MB MORGANE - Mémoire T.1 [Terminé]

Chapitre 27

- Jaden ?

Il lève les yeux de son assiette bien remplie.

- Oui ?

- J'ai du mal à te suivre... Pourquoi ne veux-tu pas prévenir la police ? J'ai confiance en Laurent, il pourrait nous aider.

Son ton me fait comprendre qu'il n'aime clairement pas ce que je suggère.

- Laurent ? Tu te fous de moi ?

- Mais enfin, des gens sont morts !

Il s'adosse au fond de sa chaise et son regard ne me dit rien de bon.

- Il est hors de question d'avertir qui que ce soit et il est hors de question de partir d'ici.

- Tu veux faire justice toi-même, c'est ça ? Et me mettre dans le coup ?

Ma voix vient de monter dans les tours, il finit par se mordre la joue pour ne pas réagir de façon excessive. Son regard est presque assassin quand il me dit :

- Danaé, tu connais les raisons de ma présence, donc bien entendu que oui, je vais retrouver les violeurs de mes sœurs et assouvir ma vengeance. Il n'y a que ça, qui compte.

« Que ça qui compte ? ». Alors, je saisis d'un coup ses priorités et je rentre dans une rage presque insupportable.

- Espèce de sale pourri ! Tu t'es servie de moi !

Il se redresse, se plante devant moi à la vitesse de l'éclair et attrape fermement mon menton.

- Je t'interdis de me parler comme ça !

J'ai des larmes plein les yeux, mais je ne compte pas m'arrêter.

- Maintenant que tu sais où trouver les personnes que tu cherches, je ne suis plus d'aucune utilité. Hein ? Tu as juste couché avec moi pour mener ta petite enquête ? Tu m'as bel et bien menti ! Je ne suis qu'un putain de pion dans ton échiquier !

- Arrête de hurler ! Tu vas me rendre dingue, et je risque de...

- ... de quoi ? De perdre ton contrôle ? Comme lorsque tu as tué ce mec !

Sa bouche n'est qu'à quelques centimètres de la mienne, il essaye de se maitriser en respirant profondément, il tremble et je sens que c'est de plus en plus dur pour lui. De toute manière, il peut bien perdre patience, je suis tellement ébranlée en cet instant que je n'en ai que faire.

- Danaé, je n'ai pas couché avec toi par intérêt !

- Tout prouve le contraire ! Qui me dit que tu n'as pas joué un rôle depuis le début ?

- C'est faux ! Merde !

Il me lâche et arpente la pièce comme un animal en cage. Sa respiration est anormalement rapide, je ne le reconnais plus, si ça continue son corps va partir en fumée par la pression ambiante.

- C'est un hasard. Je... Tu me rends complètement fou !

Il malmène ses cheveux, et étrangement semble perdre pied.

- J'ai besoin, envie de toi depuis que je t'ai rencontré ! C'est la première fois que je ressens ça pour quelqu'un ! Je suis attiré comme un aimant par toi, je ne peux rien y faire, je ne contrôle rien du tout, je suis l'esclave d'un truc qui me dépasse ! Mais, pourquoi ça, pourquoi moi, pourquoi on ne me laisse pas tranquille ? Et il fallait, putain de merde, que ce soit toi ! Une fille insignifiante, paumée et plus est, liée à la vengeance que je commandite depuis des années ! C'est un véritable cauchemar !

Il se campe de nouveau devant moi et éclate de rire en affichant une morgue presque insupportable.

- Tu es clairement la dernière fille qui m'aurait attiré avant ! Mais merde, qu'on me laisse tranquille !

Alors je rebondis sur sa phrase, oubliant presque les choses blessantes qu'il vient de m'avouer, j'ai l'impression de voir un autre homme devant moi...

- Avant quoi ? Qui on ? Je te déteste Jaden Olender !

Mais tout à coup, il se place derrière moi et me bloque la bouche de sa main pour écouter quelque chose. Je me débats, mais comme toujours il est plus fort que moi. Si j'avais les moyens de saisir ce putain de couteau de cuisine, je lui balancerais dans la tronche ! Tous les efforts que je fais sont vains... Mais, je sens qu'il a néanmoins besoin de se concentrer quand il me dit :

- Arrête, putain, il y a eu un bruit !

Je me calme immédiatement et il déplie ses doigts avant de me lâcher pour tendre l'oreille vers la cave. À peine ai-je le temps de m'avancer vers lui, qu'il ouvre un des tiroirs de la cuisine pour en sortir ce fameux couteau. Je prends son avant-bras, la peur sans doute, et m'accroche à lui quand il décide de descendre voir ce qui se passe. Mais il n'y a plus aucun bruit, si tant est qu'il y en ait eu un... car personnellement, je n'ai rien entendu.

- Tu es sûr que tu n'as pas rêvé ?

- Jamais...

Son assurance me sidèrerait presque, ce mec est complètement fou. L'espace d'un moment, c'est un homme doux et compréhensif, puis sans crier gare il devient le pire des enfoirés ! Pourtant, je m'avance à ses côtés en tentant d'oublier toutes les choses ignobles qu'il vient de me dire. Nous marchons de concert vers la pièce où se situe l'entrée du souterrain, mais lorsque nous observons avec attention l'accès, il est tel que nous l'avons laissé cet après-midi.

- Quelle heure est-il ?

Je le regarde, l'air dépité, c'est clair, il n'est pas fou, il est complètement taré ! Et encore une fois, quelque chose me pousse à le suivre...

- Je n'en sais rien...

Aussi, il se précipite sur son portable et lit à voix haute :

- 22h30.

- Et donc ?

- Comme hier quand tu as entendu du bruit. On va y aller.

- Qui « on » ?

- « On » c'est toi et moi !

- Non, je n'ai pas envie.

- Tu as peur ?

- Bien sûr ! Et puis, tu crois qu'avec ce que tu m'as balancé tout à l'heure je vais te suivre comme un toutou ?

Ses yeux brillent et plongent dans les miens.

- Tu préfères rester ici peut-être ?

Il est déjà en train de déverrouiller la porte et de pénétrer dans le couloir sombre.

- Allez, Danaé vient. Je sais me défendre pour deux.

Pourquoi ai-je dit oui ? Je sens que je vais de nouveau le regretter amèrement.