L'assiette se terre au fond du placard. Elle se fait toute petite, se confond avec ses sœurs, cherche à disparaître dans la foule. Dehors, le croque-mitaine a repris sa parade amoureuse. Il gonfle son torse, tourne autour de sa belle, chante à gorge déployée des mots vertueux. L'assiette tremble, toute serrée contre les verres. Elle sait que, en haut de sa tour, couchée sur toutes ses congénères, c'est elle la prochaine.
La dernière fois, le saladier lui a confiée que toutes celles en haut de la pile finissaient dans un mur.
Dans la cuisine, le moineau vole.
Il vole sur le canapé.
Il vole sous la table.
Il vole dans le couloir.
Il vole sous la fenêtre. Son petit bec cogne contre le carreau. Le ciel l'appelle. L'oiseau tend les bras. Ferme les yeux, se roule en boule.
Dans sa tête, l'amour du croque-mitaine ne peut l'atteindre.
Soudain, la lumière acre de la cuisine s'engouffre dans son placard. Elle sait. Elle l'avait deviné.
Un dernier crissement. Un dernier contact avec ses sœurs.
L'assiette en éclats contre le mur, meurt.
Dans son agonie, ses morceaux de porcelaine écorchent un oiseau sans ailes.
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Les Moineaux [TERMINÉ]
Romance« Je dédis cette histoire à tous ceux qui, une fois dans le métro Se sont demandés ce qui les retenaient sur les quais. » Mary F.