Chapitre 16

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Le lendemain matin, je traine à descendre, parce que je ne souhaite pas le croiser, et je ne veux pas qu'il voie les poches que j'ai sous les yeux à cause de lui. J'épie le moindre bruit, le moindre mouvement, quand enfin j'en suis sure, il n'est plus dans le château. Sans doute est-il allé faire un tour. J'attends Suzanne qui pousse la porte un peu plus tard et qui me tend un paquet avec de la viennoiserie. Elle est vraiment gentille de toujours penser à moi.

- Merci Suzanne.

- Mais de rien, ma belle. Alors où loge ton voisin ?

Je tique et la regarde en biais.

- Comment le sais-tu ?

Elle éclate de rire.

- Tout le monde est au courant de ce qui s'est passé hier soir. On ne parle que de votre tout nouveau et très insolite couple...

- Mais je ne suis pas en couple avec lui.

Elle plisse les yeux et cherche à en apprendre plus.

- Mais pourtant, c'était clair, il parait.

- Oui, mais, Suzanne, tu me promets que ça restera entre nous.

- Bien entendu, je suis une tombe.

- Il y a quelques jours, je me suis fait suivre par un homme cagoulé et je me suis réfugiée chez Jaden. Depuis, il croit nécessaire de vivre ici pour me protéger, mais nous ne sommes pas en couple.

- OK, je comprends. Je ne dirais rien, il est dans quelle chambre ?

- Celle à côté de la mienne.

- Parfait, je vais quand même la faire.

Elle va travailler, pendant que moi je me noie dans un café bien fort. Mais au bout de quelques minutes, elle me demande de monter la rejoindre. Une fois dans la chambre attribuée à Jaden, je ne comprends rien du tout. Tout est remis en place comme s'il avait définitivement quitté les lieux. On imaginerait même que j'ai menti, si dans la salle de bain, il n'y avait pas encore de l'eau dans la douche ! Je serre la mâchoire et mon cœur se brise, cela n'échappe pas à Suzanne qui me dit :

- Bon et bien, je pense qu'il ne reviendra plus.

Puis elle quitte la pièce, me laissant dans le désarroi, et je dois l'avouer, la détresse. Il est parti ! À cause de moi ? Des menaces de l'inconnu d'hier ? Je ravale mes pleurs et sais dorénavant que tous les hommes sont finalement de la même espèce.

La journée a été longue et plutôt morose, et quand Suzanne part en fin d'après-midi, je suis résolue à trouver la force d'affronter la situation seule. Quoiqu'il arrive, je ne peux maintenant compter que sur moi. Je lui en veux tellement, il m'a fait croire tant de choses... Je suis tombée dans le panneau du transfert sur le garde du corps, ma psy ne serait pas bien fière de moi.

Je rumine ce que j'aurais pu lui dire avant qu'il ne s'échappe comme un voleur, et j'essuie ma vaisselle.

Mais soudain, on frappe à la porte, les coups sont rapprochés et j'ai le cœur qui s'affole.

Alors je hurle à travers celle-ci.

- Qui est là ?

- C'est moi, Danaé ouvre cette porte !

Quand je déverrouille, il rentre comme s'il était chez lui, c'est sans doute une hallucination ? Je ne comprends absolument rien, il est pourtant parti ce matin, mais merde, à quoi tu joues Jaden !

Alors je le pousse et l'invective :

- Pourquoi tu es parti ?

Il est couvert de sueur et parait étonné par ce que je viens de lui dire en le malmenant.

- Mais je ne suis pas parti. Qu'est-ce que tu racontes ?

Ma voix monte dans les tours.

- Arrête de me prendre pour une imbécile, ta chambre est vide !

Il crie aussi fort que moi maintenant.

- Mais bien sûr, j'ai fini de réparer la clôture. Mais merde ! Tu sais que tu es difficile à suivre Danaé ! Quand je suis là, tu me reproches de l'être et quand je ne suis plus là tu me le reproches également !

- Mais on est rentré dans ta chambre et il n'y avait plus d'affaires.

- Bien entendu, je dors ici, mais je ne compte pas y déménager. Je suis là parce que tu es en danger ! Alors, arrête de me parler comme si j'étais ton employé, pire, comme si j'étais ton mec !

- Non, mais je rêve ! Je suis au courant que tu n'es pas mon mec, et franchement je préfèrerais me couper un bras plutôt que d'imaginer le contraire !

Il lève les yeux aux ciels.

- Ben, voyons !

- Quoi ? Étaye ta putain de pensée !

- Tu veux vraiment que je te dise, tu n'arrêtes pas de me chauffer depuis qu'on s'est rencontré !

- Hein ? Moi ? Te chauffer, mais, c'est toi qui fais tout pour que la ville sache qu'on couche ensemble !

Il souffle.

- Je crois que cette conversation a assez duré. Je suis crevé et je vais prendre une douche. Ne m'attends pas pour manger !

Je le vois monter les escaliers quatre à quatre et je peste de plus belle.

MB MORGANE - Mémoire T.1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant