Chapitre 7

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On dirait que depuis l'affaire de la gendarmerie, je retrouve peu à peu le gout de vivre. Ou est-ce juste la douce présence de mon voisin qui me donne des ailes ? Pourtant, l'enquête sur l'assassinat d'Antoine piétine, en temps normal, je serais terrorisée de savoir qu'un meurtrier pourrait roder tout près du château. Mais dès que mes vieux démons se rappellent à mon bon souvenir, je visualise Jaden. Je serais presque obnubilée par ce qu'il fait de ces journées, je regarde des centaines de fois par la fenêtre pour l'apercevoir un peu. Lorsqu'il entre ou sort de chez lui et que je l'épie en douce, une chaleur parcourt mon corps, une chaleur que j'ai oubliée depuis toutes ses années.

Les jours défilent et j'aimerais tant le revoir, passer d'autres moments avec lui, mais je ne sais pas comment faire. Je ne voudrais pas qu'il croie que je lui cours après, ce qui n'est pas tout à fait juste, sa présence me rassure tout simplement... enfin, c'est ce que je me dis sans cesse.

Aujourd'hui, le soleil d'aout décroit doucement et j'ouvre ma boite aux lettres tardivement. Je pose mes yeux sur celle de Jaden et inspire de dépit. Mais en consultant mon courrier, c'est un miracle ! Je lève mes bras aux ciels et commence à sautiller sur place comme une gamine. Le postier s'est trompé de destinataire, c'est une chance qu'il faut que je saisisse tout de suite. Alors je me dirige, le cœur léger, vers la maison de mon voisin et frappe trois coups à sa porte.

Rien...

- Non, mais ce n'est pas vrai ! Mais où est-il ?

Je frappe une nouvelle fois, au cas où il ne m'aurait pas entendu.

Rien...

Je serre mes poings et tape encore plus fort des deux mains, mais je finis par poser mon front sur le bois, complètement dégoutée. Je décide finalement de partir, mais avant je donne un bon coup de pied dans le bas de la porte, ça me soulagera. Ah la vache, je suis en tongs. Mais ça fait super mal !

- Jaden, c'est qui cette fille ?

Cette voix féminine me fait instantanément oublier mon mal aux orteils et je me retourne doucement. Devant moi, je le vois lui, et une... comment exprimer cela du mieux possible, oui c'est ça, le meilleur terme étant : pétasse ! Oui c'est bien ça, une pétasse blonde de surcroit ! Mon sang quitte mes joues par la honte et le silence ambiant, me rendrait presque dingue. Le silence ? Ou plutôt, cette pétasse à son bras ? Qui a des jambes interminables, un style d'enfer et un visage parfait...

Aussi, je ne fais rien et les contourne en lui lançant presque son courrier à la figure. Je me revois encore avancer sans réfléchir vers chez moi. Qu'est-ce que je m'en veux d'avoir agi comme ça, d'avoir imaginé qu'il pouvait être intéressé par moi ! Lui et cette fille, ils font bien la paire, on dirait un remix parfait de "Ken et Barbie" ! Qu'ils aillent se faire voir ! Qu'ils soient heureux et qu'ils aient des tonnes d'enfants blonds !

Mais contre toute attente, j'ai pleuré une bonne partie de la nuit en me et le maudissant.

***

Je me suis forcée pendant les jours suivants à ne pas regarder par la fenêtre. Je le revois avec elle, je me demande bien ce qui m'a rendu le plus triste : le savoir avec une autre, ou le savoir attentionné avec quelqu'un d'autre que moi. Et comme par hasard, mes angoisses sont revenues, je recommence à faire des cauchemars régulièrement.

- Qu'elle imbécile tu fais ma pauvre Danaé.

Ce soir, c'est l'anniversaire de Suzanne, et elle m'a invité au festival de danse latine qui se déroule chaque été dans notre ville. À l'époque, j'adorais ce festival, et j'ai pris des cours de danses latines pendant des années pour pouvoir tenir la distance avec les nombreux danseurs qui viennent de toute la France, voir même de plus loin. Je me débrouillais bien, mais depuis mon agression, je n'y ai plus mis les pieds. Ce sera un véritable exploit qu'on m'y retrouve, il fallait bien les quarante ans d'une amie pour que je sois obligée d'y aller !

MB MORGANE - Mémoire T.1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant