Chapitre 30 : Traque

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Si Roger avait su que c'était la dernière fois qu'il les voyait, il leur aurait donné du cake à la salade. Mais tout s'était passé si vite.

Les questions des quatre jeunes, l'incendie, les disparitions...

Roger ne croyait pas à la magie. Pourtant, il avait bien vu ces ombres noires gigantesques planer au-dessus de l'école. Des ombres ? Qui attaquaient l'école ? Ridicule ! Juste de la fumée à la forme bizarre, voilà tout.

Oui. Juste de la fumée.

Il avait eu peur, très peur. Sa petite cabane avait miraculeusement été épargnée, et il avait été soupçonné. Roger s'était senti profondément offensé. Lui, un assassin ? Mais la police s'était bien vite rendue à l'évidence : le vieux jardinier n'était pour rien dans cette affaire d'incendie criminel.

Il était retourné à sa petite vie tranquille. On lui avait bien proposé de le reloger, mais c'était hors de question. Il resterait dans sa petite cabane, point.

Parfois, le souvenir des quatre jeunes revenait en force dans ses cauchemars. Il les avait vus courir vers l'incendie.

Ils n'étaient pas revenus.

Seules victimes, avec la directrice, dont on n'avait pas retrouvé les corps. Cela inquiétait un peu Roger, tout de même. Il aurait dû les retenir.

Mais voilà... quelque chose l'en avait empêché. Une petite voix, comme une pensée au fond de lui.

Laisse-les. Leur rencontre est inévitable.

Il était resté pantois sur le pas de la porte, son avertissement bloqué au fond de sa gorge, condamné à regarder ces adolescents qu'il aimait bien courir vers une mort certaine.

Il s'en voulait. Un peu.

Beaucoup, en fait.

L'incendie avait fait la Une des journaux du pays, puis les médias s'étaient vite désintéressés de l'affaire pour se focaliser sur le trente-septième concours de dénoyautage d'olive en Grèce.

Roger ne croyait pas à la magie. Mais ça, c'était jusqu'à ce matin.

La femme en armure dorée était apparue tout à coup, au beau milieu de ses salades. Il avait sourcillé quand elle les avait piétinées, sans aucun respect pour les pauvres laitues.

Et maintenant, elle le tenait en respect à l'aide d'une longue lance, dorée elle aussi.

- Où est-il ?

Sa voix était chaude et chantante, sa poigne de fer, ses yeux d'acier. Son visage ne trahissait aucune émotion. Elle était comme une machine, une machine programmée pour la guerre.

- Je sais pas de quoi vous parlez, ma p'tite dame. Mais mes pauv'salades-

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'elle le soulevait du sol avec une facilité déconcertante et resserrait son poing autour de sa gorge.

- Où est-il ? Un grand gars avec une ridicule cape grise et un bâton magique.

La voix de la jeune femme débordait de haine retenue.

- Le bizarre ? Il est apparu avant l'incendie, on l'a pas revu, il doit être mort, je sais pas moi... Pitié me tuez pas !

- Quand ? Quand l'incendie a-t-il eu lieu ?

- Une semaine ? Plus ? J-Je peux pas respirer...

Elle le lâcha, et Roger s'effondra sur le sol en reprenant péniblement son souffle. Lorsqu'il releva la tête, elle n'était plus là.

Elements Tome 1 : PrimordiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant