Somnophobie théorie

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Le temps est fixe.

Encore une fois, j'ai peur de dormir.
Je me demande si j'ai tout laissé en plan parce que je courait après le temps, ou parce que je veux faire semblant qu'il ne change pas.

Je ne barre plus le calendrier. Je ne tiens plus mon journal, ni mon agenda. Pourtant, l'une des dernières choses que j'y ai toujours utilisé était mon répertoire à dessin, pour ne pas publier ce que j'avais fait.
Mais même ça est passé dans l'oubli. Je ne mets plus les dates sur mes dessins.

Je suis partie longtemps le mois dernier, longtemps ce mois-ci, mais je n'ai jamais défait ma valise.
Je sais que je garderai encore l'oreiller de mon invité.

Il y a plusieurs amis à qui je veux désespérément parler- mais l'on a rien à se dire, c'est le même problème. Je ne veux pas que l'on soit éloignées depuis aussi longtemps que l'on s'est parlées, et pourtant c'est très sûrement le cas.
Et dire que j'en parlais dans mon premier testament.

C'est la nuit- je ne dessine plus depuis deux semaines. Cela ne veut rien dire, je n'en avais pas le temps ; et puis tout d'abord c'est faux, je n'en ai just pas tenu compte du tout puisque je n'ai pas construit mon répertoire. Le mois de juin est à peine construit, et le mois de juillet quasiment avorté.

Est-ce que je veux si désespérément que le temps s'arrête ? Il n'y a déjà personne - je suis déjà hors du temps, seule.

Pour deux semaines je n'ai pu être moi même sans inquiéter personne. Puis je suis chez moi, enfin, à nouveau, je respire. Mais maintenant que je suis prête, on me lâche.

C'est la nuit.

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Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, mais j'espère décrire mieux mon sentiment.

Le soir. La fatigue est peut-être là, mais pas le sommeil. Et surtout on a besoin d'attention. D'un câlin. D'une présence. De quelquechose de vivant, qui continuera de vivre quand on s'arrêtera, et qui nous prouvera au réveil que les aiguilles ont bien tourné, que la vie existe, et qu'elle ne nous attend pas.

Mais bien souvent, la seule chose qu'on trouve est un "bonne nuit".

Froid, sans émotion, fatal. C'est "bonne nuit, je suis fatigué alors tais-toi". C'est bonne nuit, je me tourne de mon côté, bientôt je n'existerai plus et tu seras          seule.

Encore.

Encore une fois, à attendre la mort. Ça en a la fatalité, c'est inéluctable. On ne sait pas bien quoi regarder, alors le plafond fait l'affaire. On sait bien que si on peut dormir, après tout tout ira bien demain encore, quand on dort on n'a pas peur, mais...
On n'est pas près de dormir. On le sent.

On n'a pas non plus envie de faire quelquechose. Même si on a un lointain, très lointain besoin de se faire plaisir, scroller sur un téléphone nous réveillerait, rallumer la lumière aussi... On peut aussi fatiguer son corps, mais ce n'est pas toujours possible ou moral.

Mais à ce point là, on cherche moins à dormir qu'à se rassurer.
Alors parfois, une vidéo, une chanson dans sa langue première, ça donne l'impression de vie, que rien ne s'arrête finalement, que quelqu'un nous parle...
Mais parfois, le cerveau n'est pas dupe. C'est pourquoi il faut économiser ces petits condensés de vie, d'énergie.

Ce qu'il faudrait, c'est rassembler assez de motivation et de créativité pour rêver. Quand on est un dragon volant retrouver son dulciné, ou son ami d'un autre continent, on est tout de suite plus entouré et puissant. Après tout, cette fois, on risque moins de s'endormir avant la fin du film.

Mais si on sent que la fantaisie sera trop courte, alors il faut plus que tout se rassurer d'abord. Trouver cet ami d'un autre continent, car lui ne sera pas sur le point de dormir, d'entamer cette panique. Sinon, un tardif qui lui ne craint pas :)

La musique peut aider... Et quand on se sent sombrer, surtout ne pas lutter! Se blottir contre un vivant, ou un dossier de canapé, une énorme peluche... Les démons de cauchemar n'auront qu'à bien se tenir.

Edgy me.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant