Pour s'assurer de la loyauté de leur personnel, certaines agences prennent leur dossier en otage. D'autres procèdent à leur destruction. D'autres le détruisent et conservent une copie. Ces différentes méthodes engendrent différentes cultures.
Jim Denrey, Mémoires
Passés par la fenêtre de la salle de repos du deuxième étage, Siren et Marcion montèrent jusqu'au bureau du directeur Denrey sans encombre. Malgré une perruque et une fausse moustache, n'importe qui aurait reconnu Marcion en y prêtant attention, alors qu'il avait suffi à Siren de changer de vernis à ongles. Passer inaperçu est une science, songeait le vampire sur le trajet, dont le sommet du crâne le grattait atrocement.
« Siren ? Siren ? Qu'est-ce que vous faites ici ? »
L'agent du Bureau manqua de recevoir un coup en pleine poitrine ; il leva les mains en panique et recula entre deux armoires à dossiers qui encombraient le couloir.
« Ne craignez rien, je ne vais pas crier.
— Christian ? C'est vous ?
— C'est moi. Je sais que vous travaillez avec Cards et Romanovna. »
Il tapota sur son oreille droite.
« Est-ce que Denrey est dans son bureau ? demanda Siren.
— Non. Il paraît qu'il est en bas dans le hall, entouré de vampires. »
Marcion tourna la tête en arrière, certain d'avoir entendu quelqu'un entrer dans le couloir. Une feuille tomba d'une armoire et glissa sur la moquette poussiéreuse du sol.
« Ça ressemble de plus en plus à un piège, jugea l'agente. Ne le prenez pas mal, Christian, mais si j'avais un sérum de vérité, c'est sur vous que je l'utiliserais. »
Il n'avait pas l'air surpris.
« Depuis ce matin, tout le monde m'en veut. Je suis peut-être mal coiffé. »
Une vibration remonta alors le long de l'immeuble, et s'intensifia comme un tremblement de terre. Marcion fut prompt à se jeter sous le bureau de Christian ; Siren et ce dernier se collèrent au mur, mains sur la tête. Des plaques de faux plafond se brisèrent non loin, emportant de la laine de verre déchirée. Les armoires métalliques se renversèrent en travers du corridor et s'encastrèrent dans les murs de plâtre dont s'écaillait la peinture. Les murs ondoyaient comme des vagues verticales. Un grondement de fin du monde se transmettait jusque dans leurs os. Marcion vit la moquette se plier et se déchirer entre deux spasmes du sol. Le mur à sa gauche lui paraissait flou. Quand les tremblements cessèrent, que les derniers morceaux de plâtre tombèrent du plafond et que les feuilles des dossiers éventrés se déposèrent lentement, il constata que le mur s'était déplacé. Leur couloir avait fusionné avec un autre couloir.
Marcion posa les yeux sur une armoire métallique, qui avait fusionné avec une autre armoire identique. Elle n'avait plus de tiroirs, ou plutôt, elle avait deux dos de métal symétriques, et emprisonnait des dossiers de papier pris les uns dans les autres comme des filets de pêche. Une feuille de papier en émergeait, coulée dans le métal.
À côté se trouvait une plante prise dans deux pots siamois, hybride entre un plastique et un végétal véritable.
Un homme était apparu au milieu du couloir, vêtu d'un costume d'employé de bureau ordinaire, dont les épaules dégoulinaient de poussière de plâtre. Il se leva d'un bond, braqua une arme dans la direction de Christian et Siren et fit feu plusieurs fois, avant de défoncer la porte du bureau de Denrey d'un coup de pied pour s'y mettre à l'abri.
VOUS LISEZ
Nolim IV : La Cité de cristal
Fantasy-- Quatrième livre dans la série Nolim -- Cent cinquante mille ans avant notre ère. Le tyran Ozymandias a décidé de bâtir un empire éternel, dont il serait le guide et le souverain. Mais aussi puissant fût-il, Ozymandias est mortel. Guidé par les v...