Le Pharmakis

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Une odeur de transpiration douceâtre remonta jusqu'à moi et me souleva le cœur.

Le rythme de mes foulées s'accorda à celle de mon traqueur, s'accéléra puis se ralentit en vue d'exciter le chasseur en lui.

Les démons n'étaient pas réputés pour leur endurance et celui qui me poursuivait piaffait littéralement d'une impatience fiévreuse.

Je me mis en quête d'un endroit à l'abri des regards humains et me dirigai vers des ruelles plus exiguës et sombres.

Trois tours de quartier suffirent avant qu'il ne se décida à m'affronter.

Sur le trottoir désert et étroit un réverbère brisé nous laissait aveugles.

Il bondit enfin et me fit face, me laissant le heurter de tout mon élan et de toutes mes forces.

En une fraction de seconde nous fûmes à terre.

Mon regard accrocha le sien, indécis et avide. Son souffle rauque se fit plus profond. Il pesait de tout son poids sur mon torse et m'observait derrière le voile de ses pupilles jaune délavées.

Ma première impression avait été la bonne. Il était jeune, trop jeune! Je regrettai un instant de ne pouvoir me mesurer à plus expérimenté mais finalement le combat serait égal. Mon pouvoir était hors de tout contrôle, un chien fou aussi impatient que ce démon à faire ses preuves.

Sa bouche tordue sur un visage poupon aurait pu me faire sourire si elle ne dévoilait pas une haleine pestidentielle et de longues canines argentées et artificielles (certains démons aimaient marquer ainsi leurs corps afin de les améliorer ... du tuning en sorte ricanait Calixte).

Sur sa poitrine, dévoilée par un t shirt déchiré, était gravé le sceau de Baphomet, sa tête de bouc me défiant de son index levé.

Je réussis cependant à garder un flegme dédaigneux et ne cillai pas.

Mon abandon apparent le fit atermoyer un instant. Un instant de trop.

Mes mains libres furent sur son cou, dénudé, en un battement de cœur.

L'énergie se libéra, sans même que j'eus à y penser, en une chaleur blanche, intense, crépitante...

La surprise se dessina sur ses traits lucifériens, puis l'incrédulité,le déni, l'indignation et enfin la douleur.....

Sa peau craquela et se parchemina. Son cou se parsema de nervures grisâtres qui remontèrent jusqu'à ses lèvres tremblotantes desquelles un gémissement sourd s'échappa.

Ses yeux se révulsèrent un instant, me laissant contempler le tracé de petits vaisseaux sanguins qui éclataient au rythme de mes impulsions électriques telle une marée écarlate menaçant de noyer son regard.

Il battit frénétiquement des bras, moucheron pris dans mes toiles, ses mains tentant en vain d'arracher les miennes de sa peau.

Je me délectai de ce moment, me délivrant de l'excessive tension des derniers jours et si un feulement de douleur aiguë ne m'avait désorientée j'aurais aimé le faire durer indéfiniment.

J'ôtai vivement mes mains,hébétée et jetai un regard éperdu aux alentours, recherchant l'origine de ce cri, car le démon, maintenant étendu en position fœtus sur mes jambes ankylosées, n'avait plus émis le moindre son.

Je le repoussai sans peine, l'adrénaline jouait encore son rôle à la perfection et réalisai avec horreur que cette exclamation douloureuse venait de moi. Avec un hoquet de stupéfaction je levai, devant moi, mes mains qui rougeoyaient dans les ténèbres de cette nuit d'hiver. De longues et grosses cloques douloureuses s'épanouissaient à présent sur le derme brûlé de mes paumes.

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