Chapitre 1 (partie2)

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Je ne peux pas l’entendre me le dire encore. Pas maintenant, plus maintenant, plus jamais. Mon index sur ses lèvres pour le faire taire en douceur je secoue la tête et inspire bien trop bruyamment par le nez, refoulant mes larmes. Pourquoi voudraient-elles venir maintenant ces putain de gouttes salées.  Je sais d’avance ce qu’il veut me dire. Il n’y est pour rien, je refuse qu’il se sente coupable. Je rassemble mon courage pour qu’il le sache une dernière fois. Dissimulant au mieux mes sentiments, sortant de mon mutisme, je prends enfin la parole dans un timbre légèrement tremblant.

— Faustin, crois-moi quand je te dis que tu n’y es pour rien. La vie est ainsi faite et ce n’est pas de ta faute si j’ai perdu le bébé. Même si tu n’avais pas été à l’étranger, j’aurais fait tout de même ce choix. Depuis que tu es revenu, tu n’es plus celui que j’ai connu. Ce n’est pas en mal, tu veux fonder une famille et moi pas. Je ne suis pas celle qu'il te faut pour tes rêves de mariage et d’enfants. Je sais que nos parents pensaient qu’avec cette grossesse nous allions enfin passer le cap des fiançailles. La vie n’est pas un chemin tout tracé, la nôtre connait des embuscades, quand il y en a de trop, il faut savoir dire stop, et se replier.

Faustin est impassible, toujours assis à côté de moi droit comme un i. Seul nos yeux plongés l’un dans l’autre, peuvent transmettre l’intensité des sentiments qui nous habitent. Contre toute attente, il ne dit mot, se penche simplement vers moi, caresse mon front d’un chaste baiser qui en dit tellement long... Pour dernier adieu, ses lèvres douces et charnues abandonnent un vestige de ce que nous étions sur ma peau. Sans excès et sans fioriture, droit au but, comme dans l’armée. Être formatés et disciplinés, comme nous l’avons été pendant des années, et comme nous le serons sûrement encore longtemps, laisse des traces sur les comportements.

L’armée, c’est une carrière et un mode de vie.
Il a gardé les clés de la maison pour pouvoir déménager ses affaires plus simplement. De toute façon, à aucun moment je ne me suis dit que j’allais lui en interdire l’accès. Nous avons partagé beaucoup trop de choses et nous voulons une séparation douce, sans se faire du mal l’un à l’autre.
Il n’y a aucun enfant, seulement la garde de la chienne, un berger allemand, un malinois de cinq ans maintenant, Jazz. Son nom fait référence à un sacré fou rire que nous avons eu dans les débuts de notre relation. Faustin avait un soir conduit ma voiture, en allumant la radio c’était la station jazz-radio. Il rigolait pendant que je tentais d’expliquer que je l'écoutais de temps en temps. J'avais essayé de le convaincre que le dimanche soir était particulièrement intéressant en soirée avec des anecdotes sur les artistes et l’histoires des chansons. J’étais partie dans un monologue quand il s’était esclaffé. J’avais alors compris que j’aimais bien plus le jazz que je le laissais paraitre. Avoir un chien était une décision commune et relativement facile, car nous en voulions un tous les deux. Pour son nom au départ, il était parti sur le code Alpha international, tout y était passé, de Foxtrot, Juliet, Charlie ou encore Lima. Nous avions essayé de mimer le fait d’appeler notre chien imaginaire avec les différents noms. Mais à part des fous rire rien n’était concluant.
Lors d’une soirée, rentrant de chez des amis, à la radio, du Jazz. Une chanson de Etta James At Last, un très joli classique. Je pensais que Faustin attendait que la voiture chauffe un peu avant de s’engager dans la circulation, mais il n’en n’était rien. J’ondulais la tête au rythme de la chanson, c'était langoureux. Je baissais les paupières un instant, nous imaginant danser là, dehors eclairer par la lumière de nos phares. Lorsque j'ouvris les yeux, il c'était  tourné vers moi et me regardait. Posant ma tête sur l’appui-tête, j’abandonnais à mon tour un regard vers lui, souriant timidement. Il caressa mon visage du dos de la main, puis, maintint mon menton à l’aide de son pouce et son index, se penchant pour m’embrasser. Ses lèvres chaudes contre les miennes, je me laissai faire savourant cet instant de tendresse. Il dit soudain, « j’aime beaucoup cette chanson ». Je dus faire une tête surprise car il reprit aussitôt, « j’ai trouvé pour la chienne, je veux dire son nom ». J’acquiesçai pour l’aider à poursuivre lui faisant comprendre que j’étais à son écoute. « Je propose Jazz, j’ai appris à aimer ce style de musique impossible à définir, tout comme toi la femme parfois impossible à décrypter ». Il ne m’en fallait pas plus pour être d’accord avec lui. Je mesurais alors l’amour qu’il me portait, ne l’exprimant qu’à travers cette remarque sur mon comportement, que je prenais comme un compliment.
Lorsque Faustin partait, je me sentais moins seule avec Jazz. Alors pourquoi là, devant la porte de la maison qui se referme sur l’homme qui a essayé de me comprendre pendant cinq ans… je me sens plus seule que jamais.
Je perçois Jazz sur mon flanc droit, elle glisse sous ma main, ses poils courts me chatouillent et place sa tête dans ma paume, attendant que je lui gratte le crâne. Lorsqu’elle émet un gémissement plaintif, je saisis alors que je me trouve dans le même état qu’elle. Dire que vous n’êtes pas faite pour une personne est une chose, surtout quand votre âme et votre corps vous crient le contraire, mais admettre enfin que vous perdez la personne qui vous soutenait dans vos décisions folles, comme quitter l’armée! En est une autre. Il a accepté la reprise de mes études pour une nouvelle profession. Il a patienté, tentant de me vendre un mariage et une vie familiale. Et moi, ai-je fait les efforts nécessaires pour faire durer ce couple ? Je suis à la recherche d’un cœur à aimer et qui m’aime en retour. Cependant je me pose cette question : y a-t-il sur terre une âme sœur pour chacun ? Je ne sais pas où trouver cette réponse, alors ma grande, Marie-Jeanne, reprend toi et sèche tes larmes, consolide ton cœur pour qu’il tienne encore et qui sait un jour peut-être…

Salut Les Wattpadiennes Anonymes

Voici la fin de ce chapitre1.
J'espère vous avoir plongé avec moi dans cette nouvelle histoire.
Je vous met le lien pour la musique que je cite dans le texte. Vous allez pouvoir encore mieux imaginer pourquoi Marie-Jeanne voulait danser dehors dans la nuit éclairé par la lune.

A bientôt

Vinie

L'espoir blancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant