Chapitre huit

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Les deux semaines qui suivirent, Théos et Isis ne se quittèrent plus. Ils dormaient tous les soirs chez l'un ou chez l'autre, et lorsque Théos partait au travail au matin, Isis rangeait l'appartement, préparait les repas, tout en travaillant.
Isis remarqua même un changement radical entre le avant et le après. Elle avait désormais le sourire, du matin au soir, la bonne humeur en elle. Elle n'était plus autant fatiguée, et s'amusait à faire de nouvelles choses. Même dans son travail, elle restait une femme épanouie.
Ce vendredi soir, alors que Théos avait prévenu qu'il serait un peu en retard car il passait voir sa mère, on toqua à la porte.
Isis laissa en plan la cuisine dans laquelle elle s'activait depuis une heure pour préparer un lapin aux herbes pour aller ouvrir la porte. De l'autre côté, un livreur de colis, se tenant debout à côté d'une énorme boîte en carton.
Il lui fit signer un papier ou deux et l'aida à rentrer le carton à l'intérieur.
Après avoir remercier un millième de fois le facteur, elle ferma la porte et déballa le gros colis qui prenait place dans le salon.
Dans la grosse boîte cartonnée se trouvait un énorme vase de verre de type cristal, dans lequel des fleurs de toutes couleurs et de toutes provenances trempaient dans de l'eau luisante.
Il y avait des lys, des rosés blanches, des tulipes jaunes et une autre dizaine de variétés de fleurs colorées.
Un petit papier pendait, accrochée à une fleur de lys. <<Je suis divorcé, tendres baisers, W.>>
Isis hoqueta.
Lorsque Théos entra quelques minutes plus tard, avec un ridicule bouquet de lys, il grimaça de même. Isis lui expliqua, lui laissant lire le mot.
-Il te traquera et t'enverra des fleurs jusqu'à ce que tu acceptes, avait-il répliqué dans une forte jalousie.
Isis ne voulait pas. Elle ne voulait plus de William ni de sa richesse aveuglante mais, il fallait qu'elle le voit afin de lui expliquer plus communément ses pensées.
-Je vais lui donner rendez-vous dans le bar où tu travailles, comme ça tu pourras avoir un œil sur nous, avait-elle décidé pour mettre en confiance Théos.
-Les hommes de son genre de viennent pas dans les guinguettes.
-Pour moi, il devra bien.

Dans la foulée de la soirée, Isis envoya un message clair à William, dans lequel elle exprimait son mécontentement vis à vis des cadeaux excessifs à son égard. Isis avait mit les fleurs de Théos dans un joli vase, sur la table du salon. Et celui de son amant, sur le balcon. À porter de vue.
Ils se posèrent tout deux devant la télé, Isis appuyée contre son épaule, et le chat réchauffant ses cuisses de tout son poids.
Derrière le ronronnement du film, un silence long et pesant. Un silence bruyant. Un silence qui laisse les pensées s'envoler, les pleurs se morfondre à l'intérieur d'un être.
Une extase silencieuse avec son propre corps, un monde sans bruit, sans vie.
Alors qu'Isis quittait des yeux la télévision, son regard vint se poser par la fenêtre, sur des étoiles blanches, brillantes, luisantes.
Dans le ciel noir, immense, interminable, elles se battaient pour savoir laquelle veillerait le plus longtemps. Ou bien brillerait le plus fort.
Les nuages se chevauchaient, intensément, perdant un peu de leur nuée à chaque déplacement.
Alors qu'elle se perdait dans l'univers, depuis sa pauvre place d'humaine, Théos posa sa main dans la sienne.
Là elle réalisa à nouveau qu'elle était heureuse. Peut-être même amoureuse. Ce qui n'était pas arrivé depuis des lustres, ou du moins depuis Mathias.

Le lendemain, vers midi, les deux amants mangeaient en-tête à tête, les yeux rivés sur la télévision allumée depuis le petit matin.
Le téléphone d'Isis se mit vibrer sur la table, annonçant un appel. Elle pensa d'abord qu'il s'agirait de William, l'appelant pour fixer un rendez-vous. La deuxième option était sa sœur, ou bien Charline. Mais ce fût un tout autre nom qui s'inscrit sur le portable.
<<Maman>>
Théos vu le nom, puis chercha le regard d'Isis.
-Réponds, dit-il en posant sa main sur son épaule.
Elle saisit le téléphone, et dans un instant d'hésitation, décrocha le bouton vert.
Elle lança un <<Allo>> peu serein, et entendit la voix de sa maman de l'autre côté. Elle avait une voix déjà bien différente de la dernière fois où elle l'avait entendu. Elle toussait fortement entre chaque mot qu'elle disait, visant à demander de ses nouvelles.
-Maman tu m'as manqué, murmura Isis au bord des larmes.
Sa maman répondit, d'une voix douce.
-Il m'a fallu du temps, beaucoup de temps. Mais ça y est. Tu m'as manqué aussi, Isis.
Isis devina que sa maman parlait du deuil de son frère, qui avait été une période difficile pour toute la famille, mais surtout pour sa mère. Inaya, était donc la mère d'Isis et d'Asla et du défunt Reuil, leur grand frère.
Il était mort il y a 3 ans, alors qu'Isis entrait dans sa dix-huitième année. Un accident de voiture avec sa femme, morte elle aussi.
Inaya n'avait jamais digéré la nouvelle, et avait laissé ses filles sans en prendre nouvelle depuis. C'était la cause du déménagement d'Isis et d'Asla, qui fuyaient donc l'atmosphère de tension de la maison familiale.
3 ans qu'elle n'avait eu que des nouvelles de sa mère par le billet de son père.
3 ans qu'elle n'avait reçu aucunes preuves d'amour maternel.
3 ans qu'elle attendait que sa mère revienne à elle.
3 ans qu'elle aimait dans le vent.
Sa maman, à l'autre bout du fil, racontait les nouvelles de la semaine expliquant qu'elle avait recueilli un chat qu'elle avait appelé Malice. Elle parlait de son travail, et d'un potentiel déménagement.
-Je pense que nous allons venir vous voir, avait-elle expliqué.
Isis se réjouissait de revoir ses parents mais ce serait certainement la boule au ventre. Ces 3 ans avaient été longs et douloureux pour elle.

Sa sœur, Asla, passa dans la journée, après avoir elle aussi reçu un appel de sa mère.
-Je lui ai parlé du bébé et elle m'a dit que je devais le dire à Sofi.
Évidement qu'elle le doit. Et plus elle attendait, plus elle s'exposait au risque qu'il le découvre lui-même.
-Dis-lui toi, suppliait Asla.
Isis avait fini par accepter et avait quitté l'appartement à 18h32 pour retrouver Sofi chez lui. Elle et sa sœur marchaient dans la rue, l'une à côté de l'autre, dans la chaleur de cette fin de mois d'août.
Elles arrivèrent bien vite devant la maison d'Asla et Sofi et rentrèrent avec empressement. Sofi était à l'étage, dans son bureau, où il travaillait sur des choses et d'autres. Il salua Isis avec un sourire presque forcé.
-Asla attend un bébé, dit Isis sans précautions particulières.
Sofi resta immobile quelques secondes avant de fermer les yeux avec insistance. Puis il se leva, jusqu'à Asla, et la pris dans ses bras.
Asla fut surprise de la réaction qui n'avait pas l'air négatif face à cette nouvelle. Il invita même Isis a manger avec eux.
-Dis à Théos de nous rejoindre, insista Asla.
Les deux amoureux s'enlaçaient alors, Isis quitta la pièce et descendit les grands escaliers pour regagner le hall d'entrée. Elle saisit son téléphone et appela Théos.
-Viens manger avec moi chez Asla.
-J'aime pas les officialisations, avait murmuré Théos dans le silence de l'appel.
-C'est pas officiel.
-Jamais.
-Jamais.

À force d'y croireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant