Chapitre 1

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 Un bruit me fait sursauter, c'est une portière de voiture qui claque...

- C'est étrange, il est tard et je n'attends pas de visites.

Je m'avance doucement vers ma fenêtre et je ne vois rien, c'est la nuit noire devant moi. Mais je suis sûre d'avoir entendu quelque chose. Pourtant Toby n'aboie pas, s'il y avait un problème, il manifesterait sa présence aux inconnus avec agressivité. Je m'approche de l'entrée et sursaute encore une fois au bruit d'un volet qui cogne contre la façade. Une main sur le cœur, je souris et comprends finalement qu'il ne s'agit que du vent. Les crochets ont dû encore basculer. Rassurée, j'ouvre la grande porte en chêne et sors pour appeler mon fidèle ami.

- Toby ? Au pied, mon chien...

Mais il n'est pas là, c'est bizarre... Je m'avance et entreprends de crier.

- Viens, mon gros, c'est l'heure de manger !

Tout à coup, une main bloque ma bouche et je vois apparaitre deux silhouettes menaçantes, ils sont cagoulés. La peur s'empare de moi quand je n'ose pas comprendre ce qu'ils cherchent : à l'évidence, une jeune femme seule et isolée dans ce coin paumé...

Rapidement, tirée et poussée chez moi, la porte se referme, je suis prise au piège de ces hommes. Je ne sais plus s'il faut pleurer ou supplier, mais lorsqu'ils me font basculer à terre en déchirant mes vêtements, je suis pétrifiée par la terreur et ne peux plus bouger.

Mon calvaire a duré des heures, des larmes amères ne cessant de couler sur le tapis de l'entrée.

Ils ont abusé de moi, puis m'ont abandonnée à moitié inconsciente à même le sol...

***

Deux ans plus tard.

Le soleil se lève et il fait déjà chaud. Je m'étire dans mon lit et comme toujours je remercie mes anges de m'avoir préservé de ces cauchemars récurrents. Je n'ai pas adopté de chien depuis qu'ils l'ont tué, mon pauvre Toby, mon fidèle ami, le seul peut être que je n'ai jamais eu. Ma psy croit que je ne peux plus faire confiance en personne depuis ce drame que j'ai du mal à aborder avec elle. Malgré tout, j'y pense quand je me lève et quand je me couche. Il semblerait que j'ai joué de malchance, car mes voisins les plus proches étaient partis en vacances, mais une petite voix me dit que ces individus devaient évidemment le savoir. L'enquête n'a rien donné, pour la police ce n'était que des gens de passages, des anonymes, des marginaux...

- Il faut que tu arrêtes d'y penser.

Je secoue ma tête et me lève pour aller prendre ma douche. Je ne me suis pas résignée à quitter le château de ma famille, bien trop vaste pour moi, et qui me demande tant d'efforts pour le garder tel qu'il est. Par chance, je gagne bien ma vie et travaille chez moi en tant que designer d'objet de luxe pour l'une des plus grandes marques françaises. Je ne compte plus les prix internationaux que j'ai remportés et je reçois de nombreuses offres, mais je reste fidèle à mon groupe et à mon équipe depuis des années.

Mon père avait vendu de son vivant la petite maison de l'ancien jardinier du château à ces fameux voisins absent le jour du drame, je les adore. Ils ont été consternés d'apprendre ce qui s'est passé, et s'en sont voulus terriblement, mais que pouvaient-ils faire au juste ? J'ai eu beau leur expliquer que ce n'était pas de leur faute, ils se sont sentis néanmoins responsables. Lisa et Fred sont des originaux. Ils se sont installés ici à l'époque, parce qu'ils étaient passionnés d'astronomie. Ma propriété étant aussi vaste que calme, aucune lumière de la ville ne vient polluer les cieux d'hiver. Mais, il y a quelques semaines, ils m'ont appris qu'ils avaient vendu à quelqu'un d'autre. C'était rapide, car devant partir précipitamment à l'étranger, ils ont accepté l'offre du premier qui s'est présenté.

Je me penche machinalement vers cette maison en contre bas de la grande allée qui mène au château, et remarque que le camion de déménagement encore stationné hier n'y est plus. J'ai une pointe au cœur, ils vont tellement me manquer. Nous passions toutes les fêtes importantes de l'année ensemble, car je n'ai plus de famille et je doute que je puisse réclamer au nouveau venu la même chose.

Je descends les trois étages et arrive à la cuisine. Je vois que Suzanne est déjà là et qu'elle m'a apporté des croissants, elle est vraiment formidable. Si je ne l'avais pas, je ne sais pas comment je pourrais m'occuper à la fois des travaux de restauration, de mon job et de l'entretien des lieux. Elle m'est d'une grande aide et bichonne le château comme si elle était chez elle.

Me servant un café, je jette un œil à mes mails, la journée s'annonce chaude. C'est toujours à cette époque que je regrette de ne pas avoir fait construire une piscine, mais étrangement, je n'ai pas envie de dénaturer cet espace hors du temps et imagine mal une structure si moderne au milieu de la pelouse ou du jardin paysagé.

J'ai passé la matinée à travailler et ce n'est que lorsque Suzanne est partie, vers 18h, que je suis sortie de la grande pièce du dernier étage que j'ai aménagé en atelier. Arrivée en bas, je décide d'emballer quelques fruits du verger et des confitures maison dans un panier d'osier pour aller me présenter à ce nouveau voisin. Je suis tout de même rassurée de le rencontrer, nous sommes dans la même propriété finalement, mais garde une certaine appréhension.

La journée est encore bien chaude et le soleil qui décroît ne donne aucune place à la fraicheur du vent qui vient des montagnes. Je descends l'allée un sourire aux lèvres, et profite du chant des grillons. J'arrive presque en nage devant la porte de l'ex-maison du jardinier et ex-maison de mes chers anciens voisins.

Je tends l'oreille ne sachant pas s'il faut frapper directement ou pas, et finalement je me lance. Je toque trois fois bien fermement et lorsque j'entends des pas venir dans ma direction, je tente de me faire violence et affiche une moue de bienvenue.

Le battant s'ouvre d'un coup et là, je le vois...

Mais je déchante tout aussi sec quand je fixe son visage dur et froid. Il n'est clairement pas heureux de me rencontrer et je fais un mouvement en arrière en déglutissant nerveusement. Les yeux nettement écarquillés, je m'aventure à le détailler. Habillé d'un t-shirt noir moulant et d'un jean, il est brun, grand, très sportif et une cicatrice barre sa joue laissant une marque blanche dans sa barbe naissante. Il plonge ses iris dans les miens quand il lance les bras croisés :

- Qu'est-ce que vous voulez ?

Sa voix était si sombre et directe que j'ai peur qu'il ne reparle, mes angoisses reprennent de plus belle. Je lui tends mon panier, mais il ne le saisit pas, il lève un sourcil et fait un pas dans ma direction toujours les bras croisés. Mais je recule, d'étranges phénomènes se passent en moi, j'ai l'impression de me retrouver devant l'un de ces hommes. J'imagine aisément que la panique commence à se lire sur mon visage quand il penche un peu sa tête l'air étonné vers moi. Machinalement, je dépose le panier au sol et tourne les talons aussi vite que possible. Et c'est sans me retourner et d'un pas rapide, que je fonce maintenant dans l'allée pour rejoindre mon refuge afin de me verrouiller de l'intérieur.

MB MORGANE - Mémoire T.1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant