Chapitre 2.1

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Le réveil est laborieux ce matin. Ma courte nuit n'aide pas, c'est certain. Dire que je dois enchaîner une série de trois jours en douze heures dès aujourd'hui... Ça ne va pas être de la tarte.

D'après mon planning je suis au SMUR (Service Mobile d'Urgence et de Réanimation). Être en première ligne, c'est ce que je préfère. Bien entendu, avec mon ancien parcours professionnel, ma décision de rester dans le domaine de la médecine d'urgence était comme une évidence pour moi.

Avant de prendre ma retraite militaire, j'étais infirmière au service de santé des armées. Pour y arriver, j'en ai bavé. J'ai même sérieusement douté de parvenir à obtenir mon diplôme. J'étais pourtant bien partie. Malgré les incessantes disputes de mes parents, je m'en suis sortie et j'ai été reçue dans deux écoles avant même d'obtenir mon BAC.

Il faut dire qu'avec un père « Commandant » à la retraite et une mère essayant de gérer de front ses cinq enfants et le caractère bien trempé de son mari, l'ambiance n'était pas toujours au beau fixe. Je me demande encore souvent comment elle a pu gérer de front sa carrière et sa famille... Un peu comme une super héroïne, j'imagine.

Jusqu'à mon départ de la maison, en gentille petite dernière de ma fratrie, j'ai compté les points entre mes parents. Sur la fin, ils ne se supportaient plus. Un peu comme s'ils n'avaient jamais vécu vraiment ensembles avant la retraite. Heureusement, nous avons aussi eu nos moments de joie et de bonheur. Les mariages de mes frères et sœurs resteront gravés dans ma mémoire, mais plus encore la naissance de chacun de mes neveux et nièces. Je suis devenue tante à presque dix ans et maintenant ils ne sont pas moins de dix à m'appeler « tata ».

Non, ce qui m'a le plus bouleversé, ce n'est pas tout ça, mais plutôt le décès de la personne que j'idolâtrai le plus au monde, mon grand-père.

Soixante-quatorze, ans ce n'est pas vieux pour mourir ! J'étais sa plus grande fan et j'adorais l'écouter me raconter ses nombreux périples. Militaire de carrière, il a trouvé sa vocation dans la résistance française. Lui, un simple adolescent fuyant le service du travail obligatoire...

Avoir un grand-père qui a connu cette période de l'histoire et pouvoir après la théorie des cours de collège, avoir les faits réels animés et vivants était plus qu'enrichissant. Après la guerre il s'est engagé, montant les échelons un à un dans l'armée de terre. La fin de la guerre d'Indochine suivie de peu par celle d'Algérie, a achevé de le former. De retour en France, il a choisi le génie militaire. Poser des ponts ou encore sécuriser les routes à bords d'engins plus qu'impressionnant était ce qu'il préférait.

A sa mort, j'étais anéantie. Mon héros, le Major De Blay Pierre-Baptiste, avait été plusieurs fois décoré. Médaille outre-mer, médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Afrique du Nord, croix du combattant, médaille du mérite et d'engagé volontaire... et je sais que j'en oublie.

Il était le seul à me comprendre, le seul à ne pas me considérer comme une petite fille, comme LA petite dernière et ce même si c'était vrai ! Contrairement au commandant mon grand-père pensait que les femmes pouvaient avoir une place dans l'armée. Si le premier était furax de mon choix, je pense avoir rendu le second plutôt fier de moi. Mon père ayant fait la marine pour rendre fou son paternel, la boucle était ainsi bouclée.

Je suis partie pour Toulon à l'école personnelle paramédicale des armées. J'ai suivi une formation militaire en parallèle de mes études en instituts en soins infirmiers. Au bout de trois ans et quatre mois de dur labeur, j'étais devenue Militaires Infirmières et Techniciennes des Hôpitaux des Armées (MITHA). J'ai fait mes classes dans des centres médicaux des armées (CMA), avant de pouvoir partir rapidement en opérations extérieures (OPEX).

Revenue dans le civil, l'action me manquait. J'ai alors repris mes études pour devenir Infirmière Anesthésiste Diplômée d'État (IADE). Coordonner les soins et les équipes, pratiquer les gestes d'urgences vitales direct, c'était mon domaine après les nombreuses OPEX que j'avais pu faire. La différence c'est que je ne partais pas pendant plusieurs mois d'affilé et que je pouvais enfin construire une vie familiale avec quelqu'un.

À la base, c'est vraiment pour cette partie du travail que j'ai signé. Seulement, depuis peu, je ne me sens plus vraiment dans mon élément, comme si je n'étais plus à ma place. Le monde tourne autour de moi, mais moi je tourne dans le sens inverse. J'ai le tournis et ne sais plus dans quelle direction aller.

Passer la matinée à me lamenter dans mon lit ne va pas m'aider à en sortir. J'ai passé la nuit à trier les photos, passant de cadre en cadre, de pièce en pièce trainant derrière moi mon verre de vin et sa bouteille. C'est tellement pathétique que je me fustige moi-même. J'ai beau crier être une femme qui ne pleure -enfin presque- pas, je ne suis pas insensible non plus. Cependant ce n'est pas pour moi le pot de glace à la cuillère à soupe, à rester devant Netflix. Non, moi c'est plutôt course à pieds, abdos et pompes, i-pod sur les oreilles jusqu'à épuisement. Enfin, c'est ce que je pensais avant hier soir mais ça ne m'a pas aidé à trouver le sommeil.

Bonjour les filles... oui il y a que des filles qui me suivent.

Nouveau début de chapitre, j espère qu il vous plaira.

A vendredi pour la suite.
Bises
Vinie

L'espoir blancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant