Chapitre 35

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La porte tambourinait alors que le bruit d'un valet tentait de raisonner la personne qui commettait cet étrange vacarme. Mr. De Baivel eut du mal à sortir de sa léthargie mais lorsqu'il réussit, il me conseilla de me cacher avant que l'intrus n'entre dans ses appartements. Je le fis sans me faire prier et me cachai dans l'une de ses armoires, comme une vieille habitude. 
Je n'entendis que les pieds nus du pair se diriger vers son valet. Et s'il s'agissait de Mr. De Chenon ? Ma gorge s'obstrua soudainement, mais je secouai la tête pour me détendre. Ce n'était pas cohérent. Je retins mon souffle lorsqu'une tempête entra dans les appartements en criant à travers la pièce.

- Je pensais que vous lui viendrez en aide ! 

- Qui es-tu, jeune effrontée ? De quoi parles-tu ? s'agaça Mr. De Chenon.

- Elle avait besoin de vous ! Vous l'avez abandonné, noble ou pas, je vous hais ! Je vous hais ! Elle est morte à cause de vous ! 

La personne éclata en sanglot et je reconnus Rose instantanément. Cependant, ses paroles n'avaient aucun sens et je ne comprenais pas ce dont elle pouvait parler. Le pair perdait patience, tout aussi perdu que moi. Malgré ses instructions, je me décidai à sortir de l'armoire. Je vis la figure de Rose retenue par un valet, prête à se jeter sur Mr. De Baivel. Mes yeux s'écarquillèrent et je l'interpellai aussitôt : 

- Rose ! Qu'est-ce que tu fais ?

Son corps fut animé d'un vif sursaut et elle tourna sa tête vers moi. Son regard s'embua et explosa en sanglot.

- Prudence, je pensais que tu étais morte... Comment est-ce possible ?

- Je ne suis pas morte, confirmai-je complètement perdue, qu'est-ce que tu racontes enfin ?

Mr. De Baivel recula de quelques pas et remit ses habits en place. Il demanda alors : 

- Tu connais cette domestique ?

- C'est l'amie dont je vous ai parlé, expliquai-je

Il leva un sourcil et s'abstint de tout commentaire. Rose manqua de tomber mais elle se reprit, toute tremblante : 

- Je ne comprends pas, je suis navrée, votre Seigneurie. 

Mr. De Baivel grogna dans son coin et préféra me laisser parler.

- Explique-moi ce qui t'a fait dire que je n'étais plus de ce monde.

- Prudence, je croyais que l'on t'avait assassiné. Lorsque je suis arrivée au château, une rumeur circulait selon laquelle une catin avait perdu la vie au cours de la nuit. J'ai cru défaillir, alors je me suis dirigée vers le dortoir pour me rassurer. Tu n'y étais pas. En revanche, notre ancien lit était couvert de sang. Je n'ai pas cherché plus loin et je suis venue jusqu'ici pour... régler mes comptes. Je vous demande encore pardon, votre Seigneurie. 

Ce dernier hocha silencieusement la tête, en pleine réflexion.

- Je n'ai pas dormi là-bas hier soir, avouai-je, ce n'était pas moi. Quelqu'un a du profiter d'un lit vide pour s'y reposer et elle... Elle s'est fait passé pour moi à la place, sans le savoir. Elle a été assassinée alors que j'étais la cible de ce crime. 

Un frisson me parcourut et les larmes me montèrent aux yeux. Une inconnue, une victime innocente avait succombé par simple volonté de dormir quelque part. Je me sentais si mal. Rose s'approcha de moi et hésita un instant avant de me prendre délicatement dans les bras. Elle frotta mon dos en me rassurant, essayant de faire disparaître ma culpabilité. 

- Cet événement malheureux joue en notre faveur, intervint Mr. De Baivel, il faut que l'on joue sur cet avantage pour préserver la sécurité de Prudence.

Ruban & Porte-jartellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant