Les Faces du Destin 1: Le Commencement (Réécrit)

Chapitre 18: Rêveries (Réécrit)

- Ecoute-moi, et approche...

Anastasia, sous l'ordre de la voix, se releva. Toujours dans les vapes, elle ne savait pas ce qui se passait autour d'elle: sûrement un mauvais rêve. La guérisseuse regarda aux alentours: Sepa et Eden dormaient à poings fermés, tandis que du feu qu'ils avaient allumé, il ne restait que des braises rougeoyantes. 

- C'est bien... Viens me voir... Je te guiderai...

La voix avait l'effet d'un aimant, et Anastasia se dirigea vers l'endroit d'où provenait le son. Malgré son réveil brutal, les esprits du sommeil ne la laissaient pas en paix, et elle n'arrivait pas à distinguer l'imaginaire du réel. Les mots déferlaient sur elle, de plus en plus forts et de plus en plus rapides. La guérisseuse constata, bien malencontreusement, qu'elle s'était éloignée de la clairière pour s'aventurer sur l'un des sentiers sombres qui menaient aux entrailles du Bois des Esprits:

- Qu'est... Qu'est-ce...

Toujours attirée par les mots, la vue d'Anastasia se brouilla. Elle délirait. Au loin, le camp se faisait de plus en plus petit. Elle voulut rebrousser chemin, mais ses muscles ne lui répondaient plus: au contraire, ils la forçaient à s'enfoncer dans le bois, en direction de la sirène. La guérisseuse ne voyait plus rien. A un moment, ses pieds vinrent s'empêtrer dans une branche, et elle tomba. Les genoux en sang, sa robe déchirée, elle peina à se relever. Finalement, une délicieuse odeur de viande rôtie l'amena en direction d'une autre clairière. Elle y entra, pour y découvrir un étrange couple: l'homme avait les cheveux en feu, tandis que la femme dégageait une aura glaciale qui la fit frissonner. Celle-ci s'avança vers elle, avant de murmurer: 

- " Epines des Glaces! "

Un stalactite de glace se forma dans sa main, puis il alla s'enfoncer en plein milieu de son genou. La soudaine douleur la crispa. Puis un autre s'ajouta au premier, et ainsi de suite. Anastasia s'affaissa, les paupières lourdes. Elle eut juste le temps de voir l'étrange femme s'avancer et lui déclarer:

- Heureuse de vous revoir, Diane. Cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas eu le temps de nous revoir...

                                                                                                   *

Sepa ouvrit les yeux. La Prêtresse se redressa: à ses côtés, Eden se réveillait doucement. Il l'aperçut:

- Depuis combien de temps t'es levée?

- Il y a quelques secondes.

Il ne restait plus rien du feu de la veille, hormis quelques branches fumantes qui ne tarderaient pas à se décomposer. Elle s'apprêta à réveiller Anastasia lorsqu'elle constata que la guérisseuse avait quitté sa couche. Comme ses affaires étaient encore là, l'explication la plus probable était qu'elle s'était levée plus tôt qu'eux et qu'elle était partie rechercher un ruisseau pour remplir sa gourde et pour se laver:

- Ne t'inquiète pas pour Anastasia: si elle a réussi à échapper aux ours, elle arrivera bien à survivre dans une forêt...

 - Si tu le dis...

- Je repensais à notre petite discussion d'hier: rappelle-moi avec combien de dieux tu es sortie...

- Demande-moi plutôt qui sont ceux avec qui je n'ai jamais eu d'aventure! 

- Il ne manque plus que moi et...

- Je peux te promettre que ça n'arrivera pas! Mais tu n'es pas le seul: regarde Umo, et Bal, et...

- Cherche pas. J'ai pas envie de te voir réfléchir toute la journée...

- Espèce de...

La Prêtresse se jeta sur son ami, qui tomba dans l'herbe. A la vue de leurs enfantillages, ils rirent aux éclats: 

- Qu'il est bon de fouler la terre!, s'exclama Sepa entre deux fous rires. Notre prison me répugnait...

- Plus jamais! Au diable les cochons!, déclama Eden avec un accent bourgeois. Qu'ils retournent vivre dans leurs porcheries infâmes!

Sepa gloussa. Ils ricanèrent ainsi pendant plusieurs minutes, avant de s'inquiéter au sujet d'Anastasia:

- Ca m'inquiète qu'elle ne soit toujours pas revenue, s'affola la Prêtresse. Et puis, nous sommes en plein milieu d'un bois: s'il y avait un ruisseau, nous l'aurions entendu depuis longtemps.

- Elle a dû se perdre: tu n'aurais pas un moyen de la retrouver?

- Je crois que si: passe-moi sa sacoche.

Le Condamné saisit la besace qui renfermait les herbes médicinales de la guérisseuse. Sepa la prit, avant de souffler:

- "Petits Pas!"

A la manière de cailloux qui reflètent la lumière de la lune, des traces de pas blanchâtres apparurent dans l'herbe. Ces-derniers se dirigeaient tout droit vers un sentier sombre, qui s'égarait dans le Bois des Esprits:

- Le blanc est presque effacé: cela veut dire qu'Anastasia est partie il y a bien longtemps...

- Tu crois que..., gémit le Condamné, qui avait retrouvé son air stoïque.

- Qu'il ne lui est arrivé malheur. Les traces de pas indiquent qu'elle est partie il y a bien longtemps. Il y a donc deux possibilités: soit elle s'est perdue, soit elle est en danger.

Les deux amis plièrent leurs affaires en un temps record avant de se lancer à la poursuite de la guérisseuse:

- Je trouve ça bizarre qu'elle soit partie sans nous prévenir, déclara Sepa. Elle nous aurait laissé un mot ou un signe: n'importe quoi.

- Tu voudrais dire que quelque chose l'aurait attirée en dehors de la clairière, demanda Eden, qui courait à ses côtés.

- Sûrement. Je te rappelle qu'Ura et Umo rôde toujours à l'heure qu'il est!

- Attend! Regarde!

Un bout de tissu déchiré était accroché à l'une des racines qui jonchaient le sol: il était taché de sang:

- C'est pas bon du tout, déclara Eden. Dépêchons-nous!

Le duo continua de suivre les traces de pas. Une lumière apparut au bout du sentier, et ils s'y précipitèrent. D'abord accueilli par une agréable odeur de viande rôtie, ils découvrirent au centre de l'endroit un chaudron d'ou s'évacuait le délicieux fumet. Un jeu d'échecs traînait dans l'herbe, tandis que deux paillasses côtoyaient le feu. Un homme remuait une cuillère en bois à l'intérieur de la marmite. Il ne les observait pas, mais il avait ressenti leur présence depuis bien longtemps. Sur l'une des couchettes, une femme aux longs cheveux noirs les regardait fixement. Elle caressait tendrement les cheveux d'une autre fille, sa tête posée sur ses genoux: Anastasia. La sorcière leur lança:

- Eden et Sepa, cela un bout de temps que je vous attends. Comment s'est passée votre excursion dans le Bois...

- Ura..., coupa le Condamné. Qu'as-tu fait à Anastasia?!