CHAPITRE VINGT-QUATRE

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Il y a beaucoup de manière de sombrer dans la dépression et Rachel n'aurait jamais pensé pouvoir le vivre aussi rapidement. En l'espace d'une vingtaine d'heures, elle avait tout perdu. L'homme de sa vie était plongé dans un profond coma, dont personne ne savait s'il allait revenir, et elle avait perdu l'enfant qu'elle portait sans le savoir. Tout était propice à sombrer dans les abysses. 

Paul était inconscient depuis plus de vingt-quatre heures, allongé dans le lit conjugal, et hormis son rendez-vous chez la gynécologue, Rachel n'avait pas quitté leur maison. Habituellement, une journée complète passait vite, mais celle-ci s'égrenait avec lenteur et pesanteur. Rachel s'assoupissait par moment et son sommeil était peuplé de buveurs de sang, de gros loups velus, de médecins en blouses blanches, si bien qu'elle ne dormait pas réellement. Elle n'avait rien ingurgité non plus, seules une dizaine de tasses de thé avaient réussi à être avaler. Ses yeux vides semblaient accrochés sur l'écran de télévision. Pourtant, les images défilaient sans que Rachel ne les voit réellement. Son corps et son esprit étaient bloqués en pause, branchés en boucle sur le cauchemar présent. Une seule et unique lueur d'espoir perçait la pénombre : le réveil de Paul. S'il ouvrait les yeux, l'obscurité cèderait sa place à plus de lumière. Et Rachel pourrait revivre. 

L'imprégnation était un lien puissant, reliant deux individus dans une passion sans borne, dans une fusion sans limite. Les deux êtres étaient inévitablement liés dans la joie comme dans la peine. Et bien trop peu de chose de cet aspect plus sombre était évoquée. Qu'adviendrait-il d'un loup sans son imprégnée et d'une imprégnée sans son loup? La vie était-elle encore possible avec une douleur si intense au creux de la poitrine? Au milieu de ses cauchemars, ces questions rodaient dans la tête de Rachel. Et une autre interrogation la tourmentait : que ferait-elle si Paul mourrait?

Engloutie dans son sofa, sous un plaid bien chaud, Rachel observait la nuit à travers la fenêtre. Après le tumulte de la nuit passée, tout lui semblait tellement calme que s'en était anxiogène. Seules les paroles débitées par le téléviseur brisaient le silence de l'habitation. Plongée dans ses réflexion plus sombres les unes que les autres, Rachel n'entendit pas le léger coup donné au pied de lit. De l'autre coté de la cloison du salon, la vie semblait reprendre ses droits. 

La respiration de Paul se faisait plus frénétique et ses membres se mouvaient sans réelle logique. Le réveil était brutal. Il ouvrit les yeux et mit quelques longues secondes à analyser ce qui l'environnait. Il reconnut sa chambre, sa maison. Instantanément, ça eut le don de le détendre. Mais de fortes courbatures lui redonnèrent la mémoire. Il avait combattu des vampires pour protéger Rachel. Il connaissait le sort des sangs froids, mais pas celui de son imprégnée. Une vague d'angoisse prit la possession de son corps et de son esprit. Instinctivement, il se redressa et sortit les jambes de son lit pour s'assoir au bord du matelas. Par manque de coordination, son avant bras cogna la lampe de chevet qui chuta au sol.

- Rachel? Prononça-t-il une première fois à voix basse tant elle était enrouée. Rachel? Appela-t-il de nouveau après s'être éclairci la gorge. 

Ce n'était pas un cri à proprement parler, le volume sonore n'était pas fracassant, pourtant toute la détresse qu'il ressentait s'était transmise dans cet appel. Les oreilles bourdonnantes, il tenta de se lever, mais retomba aussitôt sur le lit. Sa vision s'était obscurcie et une violente douleur, aussi forte qu'éphémère, traversa son crâne. Pourtant, il retenta de se lever. Il le fallait pour Rachel. Il l'appela encore, il aurait voulu crier mais ses cordes vocales n'arrivaient pas à lui obéir. Il s'appuya fermement sur la table de chevet avec difficultés, son corps n'était que contusions et rhumatismes. Il s'apprêtait à tenter de hurler à nouveau le nom de Rachel, quand elle apparut dans le cadre de la porte. Elle sembla ébahie et surprise pendant une seconde. Elle avait porté ses mains devant sa bouche, tant elle paraissait émue et ravie. La seconde suivante, elle lui avait sauté au cou et s'était blottie contre lui.

You're my wonderwall | PAUL & RACHELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant