Prologue

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Les lumières tamisées des toilettes du petit restaurant baignaient la pièce d'une lueur douce, l'enveloppant dans une ambiance de quiétude momentané qui contrastait fortement avec le tumulte émotionnel dans lequel elle se trouvait. Sans lever la tête, Esmeralda s'approcha des vasques, ses doigts glissant lentement sur le métal glacé du robinet chromé. Elle laissa ensuite l'eau tiède couler sur ses mains avant de se pencher pour se rafraîchir le visage. Elle devait tout tenter pour réfréner les nombreux souvenirs amers qui affluaient par vague dans son esprit.

Lorsqu'elle releva la tête, son regard se fixa sur son propre reflet dans le miroir éclairé. Les gouttelettes d'eau ruisselaient de son visage jusqu'au lavabo, avant de glisser et disparaître dans le drain.

Son reflet renvoyait celui d'une étrangère. Autrefois vibrants, ses yeux étaient désormais ternes et éteints, comme si des souvenirs obsédants la torturaient sans cesse. Les cernes sous ses yeux sombres racontaient des nuits sans sommeil, parfois hantées par ses démons intérieurs qui la tourmentaient sans relâche. Les traits de son visage semblaient à présent tirés sous le poids de la fatigue émotionnelle. Esmeralda n'était plus qu'une ombre de ce qu'elle avait jadis été.

La seule chose inchangée restait sa ressemblance marquée avec sa grand-mère paternelle espagnole, dont la mémoire s'était inscrite en elle. Son père avait l'habitude de la complimenter sur cette réminiscence lorsqu'elle était toute petite. L'époque où ils étaient encore fusionnels, du moins, là où elle avait cru en une relation privilégiée se révéla n'être qu'une illusion. Leur lien était bien plus fragile et distant qu'elle ne l'avait jamais imaginé.

Comment avait-elle pu être aveugle à ce point ?

Les paumes de ses mains s'appuyèrent sur la vasque tandis que des fragments non-désirés d'un passé qu'elle aurait préféré effacer de tout son être, l'assaillirent.

Esmeralda revivant la scène comme si elle venait d'y être projetée. Elle se voyait tirer sa valise à travers le hall d'entrée de sa maison d'enfance, prête à quitter cet endroit qui, à une époque, abritait encore tout en tas de souvenirs joyeux. Désormais, la demeure n'était plus que synonyme de grande peine. Sans un mot, elle avait jeté un dernier regard à son père, espérant secrètement qu'il ne la retienne. Pourtant, depuis le haut des escaliers menant au premier étage, ce dernier arborait un masque glacial et distant, celui-là même qu'il réservait à ses collaborateurs un peu trop avides de pouvoir. Cette attitude la confortait dans sa décision de quitter les lieux.

Elle aurait pu leur révéler son côté sombre en dévoilant des informations compromettantes et potentiellement incriminantes qu'elle avait découvertes au sein de l'entreprise de son père.

Mais son cœur pur l'en avait empêchée.

À la place, sa colère s'était transformée en larmes et elle était partie.  Esmeralda ne savait toujours pas ce qui l'avait arrêtée et regrettait amèrement de ne pas en avoir profité pour partir en beauté.

La gorge nouée, les yeux embués de larmes, elle pouvait encore aujourd'hui ressentir cette douleur — bien qu'atténuée — d'avoir le cœur brisé en mille morceaux par des personnes importantes de sa vie. Trahie et abandonnée par sa propre famille et son fiancé. Une expérience qu'elle ne souhaitait à personne,  sauf peut-être à Scott. Et à ses anciennes meilleures amies, qui avaient préféré se ranger du côté de sa sœur à la carrière florissante.

Un soupir résigné s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle se détachait du lavabo pour consulter l'heure sur sa montre. Sa pause touchait bientôt à sa fin.

𝐂𝐚𝐩𝐭𝐢𝐯𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐦𝐚𝐟𝐢𝐚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant