Comme je l'ai prédit, mon père rassemble ses invités autour de lui pour tenir son habituel discours de remerciements. Il a de la prestance, se tient droit, fier, il est encore bien bâti pour son âge. Son laïus est fluide, il blague même avec ses amis. D'ailleurs, je ne comprends pas l'humour dont il fait preuve. Il n'y a qu'une partie des convives qui rigolent, alors je ne me formalise pas. Il poursuit tout en venant chercher la main de maman se rapprochant doucement d'elle. Papa s'éclaircit la voix avant de poursuivre.
— Décider de se marier c'est une aventure. Un chemin, une direction que nous construisons à deux. Ce n'est pas ce simple contrat de mariage ordonné par nos familles, ni de se jurer fidélité, amour et joies comme les peines et la pauvreté. Bon, il y a de ça bien entendu ! Mais, le bout de papier ne garantit pas la pérennité de l'union. Non, bien au contraire. Il faut de l'investissement, de l'amour, de l'attention et beaucoup de patience. Ma femme en a eu énormément lors de mes trop nombreux voyages avec ma maitresse, mon bateau. Si jalousie, il y a eu c'est envers mon navire de guerre que je côtoyais parfois trop. Plus jeune, j'ai pensé à tort que se marier était une réussite. Je peux dire aujourd'hui que c'est de préserver son mariage qui en est une. Je vais conclure et vous laisser vous restaurer, avec une citation de Goethe :
« Le monde est si vide si l'on n'y imagine que montagnes, fleuves et villes, mais d'y savoir quelqu'un avec qui l'on s'entend, avec qui l'on peut vivre en silence, c'est ce qui fait de ce globe un jardin habité ». Marie-Catherine je ne me suis jamais senti seul grâce à toi à mes côtés. Je te remercie de continuer de partager cette vie avec moi, je t'aime.
Les applaudissements éclatent et c'est presque assourdissant. Certains essuient leurs larmes du bout des doigts, tandis que d'autres se mouchent bruyamment. Ils laissent entendre non pas leur peine, mais bien toute la bienveillance et la joie dont ils font preuve envers mes parents. Je ne suis pas particulièrement sensible, mais force est de reconnaître que les compliments de mon père sont magnifiques. Mes parents ont souvent eu des réserves tout au long de leur vie dans la démonstration de leur amour. Je ne me rappelle pas mon père prenant sa femme pour un câlin prolongé. Seulement quand il mettait pied à terre leur accolade durait plus longtemps, mais le baiser était presque timide. Je me demandais souvent pourquoi ils restaient ensemble quand les disputes éclataient, lorsque mon père était à la maison. Je m'aperçois qu'ils ont toujours été amoureux malgré les tempêtes dans leur couple. Je comprends mieux leurs réactions lors du diner d'hier, même si je ne suis pas d'accord, avec le discours de mon père, je me dis que ma décision envers Faustin était la plus juste. A aucun moment, je ne me suis reconnue, ne serait-ce qu'un peu dans sa description de son mariage avec maman. J'espère moi aussi faire la rencontre qui me fera sentir que je ne suis pas seule au monde.
Le placement des convives à table est réussi. Il est mixé et je ne le trouve pas conventionnel comparer ce qui peut se faire. Pour une fois, pas une table cousins, enfants ou amis, mais bien un mélange. Je suis installée, non sans une remarque de maman qui a dû pallier le manque de Faustin à table, avec Pierre-Jean, des cousins germains et des amis de sa chorale. Je pense que nous sommes tous, à peu près, dans la même tranche d'âge. La table est dressée avec goût et simplicité dans un thème champêtre romantique. Je reconnais la patte de ma sœur, Carole-Anne. Adepte des loisirs créatifs et de la décoration en tout genre elle a sû aider maman avec goût. Une unité de couleur a été choisie avec du marron clair, du rose poudré, du vert et de la dentelle. Cette dernière orne le menu disposé au centre avec le bouquet entouré du même ruban, le tout repose sur un grand rondin de bois. Les fleurs sont magnifiques. Des pivoines, mes fleurs préférées. Roses de mai aux multiples pétales et eucalyptus se déclinent en plusieurs teintes pour parfaire le ravissement de la table. Le reste est sobre, nappes et assiettes blanches. Une serviette en tissu rose pâle est roulée et attachée par un lien en toile de jute, posée simplement dans l'assiette. Il manque le charme d'une belle salle, la grange aurait vraiment magnifié le tout avec ses poutres apparentes. Des lampions et guirlandes sont suspendus sur les armatures du toit. Au menu, nous avons un trio de la mer gourmand. Il s'agit là d'une terrine de différents poissons bien disposés dans l'assiette. Oui, j'aime aller au plus simple et j'aime appeler un chat, un chat et pas une petite bête à poils soyeux. Des fagots d'haricots verts et un muffin de pommes de terre accompagne le cochon de lait rôti pour le plat de résistance. Le repas est si délicieux que j'en sauce mon assiette avec gourmandise. Pour finir du fromage bien entendu et la traditionnelle pièce montée. A la découpe du gâteau, maman émue, explique aux convives qu'à leur mariage, elle n'avait pas pu avoir ce dessert. Il n'était pas dans leur budget de l'époque. La seule condition qu'elle a imposé à papa pour leurs noces d'or, c'est cette cascade de choux à la crème et nougatine. Elle a eu raison. Le pâtissier s'est appliqué à agrémenter la pièce avec des décors qui ressemblent à de la dentelle. Des boutons de roses fraiches complètent joliment ce dessert.
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L'espoir blanc
RomanceMarie-Jeanne connaissait les dures conditions de travail, pourtant elle n'a pas hésité à s'engager bénévolement auprès de Médecins Sans Frontière. Sa famille, ses amis disent d'elle que c'est une femme courageuse volontaire et déterminée. Elle dira...