La Signorina

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Je clignai des yeux, éblouie par le sourire flamboyant de mon interlocutrice.

Son air amusé témoignait de son habitude à provoquer ce genre de réaction.

Je me ressaisis cependant et répéta, d'une petite voix rendue aiguë par l'appréhension, la petite formule en Italien que j'avais mémorisée l'après-midi même :

Signorina Volturi, é un vero piacera conoscerla di persona. »

-« Le plaisir est partagé Mademoiselle Ó Mordha! » répondit-elle dans un français parfait, teinté étrangement d'un léger accent allemand. « Nous serons rejointes dans une minute par Sienna,notre hôtesse d'accueil et secrétaire. Son poste se libère et nous recherchons donc sa successeur. Êtes-vous toujours intéressée Dana? Vous permettez que je vous appelle Dana? »

-« J'en serais très heureuse! Je veux dire... pour les deux ... oui...la réponse est oui! » balbutiai-je en m'empourprant.

-« Mais quel bel enthousiasme! » s'esclaffa-t-elle. Son regard pétillait malicieusement et le ton onctueux de sa voix ne put cacher un léger soupçon d'ironie. Très vite cependant elle reprit le cours de notre entretien, d'un ton beaucoup plus formel.

-« J'ai parcouru votre CV. Ce fut rapide! » elle tenait, du bout de ses doigts manucurés de rouge, un exemplaire du courriel envoyé par mes soins. Je hochais la tête puis ouvris la bouche, prête à défendre mes maigres expériences, mais d'un revers de main elle balaya ma timide tentative:

« C'est sans importance! La quantité ne fera jamais la qualité, n'est-ce-pas? Nous recherchons un profil bien particulier, aux qualités bien plus essentielles pour nous que le nombre d'été que vous auriez pu passer dans n'importe quel établissement prestigieux. » Elle jeta négligemment mon CV dans un coin de son bureau puis joua un instant avec une boucle de ses cheveux. « Notre maison est inscrite au patrimoine national Italien. Nous organisons parfois des visites privées, destinées uniquement à des membres d'honneur sélectionnés par nos soins. » m'expliqua-telle avec hauteur. «Votre rôle consistera à les accueillir et à nous transmettre les demandes d'audience, écrites ou orales. Nous recevons de nombreux courriers que vous devrez traiter, synthétiser et nous transmettre. Pour ceux bien sûr qui ne seraient pas confidentiels. » me précisa-t-elle. « Mais ce sont des choses que nous développerons ultérieurement si vous convenez à ce poste... »

Elle fut soudain interrompue par l'arrivée bruyante d'une jeune femme dont je discernai seulement les longs cheveux bruns tombant en cascade sur un pull gris cintré.

-« Un instant je vous prie Dana! Je suis à vous dans une minute! » Heidi se leva, empoigna brusquement le bras de la nouvelle venue et l'entraîna hors du cadre de la caméra. Figée par la virulence de son geste je ne fus pas étonnée de percevoir rapidement les échos d'une vive discussion.

Je ne pus me défaire de l'étrange impression que, sous son masque solaire, la sublima Volturi cachait une personnalité bien plus sombre. J'étais désolée pour celle qui, visiblement, passait un mauvais moment mais décidai néanmoins de profiter de cette pause pour vérifier mon état dans le miroir de mon poudrier.

Mes pommettes rouges tranchaient sur ma peau blême et mes yeux semblaient briller de fièvre mais dans l'ensemble je ne m'en tirais pas trop mal.

Un petit bruit de gorge me fit sursauter et je lâchai mon miroir qui se fissura sur les tomettes de ma chambre.

Sette anni di sfortuna! »

Mes yeux papillonnèrent de droite à gauche de l'écran à la recherche de l'auteur de cette intervention.

-« Je suis désolée. » balbutiai-je troublée en ramassant mon poudrier et ses éclats de verre « je n'ai pas saisi ce que vous avez dit! Euh .. il mio italiano è molto cattivo. »

AlchimiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant