Chapitre 1

39.1K 1.7K 844
                                    

Esmeralda se passa une nouvelle fois de l'eau sur le visage avant de se recoiffer rapidement à l'aide de son élastique. Quelques mèches encore humides, s'échappèrent de son chignon pour venir encadrer l'ovale de son visage. Ses boucles désordonnées semblaient refléter le chaos qui avait pris racine dans son esprit.

Trois longues années s'étaient écoulées depuis qu'elle avait laissé derrière elle une vie brisée. Pourtant, les vestiges de cette époque la hantaient encore sans qu'elle ne puisse y faire grand-chose. Disparaître sans laisser de traces était une décision impulsive dans l'unique but de provoquer chez eux ne serait-ce qu'une once de remords. S'étaient-ils inquiétés de ne pas la voir revenir ?

Avaient-ils remarqué son absence ?

Combien de jours s'étaient écoulés avant qu'ils ne commencent à s'inquiéter ?

Autant de questions sans réponses qui la taraudaient souvent.

— Même après toutes ces années, je pense encore à eux.

Pathétique.

Elle soupira lourdement, serrant les poings.

— J'espère que quelque chose de terrible leur est arrivé, marmonna-t-elle en s'éloignant vers la porte pour reprendre son service.

Dès qu'elle passa la porte des toilettes, Esmeralda enfila machinalement un masque. Son sourire, bien que doux en apparence, portait sur lui cette légère lueur de mélancolie.

Dans la salle, elle croisa Elizaveta, qui lui offrit un sourire maternel avant de retourner s'occuper de son client, carnet de notes en main. Esmeralda décida d'en faire de même. D'un pas décidé, elle se dirigea vers la table de quatre où avaient pris place des habitués ; trois frères, accompagnés de leur collègue de bureau. Ces derniers semblaient déjà avoir bu quelques verres, les rires et éclats de voix témoignaient de leur bonne humeur. Le visage de l'aîné, le bourreau des cœurs du groupe, s'illumina presque immédiatement, tandis que la serveuse s'avançait vers eux.

— Ah, v'là notre serveuse préférée ! s'exclama-t-il un peu trop fort, les joues légèrement rougies par l'alcool.

— Bonjour monsieur Rozhkov, très belle journée aujourd'hui, salua-t-elle d'un ton monotone, consciente de ce que le bougre lui réservait.

— Ma petite serveuse espagnole ! L'étoile montante du restaurant ! La plus belle de toutes les serveuses ! Mi señorita...

Il continua ainsi pendant de longues secondes. Soupirant intérieurement face aux compliments interminables de l'homme, Esmeralda attrapa son carnet de notes dans la poche de son uniforme avant d'adresser un signe de tête pour saluer les autres.

Mieux valait qu'elle se détende et recommence à observer les nouveaux clients. Son regard croisa rapidement celui du collègue avant de retourner sur l'aîné des frères Rozhkov, qui avait enfin fini sa tirade.

— Chaque jour, vous déjeunez ici et à chaque fois, vous parvenez à me surprendre avec de nouveaux compliments encore plus créatifs que les précédents.

— Mais ne le répète surtout pas à Elizaveta, poursuivit-il en baissant la voix. Avant de te rencontrer, c'est elle que je courtisais avec mon beau sourire et mes mots doux.

— Tu as beau avoir l'impression de chuchoter, Vasily, mais je t'assure que tout le monde dans un rayon de trois kilomètres t'a entendu, répondit cette dernière à l'autre bout de la salle.

— Oh, Elizaveta ! Ma chère Elizaveta. Navré que que tu l'apprennes ainsi, mais mon cœur appartient désormais à la belle et magnifique czarina à la beauté exotique. Je suis tombé amoureux le jour où nos regards se sont croisés et depuis, j'ai juré que je ne mangerais plus jamais que des repas qu'elle me servirait.

𝐂𝐚𝐩𝐭𝐢𝐯𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐦𝐚𝐟𝐢𝐚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant