Danse pour Moi

Dix-neuvième danse

Quand Joshua se réveilla le lendemain, sa tête était lourde. Pesante même. Il se sentait encore épuisé et sa gorge irritée lui faisait mal. Et il n'évoquait même pas ses yeux boursouflés qu'il avait peur de voir s'arracher s'il venait à les frotter.

Il était présentement allongé sur le canapé et recouvert de la couverture qu'il n'avait su saisir la veille. Oliver avait déjà dû se lever, ou l'abandonner durant la nuit pour rejoindre Eli, qu'il n'avait pas trompé lui, dans leur lit.

Le danseur se redressa et une migraine pointa le bout de son nez. Elle n'avait rien à voir avec l'alcool, le danseur le savait.

Il se leva de son lit improvisé, frottant ses yeux malgré leur irritation, et décida de se diriger vers le salon de cet appartement qu'il connaissait si bien depuis le temps. C'était quand même lui qui, avec Alan, avait aidé le couple à y emménager.

Il trouva là son meilleur ami en train d'aider son petit-ami à cuisiner. Ces derniers, en le voyant apparaître dans l'encadrement de la porte d'ailleurs, l'accueillir avec un sourire qu'il ne méritait pas.

- Je ne te demande pas si tu as bien dormi, dit Oliver une petite grimace au visage.

Ce à quoi le plus petit secoua négativement la tête.

- Je suis désolé pour hier, j'ai dû vous déranger.

- Tu t'excuseras plus tard Joshua, intervint Eli qui avait pris le temps de pardonner son acte au roux toute la nuit. Pour le moment, explique-nous le mieux que tu peux ce qu'il s'est passé pour qu'on t'aide. Je ne dirai rien à Alan sans ton accord.

En réalité, c'était à moitié vrai. Il avait décidé que ce n'était pas à lui d'apprendre la vérité à son meilleur ami, mais à Joshua lui-même. Si le roux décidait d'avouer la vérité, même partiellement si c'était sans mentir, il se tairait. En revanche, ce qu'il se cachait bien de lui dire actuellement même si cela présageait peut-être la fin de leur amitié, c'était que si le roux choisissait de tout cacher à son petit-ami, Eli n'attendrait pas plus d'un mois avant de tout dévoiler lui-même. C'était son devoir d'ami, il en était désormais sûr.

- Matt doit voir Daryl demain... enfin aujourd'hui. Il stressait, du coup je lui ai proposé de sortir pour décompresser. On a commencé à faire la tournée des bars et par pur hasard, dans un des bars, il y avait justement Daryl. Du coup je les ai laissés entre eux, mais j'avais beaucoup trop bu pour rentrer tout seul alors j'ai appelé Alan. Il n'a pas répondu. En même temps c'est normal... Il était super tard et je l'avais à peine prévenu que je sortais... Comme pratiquement tous les jours depuis une semaine en fait. Je n'ai même pas fait attention à lui, je sortais juste pour mon bon plaisir et lui, il m'attendait à la maison, parfois même mort d'inquiétude...

En prononçant ses mots, Joshua ne fit qu'ajouter à la longue liste de ses erreurs un nouveau comportement monstrueux qu'il avait eu à l'égard de son copain. Pour autant, il ne s'arrêta pas dans son discours, il n'avait pas le droit de se plaindre :

- Du coup, j'ai décidé d'appeler Aaron. Et lui il a répondu. Il a même fait le déplacement pour me ramener chez moi. J'étais franchement bourré mais en soi, le problème n'est même pas là. Il date d'avant. Ça faisait des jours qu'Aaron me draguait et je le laissais faire. C'était limite si je ne rentrais pas dans son jeu. Matt a essayé de me prévenir mais j'étais trop fier pour admettre qu'il avait raison et que je me comportais mal. C'était tellement agréable de voir que je pouvais juste plaire à quelqu'un de si grand qu'Aaron que... que j'ai pensé qu'à moi et je me suis inventé toutes sortes d'excuses pour continuer sans culpabiliser.

Il fit une pause, avant de reprendre quelques secondes plus tard :

- Au bar, on a discuté un peu et en fait... Je sais même plus comment s'est venu mais il m'a juste embrassé. Je n'ai même pas réagi tout de suite. J'ai juste... Je n'en sais rien. Ça se trouve j'ai trouvé ça agréable. Ou alors j'étais juste paralysé sous le coup de la surprise. Je m'en rappelle plus. C'était comme si je ne m'y attendais pas, mais qu'en même temps c'était prévisible. Y avait tous les panneaux de signalisations allumés et moi j'ai juste fermé les yeux et foncé dans le tas, pour au final faire mine d'être surpris à la fin. C'est juste pathétique.

Pour dire vrai, les derniers mots de Joshua étaient davantage pour lui-même que pour ses deux amis. Sa tête était baissée et il se dégoutait lui-même. Il n'avait même plus envie de pleurer par culpabilité, il avait juste honte. Honte de son comportement faussement innocent, honte de son attitude dans sa relation, honte de ses actes et de ses choix.

- Il te plait, Aaron ? demanda Eli.

Oliver hurla avec les yeux face à cette question, plus qu'inopportune, de son petit-ami. Mais Joshua, lui, ne sembla même pas s'étonner.

- Je n'en sais rien. Ça dépend ce que tu entends par me plaire. En tout cas, il m'attire assez pour que je le laisse me draguer.

Le brun commença à froncer les sourcils, largement mécontent de la réponse de Joshua jusqu'à ce que ce dernier n'enchaîne :

- Mais ça n'a rien à voir avec ce que je ressens pour Alan. Ça n'aura jamais rien à voir. Aaron il est juste... connu et reconnu, talentueux, sympa. Alan lui, c'est la personne que j'aime depuis que je suis en quatrième et que j'aimerais toute ma vie.

Les larmes commencèrent à lui monter aux yeux. La relation qu'il risquait de gâcher, était de loin la plus belle relation qu'il n'aurait jamais dans sa vie.

- Alan c'est juste la personne qui quand elle me regarde, je me trouve beau. Le moindre de ses gestes est doux, le moindre de ses mots est profond et le moindre de ses sons est passionnant. Les musiques de MODELS, je les écoute c'est vrai, mais bien moins que celles d'Alan. Parce que Alan restera toujours à mes yeux la personne la plus talentueuse et la plus merveilleuse que je connaisse.

Joshua marqua un temps de pause.

- Et je ne sais pas pourquoi j'ai laissé Aaron faire ça. Peut-être que ma vanité n'était pas assez comblée. Ça me faisait du bien sur le moment, tous ces compliments. Mais maintenant que j'y réfléchis c'était juste stupide. Stupide parce que la seule chose qui me rend incroyablement fier, plus que mes prestations de danses ou les félicitations d'une star, c'est le fait d'avoir Alan à mes côtés. Le fait de me dire que j'ai réussi à lui plaire, à le faire tomber amoureux de moi. Je me suis battu toute mon adolescence pour m'aimer et pour être heureux, et c'est Alan qui a réussi à ma place. C'est lui qui m'a donné tout ce que j'ai aujourd'hui, toutes les ressources que j'utilise aujourd'hui, toute la confiance en moi dont j'ai besoin pour faire des dance cover qui seront remarquée par des stars justement. Alan me soutien dans tout ce que je fais. Et peut-être qu'il n'est pas aussi dragueur qu'Aaron mais bordel, quand il me regarde dans les yeux ça vaut bien plus que la reconnaissance du monde entier. Parce que quand il me regarde, il me regarde-moi, Joshua. Celui qu'il connaît par cœur. Il regarde mes défauts, mes faux pas, mes qualités, mon talent, ma passion, mes faiblesses. Il ne regarde pas juste une pauvre image que j'ai essayé de redorer en allant voir quelqu'un d'autre.

Il souffla et sentit ses joues s'humidifier, encore une fois.

- Et je viens de tout gâcher. Comment je vais faire, moi, pour qu'il me pardonne ? Je ne veux pas perdre Alan. Je ne veux pas perdre la seule personne qui sait vraiment qui je suis ! Et ce n'est même pas parce que ça fait quatre ans qu'il sait tout ça ! Même au tout début, il a tout de suite compris qui j'étais, ce que je voulais. Les compliments qu'Alan me faisait au lycée, ils n'avaient rien voir avec ceux qu'Aaron me donne aujourd'hui. Ils étaient moins beaux mais ils étaient tellement plus... tellement plus intenses. Je me rappelle encore comment je vibrais à chaque fois qu'il me disait quelque chose parce que y a encore quelques semaines je vibrais encore de la même façon, même quatre ans après. Les compliments d'Alan, c'est juste les siens et il n'y a rien qui ne pourra jamais les égaler.

Le roux souffla de dégoût.

- Et moi j'embrasse une pauvre star parce qu'il est célèbre et reconnu au lieu de me rappeler que j'ai la plus belle merveille du monde à la maison. Que j'ai la plus belle merveille du monde qui me connait sous les pires angles et qui continuent de m'aimer tellement fort que jamais, lui il n'irait embrasser quelqu'un d'autre.

Joshua renifla. Il avait les joues embuées de larmes mais sa voix ne tremblait pas. C'était comme s'il était tellement triste à l'intérieur qu'il ne pouvait pas faire plus que pleurer. Il se rendait compte à quel point il avait merdé. Et pas seulement merdé parce que son attitude était largement déplacée envers n'importe qui. Merdé parce que ce qu'il avait fait, il l'avait fait à Alan. Il l'avait fait à celui qui lui avait tout donné. Et surtout, à celui qu'égoïstement Joshua voulait avoir à ses côtés encore tant d'années.