Chapitre 4.2

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Nous sommes mi-mai et le temps est plutôt clément. Bien entendu, en bretagne la douceur du soir me fait frissonner. Je contemple le jardin de mes parents qui a déjà revêtu son habit d'apparat pour la fête de demain. Ce dernier est découpé en trois zones. La première est ce qui semble être le cœur de la future fête, la réception. Des tonnelles blanches ont été disposées en longueur, agrémentées de tables et de chaises. La deuxième zone semble être le coin dortoir pour ceux préférant rester la nuit. Les toiles de tentes sont disposées comme un mini camping sauvage. Pour la dernière partie, je pense que ce sont les sanitaires. Ils ont fait venir des toilettes sèches au vu de la liste des invités qui s'agrandissait au fur et à mesure. Mes neveux et nièces s'affairent à l'installation de ce mini village gaulois. Les bâches extérieures sont attachées pour fermer les tonnelles en attendant le lendemain. Bien entendu le commandant et son second, mon frère ainé, dirigent cette petite troupe exécutante.

Ayant entendu la voiture, ma mère nous attend sur le perron s'essuyant les mains sur son tablier. A soixante-douze ans, il n'y a pas moyen qu'elle en fasse moins. Même si la peur me tenaille, je ne peux m'empêcher de sourire et de respirer à pleins poumons l'air iodée. Ma maman me manque, toujours même si je ne me sens pas particulièrement proche d'elle.

— Marie-Jeanne, comme je suis contente de te voir !

Ses petits bras m'enserrent avec force. Marie-Catherine ressemble à une femme fragile, mais il ne faut pas se fier à sa petite taille et à son air enjoué. Cette femme de marin n'est pas du genre à se laisser dicter sa conduite. Elle dirige sa maison, ses enfants, petits et arrières petits-enfants à la baguette, tout comme le commandant pouvait régenter ses troupes et son navire.

— Bonjour maman, je suis contente d'être là.

— Non, tu ne l'es pas !

Voilà que ça commence. À peine débarquée et je me fais déjà allumer.

— Mais maman...

Elle ne me laisse pas finir.

— Premièrement, tu as les traits tirés et je te trouve plutôt amaigrie. Tu sembles ne pas avoir fait de progrès en cuisine. Deuxièmement, ta petite voix cache l'entrain dont tu peux faire preuve habituellement. Je terminerais par, où est Faustin ?

Je m'apprête à répondre en prenant mon courage à bras le corps quand sa main se plaque presque sur ma bouche pour m'interdire de parler.

— Nous en parlerons plus tard et tu t'expliqueras.

Ma mère se tourne finalement vers mon frère pour le serrer à son tour. Les remontrances de Pierre-Jean sont l'opposé des miennes. Tu as forci. Tu dois faire attention. Et tout de même, un léger : comment va Dom ? Maman pose toujours la question et parfois même discute de la relation amoureuse de mon frère. Pas comme papa qui parfois ne peut s'empêcher de faire exprès de bouder et taire son nom. Nous sommes loin des débuts où le commandant croyait que Dominique était la petite amie de mon frère. Maman est plus souple sur le sujet, je ne sais pas si c'est par politesse ou si elle craint que son fils ne lui parle plus.

Tout le monde est rassemblé pour le début de l'apéritif appelant ainsi le discours qui va avec. J'ai à peine eu le temps de m'installer dans ma chambre et ainsi tenter de fuir mes parents et frères et sœurs, que l'heure du glas a sonné. Oui, je vous l'accorde, très mélodramatique. Papa remercie les personnes présentes et exprime sa joie d'avoir en partie la famille réunie ce soir, elle ne sera au complet que demain. Il fait court, préférant sans doute réserver son laïus pour le grand jour. J'aimerais me cacher dans un trou de souris. Les regards que le commandant porte sur moi sont froids et emplis de reproches. Je ne pense pas être parano en affirmant que maman et lui ont eu une discussion discrète et rapide à mon sujet. J'ai réussi à éluder la question sur l'absence de Faustin avec Anne-Charlotte, ma sœur ainée, ainsi qu'avec Estelle la femme de mon grand frère Jean-Baptiste. J'ai eu la mauvaise idée de passer en cuisine pour chaparder quelque chose à grignoter. Elles me sont rapidement tombées dessus sous l'œil aiguisé de maman qui terminait les préparatifs du diner. Je m'étais dit qu'avec autant de bouches à nourrir elles seraient trop occupées pour remarquer ma présence ! J'ai eu tort.

L'espoir blancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant