La peur irradiait de son corps à mesure qu'ils avançaient, dévoilant leur visage et leurs sourires malsains. Hayden serra les poings. L'un d'eux prit aussitôt une voix moqueuse :
— Regardez qui est venu nous faire l'honneur de sa présence !
Hayden le dévisagea durement.
— Dégage Yassine, ce n'est pas le moment.
— Je crois que si ! Je suis venu fêter le retour de mon punching-ball favori.
David détourna les yeux. Il détestait le sentiment d'impuissance qui le traversait à chaque fois que Yassine Rayer le coinçait dans les toilettes ou le frappait dans les vestiaires du gymnase. Il voulait se défendre mais cela lui paraissait impossible. Sa timidité l'empêchait d'émettre le moindre bruit et son mutisme ne manquait jamais d'affoler son meilleur ami.
— Alors le coincé, on ne dit pas bonjour ?
Yassine lui asséna un violent coup sur la tête. David serra les dents.
— Je t'ai posé une question ! Tu étais passé où, espèce de tapette ?
Yassine lui cracha dessus. Hayden se leva d'un bond. David l'imita mais avant qu'il n'ait eu le temps de le toucher, Yassine était déjà plaqué contre l'arbre le plus proche. Hayden leva le genou et frappa entre ses jambes. Son bourreau s'effondra en gémissant de douleur. David attrapa Hayden et le tira en arrière. Celui-ci se débattit comme un diable. Les amis de Yassine se regardaient bêtement, les bras ballants.
— Hayd', laisse-tomber...
Hayden se dégagea violemment de son étreinte. La colère de son meilleur ami se retourna contre lui et David recula, impressionné.
— Tu m'avais dit qu'il ne t'embêtait plus ! gronda-t-il.
— Oublie, Hayden. Ça n'en vaut pas la peine.
— Ne te laisse pas faire, David. Tu vaux bien mieux que ça, merde !
Yassine tenta de riposter. En vain. Quelques coups suffirent à le mettre de nouveau à terre. David jeta des coups d'œil alarmés aux étudiants à proximité mais personne ne vint l'aider à calmer la bagarre. Ils profitaient du spectacle, en les pointant du doigt. Hayden s'agenouilla à la hauteur de Yassine.
— Si je te vois encore l'emmerder, je finirai ce que j'ai commencé aujourd'hui, tu as compris ?
Hayden lui donna un coup de pied dans l'estomac avant de s'éloigner. David le suivit alors qu'ils quittaient la cour étudiante. Il ne savait pas si Hayden se rendait compte de la direction qu'il prenait, ni même de sa présence. Le corps de son meilleur ami était raidi par la fureur. C'était à peine si David osait respirer...
Lorsqu'ils pénétrèrent dans leur chambre d'internat, Hayden claqua violemment la porte derrière lui. David sursauta. Il n'avait plus d'autre choix que d'affronter la tempête.
— Hayd', tu n'étais vraiment pas obligé...
Mais l'adolescent le plaqua fermement contre le mur. David eut un frisson d'horreur.
— Hayden !
— Pourquoi tu t'es interposé ? Tu es en train de te foutre en l'air, David ! Hors de question que je te laisse faire ! Je ne veux plus jamais qu'il te fasse du mal et tu ne m'empêcheras pas non plus de lui rendre la pareille si cela se reproduit ! Compris ?
David hocha bêtement la tête.
— Est-ce que tu as compris ?
— Oui.
— Parfait.
Hayden le relâcha aussitôt. Il passa une main dans ses cheveux décoiffés. Son regard brun s'adoucit et il lui adressa un sourire crispé.
— Je t'ai laissé une étagère libre pour ton retour. Tu t'installes quand tu veux.
David se détacha du mur uniquement lorsqu'il fut sûr qu'Hayden eut disparu dans la salle de bain. Il jeta un coup d'œil à sa valise abîmée. Un matin, Yassine s'était tout particulièrement acharné sur ses affaires, sans raison apparente. Un matin ordinaire. Les marques de chaussures de son harceleur étaient toujours visibles sur la matière. David frissonna en imaginant ce qu'il allait lui faire subir dès l'instant où Hayden aurait le dos tourné. Que c'était bon de revenir au lycée !
— Aïe !
David frotta son bras endolori. Il s'était cogné contre un poteau. Le brun parvenait difficilement à distinguer les alentours, plongé dans l'obscurité totale. Le jeune homme constata, avec horreur, qu'il n'était plus dans son lit. Pour la première fois de sa vie, il venait de vivre un épisode de somnambulisme. Un pincement douloureux lui arracha un grognement. Il baissa la tête, intrigué. Sa main droite serrait la mystérieuse enveloppe de la matinée. Un élan d'adrénaline le traversa et il s'empara du contenu. Des billes bleues. Elles scintillaient dans la nuit noire. Que faisait-il avec des billes dans sa main en plein milieu de la cour ? David s'apprêtait à rentrer quand sa main se mit à trembler violemment. Pris de panique, il lâcha les billes. Elles s'agitèrent et tournoyèrent autour de lui. Un vent sans pitié fouetta son visage. Lorsque toutes les billes disparurent, un calme plat et inquiétant prit possession de la nuit. David leva la tête.
Une lumière blanche intense s'étendait à perte de vue et montait jusqu'au ciel. Ses pieds suivirent le chemin indiqué, d'un air incontrôlable. Obsédé par ce halo, il accéléra le pas, heurtant une poubelle de plein fouet. L'adolescent rompit aussitôt le contact visuel. Il contourna le dépotoir impatiemment mais quand il reporta son attention sur la lumière, David n'aperçut rien d'autre qu'un voile sombre et lisse.
Celui d'un ciel ordinaire.
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Lunae - Le rubis bleu
FantastikDavid Xénord, un adolescent maladroit et maigrichon entre en dernière année au lycée Charlemagne. À dix-sept ans, David grandit dans un monde sans couleurs. Depuis la mort de sa mère, il se réfugie dans ses rêves, avide d'oublier sa douleur. Mais qu...