Chapitre 12 - Partie 3

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TRISTAN

Je n'étais pas serein en dormant dans une maison dont nous avons dû forcer la porte. Pour autant, rentrer au manoir des Campbell ne me semble pas mieux. Ses parents ont tenté de la joindre à plusieurs reprises, et si nous voulons avoir une chance de récupérer nos valises, ainsi que les affaires de sa grand-mère, nous n'avons pas trop le choix.

Nona nous tombe dessus à peine la porte franchie.

— Nous avons tous été surpris de ne pas vous trouver au petit déjeuner les enfants ! Et vos lits que j'avais préparés, même pas défaits ! Tu aurais au moins pu répondre à ta mère, voyons !

— Ces derniers mois, ça ne l'a pas vraiment dérangé de ne pas avoir de nouvelle..., rétorque Lou.

— Ma petite chérie, mets un peu ta rancœur de côté..., essaie Nona avec maladresse. Bon, allez vous rafraîchir, nous attendons des invités !

Des invités ? Oh, bordel. Comme si les attaques de parents de Lou ne suffisaient pas, je vais devoir me taper d'autres guignols de la haute.

— Quels invités ?

Curieusement, ce n'est pas de la surprise que je perçois dans la voix de Lou, mais une angoisse à peine maîtrisée. Je crois même voir ses jambes flagellées un instant.

— Monsieur et Madame Gomez. Ils semblaient très surpris de ton retour et ils voulaient...

Elle ne lui laisse pas le temps de finir. Sa main explose littéralement la porte contre le mur, et malgré nos habits défraîchit par notre nuit de camping, elle s'élance à la recherche de ses parents. Quelque chose ne va pas. Ne va vraiment pas. Même si je n'en ai pas la moindre envie, je me sens obligé de la suivre. Peut-être par indiscrétion. Sûrement par instinct de protection.

— Dites-moi que c'est une blague ? fulmine Lou, la porte du salon tout juste franchie.

Je m'arrête dans le couloir. Assez proche pour assister à leur discussion, assez éloigné pour ne pas être mêlé à tout ce bazar.

— Lou, enfin ! Mais où étais-tu donc passée ? lui demande sa mère machinalement.

— Tu ne m'as pas entendu ? Qu'est-ce que monsieur Gomez vient faire ici ?

Monsieur Gomez. Ce nom revient un peu trop souvent depuis notre arrivée.

— Votre petite balade nocturne n'a pas échappé aux voisins. La nouvelle de ton retour a rapidement fait le tour de la ville, nous avons reçu pas mal de coups de téléphone ce matin... Il souhaite simplement, comme nous tous, mettre cette histoire derrière. Nous n'allions tout de même pas lui refuser l'accès à la maison, c'est le patron de ton père ! Et il a l'air prêt à pardonner...

— À pardonner ? Vraiment maman ? aboie-t-elle. Et tu te trompes, une mère, une vraie mère, aurait refusé...

Merde. Sa phrase s'est éteinte dans un sanglot. Quand Lou pleure, ça n'augure rien de bon.

— Je me tire. Bonne sauterie à vous !

— Lou !

Son père ouvre la bouche pour la première fois. J'ignorais sa simple présence dans la pièce. Pourtant, Lou ne s'en formalise pas et la porte se referme avec fracas. Le visage rouge de rage et les yeux mouillés de déception, elle tombe nez à nez avec moi. Elle bloque un instant, peut-être surprise par ma curiosité.

— Je vais chercher nos affaires. Reste là, je crois que niveau intimité, tu en as assez découvert.

O.K.. Le massage paraît clair, ma présence sur le seuil n'a pas été vue d'un bon œil. Même si je comprends sa colère, sans réellement tout saisir, j'aurais préféré explorer sa chambre plutôt que me retrouver abandonné dans un rez-de-chaussée bouillonnant.

Une fois Lou volatilisée dans les étages, je patiente sagement sur un corridor. Nona passe devant moi, un sourire triste aux lèvres. Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir assisté à cette discussion houleuse.

Au milieu de la décoration m'as-tu-vue, quelques portraits de famille ornent les murs. Difficile maintenant de croire aux francs sourires affichés par les protagonistes. Les apparences, la fausseté, j'en ai trouvé le royaume.

— Tristan Clark.

Bordel. Je ne l'avais pas vu arriver celui-là. Je remercie les hauteurs de plafond, parce qu'avec le bond que je viens de faire, j'aurais pu m'exploser le crâne.

— Monsieur Campbell.

— Ma fille est partie piller ma maison ? demande-t-il.

— C'est exact. Enfin, ce qui est supposé être SA chambre, si je peux me permettre.

— Tu peux te permettre ce que tu veux Tristan, le tout est de savoir en assumer les conséquences.

O.K.. Un frisson vient de s'emparer de mon dos. Je ne préfère pas répliquer, et je prie intérieurement pour que Lou débarque dans la seconde. Il reste silencieux, mais ce répit n'est que de courte durée.

— Je ne t'apprécie pas. Mais je ne peux te laisser dans l'ignorance. Il faut que tu saches que ma fille a, disons... De légers problèmes. Il lui arrive de devenir paranoïaque ou d'inventer des choses pour attirer l'attention... Je suppose que la grande partie de ce qu'elle t'a dit sur nous dévie de la vérité.

Quel abruti. Je muselle ma colère, mais au plus profond de moi, je connais la vérité. Peu importe le problème entre eux, Lou ne l'a pas inventé.

— D'accord.

— Tu sais, je suis certain que ton projet a un avenir, mais si tu es l'ambitieux que je crois, tu devrais te tenir éloigné de ma fille pour éviter les déconvenues.

S'il savait que c'est elle qui m'a entraîné là-dedans...

— Je ne pense pas qu'elle se mettrait en travers de mon chemin. C'est même grâce à elle que...

— Je ne parlais pas d'elle, me coupe-t-il.

— C'est une menace ?

— Prends-le comme tu le veux Tristan...

Sur ces mots, il tourne les talons. Je ne le retiens pas, au plus je suis loin de lui, au mieux je me porte. Telle une bénédiction, Lou fait son apparition dans les marches.

— On se tire, lance-t-elle à bout de souffle, les bras remplis de sacs. 

Drop the end | Terminé ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant