7ème lettre.

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Février 2013

Yoongi.

Pardonne-moi.
Trois ans que je suis sorti et je t'écris encore.
Je te l'écris encore et te le demande encore.
Est-ce que je cesserai un jour ?
Est-ce que je gagnerai ce combat que je mène depuis six ans ?

"Le seul combat perdu est celui auquel on renonce."
Vaclav Havel.

Je ne renonce pas. Pas encore.
Je ne mérite pas la paix.
Je ne mérite pas le pardon, pas la rédemption.
Tous les matins, depuis ces six années, je me réveille avec cette peur que j'aurai pu te tuer. Que ta tête aurait pu heurter une marche et que tu aurais pu ne pas te relever. Que tu aurais pu être paralysé ou mort et au cimetière. Et je m'en veux tellement.
Chaque jour est un combat.
Chaque victoire est un combat.
Et chaque combat prend un peu de moi.

Mais ce n'est rien comparé à ton regard que j'aurais préféré ne jamais revoir. Ne jamais me rappeler ce qu'il me faisait ressentir quand je te croisais au lycée. Ce regard que tu n'as jamais baissé. Tu me défiais et moi je répondais.
Tes regards, tes sourires, tes frôlements dans les couloirs. Tout ce qui me repoussait dans mes retranchements.
J'aurais aimé te détester. Ne pas chercher à comprendre. Ne pas être effrayé par mon reflet que je voyais dans tes yeux.
Ma souffrance.
Mon enfance perdue.
Ma colère.
Je pense à toi.
Je ne t'oublie pas.
Je n'oublies pas ce que je suis capable de faire.
Suis-je un monstre ?
Comme mon père ?
Il n'est plus là depuis longtemps. Pourtant, je le vois dans chacun de mes gestes, de mes actes.
Voulait-il que je sois comme lui ?
Que je sois à son image ?
Ou que je connaisse le bonheur ?

Et toi Yoongi, es-tu heureux ? Dans les bras de cet autre de chez qui tu partais l'autre soir ?
Celui où je t'ai croisé.
Te fait-il sourire ? Rire ?
Prend-il soin de toi ?
T'aime-t-il comme tu le mérites ?
Te dit-il que tu es magnifique ? D'une beauté fascinante ?
Comment t'appelle-t-il ? Mon amour ? Mon cœur ? Mon ange ? Beauté ?
N'oublie pas de lui demander Yoongi. Qu'il te dise sa façon de t'aimer.

Et moi, pourquoi j'étais là ce soir-là ?
J'étais sorti boire quelques verres avec Jungkook. On rentrait, bras dessus bras dessous, se tenant l'un à l'autre, quand une insulte, "tapette' a attiré notre attention, pensant qu'elle était pour nous.
Mais ce n'était pas le cas, elle était pour toi.
Ces deux hommes avaient décidé de s'en prendre à toi, de casser du gay. Je t'ai reconnu seulement quand tu as parlé. Ta voix m'a fait l'effet d'un électrochoc.
Alors, sans réfléchir, j'ai traversé. Je t'avais fait souffrir. Je devais te sauver. Je me suis interposé et j'ai frappé.
Frappe Hoseok !
Frappe encore !
Pas trop, juste assez pour les faire fuir avant de fuir à mon tour, avant que tu ne me reconnaisses.

Je commençais à m'éloigner quand tu as prononcé un simple "merci".
Merci pour quoi ?
Pour t'avoir affaibli, rendu vulnérable ?
Pour avoir fait de toi un éclopé, une victime ?
Mais c'était sans compter sur Jungkook. Mon nom, il l'a prononcé à voix haute et toi, tu l'as répété de façon à peine audible. Tu m'as reconnu et à cet instant le temps s'est figé. Je me suis senti lâche alors je me suis retourné et je t'ai regardé. Toujours aussi magnifique, coloré. C'est là que Jungkook a compris. Ce n'était pas très difficile. Et tout est revenu en force.

Toi.
Moi.
Ton corps étendu.
Mon cauchemar.
Ton regard. Ton silence.
Et je me suis demandé ce que ce silence voulait dire.
Ce que voulait dire tes couleurs, ta finesse, ta masculinité, cette virilité différente... mais pas moins homme pour autant.
A quoi pensais-tu ?
Quelles idées sombres traversaient ton esprit en cet instant ?
Puis la justice.
Coupable !
Je n'étais pas innocent. Je ne l'ai jamais été.
Tu me regardais, sans rien dire et j'ai sombré un peu plus avant de partir en te laissant là.

Jung "Hope" Hoseok.

A travers les mots (sope / YoonSeok)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant