0.4

856 38 0
                                    

Après avoir fermé la porte en arrière de lui, Sangwoo s'approche de moi et avant que je puisse émaner le moindre son de ma bouche, il me porte dans ses bras. Une de ses mains couvre mon dos tandis que l'autre soutient mes jambes. Il ne semble pas le moindre du monde gêné par cette position. Alors qu'il se dirige vers la cuisine, ma tête dodeline et je finis par la poser dans son torse, où j'hume discrètement son odeur.
C'était la même que celle que j'ai senti dans le placard, placard où j'ai trouvé une cave dans lequel il avait emprisonné une autre femme.
Mes traits se contractent à cette simple pensée.
Je m'étonne de combien je semblais petite dans ses bras, comme une sorte de plume.
On aurait dit que j'avais la masse de cette dernière car Sangwoo me portait avec facilité.
Je le toise et son regard finit par se poser sur moi, qui détourne rapidement les yeux, vaguement embarrassé.
Il pousse un petit rire amusé.
Nous atteignons la cuisine et c'est avec une application qui m'effraie que Sangwoo me dépose sur la chaise la plus proche. En m'installant sur la chaise, mon chandail remonte sur mes cuisses, les dénudant peu à peu. J'avais oublié que j'étais seulement vêtue d'un chandail, qui, heureusement, m'arrivait au milieu de mes cuisses. D'un geste spontané, je porte rapidement ma main à mon chandail, afin de le redescendre à sa place d'origine.
Cela semble égayer Sangwoo, qui sourit, me faisant rougir violemment. Poussant un soupir, il se lève souplement et oriente son corps vers la droite. Je suis avec peur le moindre de ses mouvements alors qu'il s'enfonce dans une pièce voisine.
Où allait-il? Qu'allait-il me faire?
Il n'avait pas répondu à cette question.
Compte-t-il me tuer? Tant de questions se faufilent dans mon esprit, aucunes ne ressortent avec des réponses claires.
Je serre mes mains l'une sur les autres avant de sentir un liquide chaud s'échapper de ma main gauche. Je baisse la tête alors qu'une douleur aiguë me prend par surprise. Je grince des dents. Je venais de réouvrir la plaie que je m'étais infligée en brisant la fenêtre de Sangwoo. J'entends les pas de Sangwoo revenir en direction de la cuisine.
Avec des gestes nerveux et maladroits, je tente vainement de camoufler ma plaie, qui ne cesse d'accumuler le sang. Par cette initiative, je recouvre mes mains de sang. J'abandonne l'idée de cacher la plaie.
Je sens une ombre me couvrir et un soupir se fait entendre au dessus de moi.
Je garde pourtant la tête vers le bas.
J'entends un bruit devant moi et je relève la tête. Sur la table trônait maintenant une quantité impressionnante de bandages, ainsi que de coton et de l'alcool.
Légèrement surprise, je lance un regard à Sangwoo, qui semble être partagé entre l'amusement et l'exaspération.
- Ne me regarde pas comme ça, dit Sangwoo et mon regard s'isole de nouveau au parquet de bois. Avait-il l'intention de me soigner?
La réponse fusa alors qu'il prend un coton et l'imbibe d'alcool, avant de le poser délicatement sur la plaie de mes mains.
Sangwoo serre plus fort ma main alors que je me trémousse sur place, une sensation de brûlure désagréable s'étalant dans la surface complète de ma main gauche.
Sangwoo ignore mes petits gémissements et étirant sa main vers la table, il empoigne un rouleau de sparadrap.
Il le coupe avec un ciseau et l'entoure fermement autour de ma plaie, avant de la sceller avec un noeud.
Il m'adresse un sourire que je n'arrive pas à interpréter. Sangwoo enchaine avec mon pied gauche. Il regarde les bleues qui s'étaient formés près de ma cheville de la même façon qu'un gamin regarde une montagne de cadeaux à Noël. Ce regard me fait peur.
Il semble être animé par des désirs malsains.
Avec des gestes un peu plus lents, Sangwoo entreprend de bander mes bleues avec un tissu plus rigide. Je regarde sa chevelure, à moitié dans les vapes. Le silence entre nous ne semble pas être pesant et j'y ressens un certain réconfort, si bien que je suis éberluée lorsqu'il s'adresse à moi.
- Quand j'étais jeune, je me blessais souvent, dit Sangwoo en coupant le bout de tissu qui était relié au rouleau de bandage.
Je sursaute en entendant le « tchac! » que provoquait les ciseaux. Pour me distraire du fait que les mains de Sangwoo se baladaient sur ma peau, je prête attention à l'histoire saugrenue qu'il me conte.
- Ma mère avait l'habitude de s'inquiéter, mais elle finissait toujours par me faire asseoir sur cette chaise avant de me soigner, dit-elle et une lueur amusée éclaire son visage.
Je me demande où son histoire allait finir.
Je savais pour fait que les parents de Sangwoo avait été tué il y a quelques années mais les détails précis ne font pas partie de mes connaissances.
Je me rappelle avoir senti de la pitié pour lui à l'époque, moi-même étant orpheline.
Ayant fini le pied gauche, il s'oriente vers mon pied droit, coupant une autre bande de tissu, provoquant de nouveau mon sursaut.
- Un peu comme moi en ce moment, dit-il en interrompant son monologue par un rire léger, jamais je n'aurai cru me retrouver dans cette situation là, toutes les autres personnes qui y sont passés ont été laissé sans soins.
Devant cette phrase, je me remémore la femme que j'avais vu dans cette cave, ses jambes étaient toutes aussi bleues que les miennes mais comparé à moi, ils n'étaient pas entourés de bandages. Ils étaient à l'état libre, sans personne pour s'y soucier. Je déglutis.
Un sourire pervers conquiert sa bouche.
- C'est un peu comme si c'était moi la mère et toi l'enfant, ajoute-t-il et je frissonne devant la comparaison. De quoi parlait-il?
Avant que je puisse y penser, il s'agenouille auprès de moi et passe ses mains en dessous de mes hanches. La seconde d'après, mon corps se retrouve compressé au sien, alors qu'il me portait dans nouveau dans ses bras.
Instinctivement, j'entoure son cou de mes bras et enfouit mon visage dans son torse.
Ses mains entouraient le bas de mes cuisses.
La chaleur se propage partout dans mon visage. Je me sentais bien.
Bizarrement bien. Je savais pourtant que je n'étais pas supposée l'être.
Trouver ne serait-ce le moindre bonheur auprès d'un être aussi misérable que lui n'était pas quelque chose de bien.
Cette femme, dans la cave, était-elle sa première victime? Ou les cas comme ceux-ci sont une familiarité pour Sangwoo?
Je secoue ses questions.
Les yeux fermés, je sens Sangwoo marcher, ne me souciant pas d'où. Je renferme l'étau de mes mains autour de son cou et il en profite pour remonter mes hanches, qui glissaient de ses mains. Sangwoo s'arrête et avec une main, il ouvre une porte coulissante, si je me fiais au bruit. J'ouvre précipitamment les yeux.
Une porte coulissante?
Je m'écarte de son cou et me retourne rapidement. Nous étions bien dans la chambre dans lequel je m'étais réveillée.
Mon regard pivote vers la droite.
Comme je l'avais pensé, il y avait le même placard, placard qui débouchait vers la cave.
Je devine les intentions de Sangwoo.
À quoi m'étais-je attendue? J'étais une otage.
Je regarde Sangwoo, qui semble ne pas vouloir croiser mon regard. Docilement, je repose ma tête dans son cou et il soupire.
- Tu n'en demandes pas trop, c'est bien, dit Sangwoo et je sens les larmes venir aux yeux.
Je n'avais pas envie de redescendre ses escaliers, que je n'avais descendu qu'une fois.
Je n'avais pas envie de revoir cette femme, aux chevilles bleuies.
Je n'en avais tout simplement pas envie.
Mais quel pouvoir avais-je comparé à Sangwoo?
J'entends la porte du placard s'ouvrir et Sangwoo s'y engouffrer, moi dans ses bras.
Il me pose sur le sol alors qu'il se penche afin de détacher le cadenas qui bloque l'entrée vers la cave. Assise sur le sol, je le regarde.
Sangwoo semble étonnamment calme.
Quelque chose me donnait envie de me précipiter sur ses cheveux afin de les tordre, de les toucher. Un déclic se fait entendre, suivi du soulèvement de la plaque de métal.
Sangwoo me prend de nouveau dans ses bras et c'est avec précaution qu'il descend les escaliers.
Il m'étale sur une surface et en regardant autour de moi, je remarque que je suis dans un lit que Sangwoo avait déplacé dans la cave.
Je le savais car il n'était pas là lors de ma première visite dans la cave. Justement, une chose importante manque aussi à l'appel.
Sangwoo s'approche de moi, faisant cliqueter des menottes dans ses mains.
- C'est une prévention nécessaire, dit-il et je me contente de le regarder.
Il connecte les menottes à un poteau de métal, proche du lit.
- Où est-elle, demandai-je à Sangwoo qui s'affairait à me passer les menottes.
Ce dernier comprend que je fais allusion à la fille qu'il tenait lui aussi otage.
Aussi froid que le béton de la cave, son regard se pose sur moi.
- Cette fille? Elle est morte, dit-il et je suffoque devant la nonchalance de sa voix, Sangwoo a l'air de prendre cela pour une incitation à continuer de parler. Ouais, elle n'arrêtait pas de pleurer et de gémir, insupportable, ajoute-t-il et je n'ose plus le regarder dans les yeux, la peur me faisant trembler.
Comment étais-je arrivée ici? Que faisais-je ici?
En quoi ma vie placée et calme avait à faire avec ce qui m'arrivait maintenant?
Peut-être que rester un petit chien savant toute ma vie était meilleure. Je sens les larmes atteindre le barrage de mes yeux.
Je sens une paume chaude se poser sur ma joue et je redresse la tête.
- Ne t'inquiète pas, si tu restes calme, tu ne finirais pas comme elle, me dit-il et je le regarde, hypnotisée par ses prunelles noires.
Je finis par hocher la tête et il sourit, satisfait.
Une larme coule le long de mes joues mais elle s'arrête en percutant la main de Sangwoo.
Celui-ci se lève et il m'attribue un regard plein de malice, qui s'écoule sur la totalité de mon corps. Je n'arrive pas à dire le moindre mot alors qu'il quitte la cave, fermant la plaque métallique, m'abandonnant dans le noir.
Le noir complet.

𝐊𝐒 | sangwoo ohOù les histoires vivent. Découvrez maintenant