouvaient peut-être aux toilettes et les plus proches se trouvaient dans le bâtiment suivant. Le garçon se mit en route, faisant attention à tout ce qu'il entendait. En réalité, il lui semblait percevoir beaucoup de choses, des pas qui le suivaient discrètement, un souffle près de son oreille, mais il avait beau se tourner dans tous les sens, il n'y avait jamais personne. C'était comme s'il y avait une présence qui ne le quittait plus depuis qu'il était sorti de la classe 327. Namjoon ne croyait pas aux esprits mais il était sûr que quelque chose le suivait.
-Jiminie.. ? Chuchota-t-il tout doucement alors qu'il dépassait la lettre D peinte en rose, un bâtiment dans lequel il n'avait jamais vraiment mis les pieds puisqu'il contenait la plupart des salles de peinture et de dessin.
Evidemment, personne ne lui répondit. Cette nouvelle section était aussi mal au point que celle qu'il venait de quitter. Il dû s'aider des indications sur les panneaux pour retrouver les toilettes. Alors qu'il s’apprêtait à descendre des escaliers, il recula précipitamment et se cacha à l'intersection des couloirs, dans un renfoncement du mur. Des pas lourds et pesants résonnaient. C'étaient eux, ces hommes. Après avoir fini leur carnage, ils partaient vers de nouvelles salles. Namjoon plaqua sa main sur sa bouche pour atténuer le bruit de sa respiration essoufflée. Le petit groupe passa tout près de lui, si bien qu'il avait pu entendre les fermetures éclairs de leur blouson tinter contre leur arme à feu. Ils descendirent par l'escalier. Namjoon attendit. Longtemps. La pluie avait eu le temps de s'arrêter complètement avant qu'il ne se décide enfin à bouger. Ses membres étaient ankylosés et lui firent presque mal lorsqu'il fit un pas. Tout doucement et sans faire de bruit, il descendit à son tour les escaliers. Marche après marche, il se rendit compte qu'il n'avait pas entendu les hommes s'approcher quelques minutes plus tôt, alors comment avait-il pu penser se cacher ? La présence à ses côtés lui parue bien plus réelle maintenant et il la remercia silencieusement. Peu importe qui ou ce qu'elle était, elle lui avait sans doute sauvé la vie.
Arrivé tout en bas de marches, il repéra la porte des toilettes juste en face. Il regarda à droite pour vérifier que les hommes étaient bien partis puis à gauche. Et là, il se figea totalement. Sa respiration se bloqua, son corps se mit soudainement à suer à grosse gouttes.
Là sur le sol, à plusieurs mètres de lui, un garçon était allongé, la tête de profil. Du sang recouvrait son dos et formait même une flaque autour de lui. Trois autres jeunes filles étaient étendues à côtés de lui, comme s’ils avaient tous voulu fuir une menace contre laquelle ils n'avaient pu lutter. Sans un regard pour les jeunes filles en uniforme ensanglanté, Namjoon s’élança vers le jeune homme. Ça ne pouvait pas être lui, il refusait d'y croire...
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Locked Up {Y.Seok}
FanficLe soleil est haut dans le ciel, l'été s'annonce chaud. Mais la tempête n'est jamais loin. Elle arrive furtivement à l'horizon, plongeant le lycée dans le noir et viendra s'écraser sur leurs fenêtres quand, encapuchonnée et l'arme au point, la mort...