Chapitre 4.1

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Leur maison, joli mélange d'ancien et de neuf, a été entièrement rénovée. Ses pierres apparentes associées au bardage en bois ocre de l'extension lui donnent un sacré charme. Un muret en pierres druidiques, comme l'appelle mon père, entoure cette belle demeure de 130 mètres carré... Composée d'un étage entièrement aménagé en espace enfant et d'un rez-de-chaussée parfaitement adapté à leurs besoins, la maison est entourée d'un vaste jardin arboré de magnifiques hortensias aux couleurs variées avec vue sur la mer. Une demeure pleine de vie dès que le week-end arrive.

Demain samedi, les petits plats seront mis dans les grands. De nombreux voisins et amis se joindront à la famille pour fêter leurs noces d'or. Mais pour l'heure, je vais devoir passer la soirée avec mes parents et mes frères et sœurs déjà arrivés. Nous sommes seulement vendredi soir et je n'ai qu'une envie, repartir. Cela vient du fait que je ne suis pas accompagnée et que les questions vont fuser. Faustin devait venir, nous avions confirmé que nous serions deux. Il m'a même envoyé un message ce matin me demandant si je voulais qu'il vienne, une sorte de soutien moral. J'ai refusé, je ne peux pas lui faire ça. J'ai décidé de rompre alors je ne peux pas le laisser entrer dans la fosse aux lions avec moi.

— Je te trouve bien silencieuse ? Et Faustin ? Il arrive demain, ou tu as oublié de me dire quelque chose.

Mon frère a les yeux rivés sur la route, pourtant son regard glisse sur moi depuis quinze minutes. Il aura mis le temps avant de poser la question.

— Et toi tu es seul ?

— Ne répond pas à ma question par une autre. Dom était déjà pris pour le week-end.

— Bien entendu, cela n'a rien à voir avec le fait qu'il y aura beaucoup de monde et que le commandant t'a interdit de venir avec... Comment il dit déjà ?

— Arrête ça M.J !

— Tu te moques de moi, ça fait presque vingt ans qu'il sait que tu aimes les hommes, son fils est homosexuel et il n'accepte pas tes relations. Tu vas lui pardonner encore combien de temps ? Tu vis avec Dominique, il lui faut quoi de plus ?

— Dom, veut qu'on se marie. J'ai dit non. Papa n'est pas prêt. Du coup, Dom ne veut plus venir aux réunions de famille, car il estime ne pas en faire partie. Il boycotte.

— Ce n'est plus au commandant de décider. Tu ne vas pas attendre qu'il soit mort pour vivre enfin ta vie ! Je soutiens Dominique et je vais lui dire maintenant par texto.

— C'était bien joué le coup de la diversion ! Mais il ne reste que quinze kilomètres alors soit tu me dis maintenant pourquoi Faustin n'est pas avec toi, soit je te repose la question devant tout le monde pour t'obliger à répondre !

Pourquoi c'est si difficile à avouer ? Je veux plus de temps. Cela ne fait même pas une semaine. Je pourrais mentir et dire qu'il est de garde, mais je n'ai jamais su mentir et j'aime encore moins ça. J'ai besoin d'en parler avec mon frère, lui et Dom sont de bons conseils. Nous nous voyons souvent à Paris. Dès que l'emploi du temps de chacun le permet. Je connais plus leurs amis qu'eux les miens. En même temps, je suis très sélective. J'ai beaucoup de potes d'armée, mais ce n'est pas comme avoir de meilleurs amis. J'ai l'impression d'être associable. Je me trouve nulle de me demander qui sont les vrais copains tout compte fait. Je pense que je ne connais pas le moment à partir duquel on peut considérer qu'un cap est franchi, celui de l'amitié, la vrai. Le panneau Plozévet apparait et la bile me monte dans la gorge. Je ne peux plus reculer et j'ai vraiment besoin d'un allié.

— On est séparé.

La bombe est lâchée. Pierre-Jean fait un écart sur la route, de toute évidence surpris par la nouvelle.

— Tu veux dire comme...

— Comme plus ensemble et déménagement de ses affaires. Je garde la maison et Jazz. Il va dormir à la caserne...

— Putain de merde !

Nous tournons dans la rue et le comité d'accueil est déjà là. La pression monte d'un cran quand le moteur se coupe. J'ai la poignée de la portière dans la main quand P.J me stoppe d'une main sur mon bras. Je reste de dos et prend une grande inspiration avant de me tourner vers lui.

— Tu n'es pas seule. Tu veux que je mente pour toi ?

Mon regard est plein d'admiration et d'amour pour mon frère qui, sans savoir le pourquoi du comment, veut juste me protéger. Il ne me juge pas ou du moins pas encore. Il sait qu'il aura son explication même si pour cela il va devoir attendre.

— Non, je vais leur dire. Ce soir ça va mettre de l'ambiance au repas. J'hésite juste sur le fait de foirer dès l'apéro ou au dessert avec le digestif.

J'essaie l'humour, mais au fond de moi j'ai peur de la réaction de ma famille qui ne sera pas aussi bienveillante que Pierre-Jean. Il resserre sa prise sur mon bras me faisant comprendre qu'il est là. Chacun de notre côté nous sortons de la voiture pour aller à la rencontre de la tribu De Blay.

L'espoir blancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant