Elements Tome 1 : Primordia

Chapitre 18 : Disparition

Cynthia savait beaucoup de choses. Compter, lire, écrire. Ou encore ses formules de mathématiques, ses cours de physique. Aussi des choses inutiles, comme des milliers de références à des bouquins qu'elle avait lus.

Mais elle ne savait pas à quoi ressemblaient ses parents.

Elle avait bien vu des photos, mais Cynthia n'aimait pas les photos. Elle trouvait que les gens avaient l'air faux dessus, comme avec un masque qui cachait leur véritable visage.

Cynthia avait été élevée par son grand-père, un homme formidable, jusqu'à ses dix ans. Il l'avait forgée à la lecture, lui avait enseignée toutes les merveilles de la nature. Elle se souvenait encore de la façon dont il l'appelait sa "petite fée" quand elle portait une couronne de fleur dans les cheveux et qu'elle courait pieds nus dans l'herbe.

De bons souvenirs, qu'elle aimait ressasser.

Ses parents étaient morts quand elle avait un an. Noyade. Pas de chance.

Ils ne lui manquaient pas. Pas du tout même. D'après ce que son grand-père lui avait raconté, ils avaient contribué à ce fichu réchauffement climatique.

Cynthia détestait les pollueurs de tout son coeur. Elle avait toujours pensé que la Terre était un bien précieux qui leur avait été prêté, comme un livre de la bibliothèque qu'on emprunte. Est-ce qu'on rend le livre tout abîmé ? Non, on en prend soin. Les Hommes n'avaient pas pris soin de la Terre, eux, ils l'avaient réduite en cendres.

Elle s'était renseignée sur Elanore Blaze. Son père dirigeait une entreprise qui brûlait les forêts pour pouvoir construire. Cela l'avait dégoûtée au plus haut point. Mais elle avait découvert qu'Elanore ne ressemblait en rien à son père, elle était même plutôt sympa.

Puis les cauchemars étaient arrivés, ce soir d'orage. Et ils ne la quittaient plus. Subsistait depuis une sensation de malaise profond, comme si elle avait oublié quelque chose de très important sans savoir quoi... et ça l'énervait.

- Allôôô la Terre à Cynthia, êtes-vous parée pour l'atterrissage immédiat ?

La blonde sursauta violemment.

- Elanore, me fait pas peur comme ça !

- Tu étais plongée dans tes pensées, je te jure que c'était flippant.

- Pas aussi flippant que ta tête le matin.

- Aïe ! Je suis touchée !

Cynthia leva les yeux au ciel.

- Mouais. Bref, tu veux quoi ?

- J'ai fini mes exercices pour demain, toi aussi. Tu as sûrement envie de lire, mais moi je pense que sortir ne nous ferait pas de mal.

- Il a l'air de faire froid dehors...

- Prends un manteau.

- L'herbe est humide.

- Prends des bottes.

- Je suis enrhumée.

- Bah prends une écharpe et ferme-la.

Elanore se leva pour aller chercher ce qu'il fallait dans l'armoire et lui jeta le tas de vêtements à la figure. Cynthia répliqua en lui lançant trousses, cahiers et livres d'anglais. Puis, toujours en se chamaillant, les deux jeunes filles sortirent dans l'air glacial de la fin d'après-midi.

Cynthia avait oublié à quel point il était agréable de sentir ses joues piquer sous l'effet du froid, ses yeux pleurer quand le vent venait faire danser ses cheveux. L'air qu'elle inspirait à pleins poumons lui donnait la curieuse impression de revivre, comme si elle sortait enfin dehors après des années enfermée.