Chapitre 21

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Nous sommes assis depuis quelques minutes dans la bibliothèque et j'attends qu'il daigne me parler.

Puis enfin :

- Danaé, tu as raison, je ne suis pas là par hasard. Je devais me rapprocher de toi pour découvrir la vérité sur les violeurs de mes sœurs.

Mon cœur ne bat plus efficacement et je commence à avoir des vertiges.

- Mais quel est le rapport avec moi ?

- L'homme que j'ai tué...

J'ai clairement peur, mais je le laisse continuer.

- Tu es au courant que je ne l'ai pas seulement tué, je l'ai, comment dire, un peu obligé à m'avouer des choses...

Il se lève et marche lentement dans la pièce et sort une cigarette pour l'allumer. Il est dans un état de nerf inexplicable.

- Il m'a donné le nom d'une ville. Il était terrorisé, il avait peur de châtiments, de représailles avec des gens puissants. Étrangement, il regrettait son geste, mais il voulait faire comme eux, avoir leur bénédiction, être considéré comme l'un des leurs. Il parlait de pouvoir, de destruction, mais il a parlé également d'une forêt hantée par des monstres sanguinaires. Enfin tout un tas d'éléments aussi bizarres que troubles, alors je suis venu ici à ma sortie de prison pour retrouver la trace des autres agresseurs. J'ai acheté cette maison et je m'y suis installé rapidement. Puis tu es arrivée dans ma vie, tu m'as avoué avoir été toi-même violée, j'ai fait un rapprochement avec ce qui s'était passé avec mes sœurs. Pourtant, après avoir vu tes tatouages et compris qu'on t'avait hypnotisée, j'ai tout de suite su que d'une manière ou d'une autre tu es liée à cette histoire.

Je suis fixée à lui et à ses yeux qui se remplissent de larmes et d'un coup, je perçois sa grande détresse. Touchée par ce qu'il vient de m'avouer, je dis en tremblant presque :

- Jaden, pourquoi, tu ne m'en as pas parlé avant ?

Il inspire une longue bouffée de tabac brulé, il semble que ce qu'il s'apprête à me dire est plus grave que jamais.

- L'homme que j'ai tué avait peur d'une femme, une femme enfermée dans une tour et j'ai pensé que cela pouvait être tout simplement toi. Tu es la seule à vivre dans ce château qui possède des tours anciennes et je ne pouvais pas risquer de me dévoiler.

Il s'avance vers moi, les yeux plus déterminés que jamais.

- Mais maintenant, tout a changé, je sais que tu n'es pas cette femme, tu es toi aussi victime de quelque chose qui te dépasse. Tu as vu des choses et je suis persuadé qu'on ne veut pas que tu en parles, c'est pour cette raison qu'on t'a hypnotisée.

J'essaye de prendre conscience de ce qu'il vient de me dire, c'est dur, c'est bizarre et j'ai du mal à le croire, pourtant une petite voix intérieure me tanne pour que je lui fasse confiance.

- Je n'en reviens pas.

- Je te comprends, tu me crois ?

- Oui, c'est étrange, mais oui, je te crois.

Il écrase sa cigarette dans le cendrier du bar et s'accroupit pour me prendre les mains.

- Danaé, j'ai besoin que tu te souviennes pour toi, pour moi, pour mes sœurs.

- Tu veux que Mél tente, encore une fois, de retirer l'hypnose ?

- Elle est partie.

Mon cœur s'emballe quand il se relève.

- Partie ? Pourquoi ?

- C'est compliqué, mais on va trouver un autre moyen, ne t'en fais pas.

Il respire avec force et continue.

- Il y a une chose que je dois te demander, et crois-moi, c'est peut-être le plus dur...

Je me lève pour aller à sa rencontre, mais il recule, je ne comprends pas. Alors je le regarde arpenter la pièce comme un félin, pourtant ses yeux montrent un profond malaise quand il ajoute :

- J'ai besoin de savoir juste une chose, je veux que tu sois sincère comme je le suis en ce moment avec toi... et je te croirai moi aussi quoique tu m'avoues.

Il bifurque vers moi, sublime, désirable et si délirant que j'ai le feu dans mon ventre. Tout mon être s'envole, mon corps vacille. Je ne respire plus quand il s'approche de moi encore une fois, ses yeux trahissant un brasier intérieur presque infernal. Mon Dieu, je vais finir par m'évanouir...

Il est contre moi maintenant et pose une main sur ma joue. Je sens l'odeur de sa peau, la douceur de son souffle.

- J'ai besoin de savoir si je me suis trompé, si tu aimes encore Laurent, si tu souhaites être avec lui...

-... Non !

Il se redresse, ne sachant pas à l'évidence si je ne veux pas qu'il parle, ou si effectivement je n'aime plus Laurent. Alors, statique dans cette même position, j'avoue presque en tremblant.

- Non Jaden. Je n'aime plus Laurent. C'est fini entre nous...

Il inspire en dépliant un sourire presque surhumain, un sourire terriblement divin.

- Très bien, je suis rassuré.

Un moment, nous attendons quelque chose, nous nous observons, nous plongeons nos yeux profondément en chacun de nous pour saisir les faces cachées de nos âmes. Mais, un volet qui claque nous ramène sur terre, je sors de mon apnée.

- Je te remercie de m'avoir dit la vérité.

- C'est normal.

Il étire ses lèvres à droite et se dirige vers l'entrée. Je le suis, je ne sais pas comment lui dire que j'ai besoin de lui, je veux qu'il reste, que je ne me suis jamais sentie aussi bien que depuis qu'il est près de moi. Mais lorsqu'il ouvre la porte, menaçant de s'effacer et de me laisser seule, je crie presque :

- Jaden !

Il se retourne d'un coup. Alors je me campe devant lui, presque paniquée.

- Je... s'il te plait...

- Oui ?

Ses iris deviendraient presque brillants, presque perçants quand il attend que je lui parle.

- J'aimerais, enfin si tu es d'accord, bien sûr.

Il s'avance vers moi.

- Danaé ? D'accord ? Pour quoi ?

- Pour...

Il m'encourage de son regard si profond.

- Pour ?

- Rester cette nuit.

Il tique et penche sa tête vers moi.

- Et Laurent ?

- Il est parti quelques jours, et j'ai...

Il lève la main pour me taire.

- Je vais chercher des affaires et je reviens tout de suite.

- Merci.

Il s'éloigne vers sa maison, j'ai le cœur battant à tout rompre, puis je me dirige vers la cuisine pour préparer quelque chose. Lorsque je le vois réapparaitre, il s'est changé, il a opté pour une tenue plus sportwear qui met sa plastique de dingue en valeur. Je suis obligée de baisser les yeux et de les noyer dans ma salade pour éviter son regard magnétique.

- La même chambre ?

- Heu, oui...

- D'accord, je reviens.

Je souffle et attends son retour sur une chaise, mais j'ai l'étrange sensation que les choses ne vont pas se passer comme prévu

MB MORGANE - Mémoire T.1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant