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Ma première nuit ici avait passé.
Si je devrais décrire mon sommeil, je le qualifierais de turbulent, instable mais correct dans le fond.
Aucuns rêves ne l'ont comblé, à mon plus grand plaisir.
De tout façon, qu'aurais-je trouver à rêver de?
Du moins, on peut dire que j'en ai eu un.
On ne peut pas dire que ça en était vraiment un. Ce qui m'avait empêché de dormir proprement était bien la duplication de la voix de Sangwoo, me chuchotant « bonne nuit ».
J'avais sans m'en rendre compte enregistrer le moindre ton de sa voix veloutée et je n'avais cessé de me répéter ses mots en boucle jusqu'à temps que je me retrouve à me frapper la tête, essayant de taire cette voix si douce mais si insupportable dans le fond.
Je n'en avais pas envie.
Je n'avais pas envie d'avouer que j'étais tombée amoureuse d'un criminel, d'un esprit aussi souillé.
Mais je l'étais, même si c'était bien ma dernière intention sur cette terre. Je me savais réveillée, mais mes yeux étaient fermés.
En plus de la voix de Sangwoo, mes chevilles n'avaient cessé de lancer douloureusement, jusqu'au point où je ne pouvais rien à faire à part pleurer.
J'eus à plusieurs reprises l'envie de l'appeler, de lui dire de faire taire la douleur, mais je retenais les mots de sortir en me mordant la lèvre, si bien que celle-ci a fini par saigner.
J'avais passé une nuit d'enfer, mais j'y avais survécu dans un sens.
Mon seul espoir restait que Sangwoo tienne sa promesse concernant les anti-douleurs, sinon je ne savais pas comment mon corps si frêle supporterait la souffrance dans lequel ces jambes me mettaient à l'heure même.
Je lutte pendant un moment contre les larmes alors qu'une autre vague de douleur me percute de plein fouet.
Pour me perturber encore plus, du bruit à l'étage me met dans un état de tension.
Je recule précipitamment jusqu'à temps que mon dos percute le mur alors que j'entends des pas se diriger vers moi, ou plutôt la plaque de métal qui débouchait à la cave, où je me trouvais.
Je savais bien qu'il n'avait qu'une seule personne dans cette maison à part moi et que ça devait bien être Sangwoo donc l'appréhension qui s'emparait de moi me rendait suspicieuse.
Je n'étais pas supposée me sentir menacée.
Il m'avait bien dit qu'il n'allait pas me tuer tant que je restais calme.
Du moins, si sa parole était fidèle, je ne le savais pas mais je ne pouvais qu'espérer que ce cauchemar se termine et que j'y survive.
Je serre les coins de mon large chandail tandis que la porte de la cave s'ouvre.
Des pieds commencent à descendre de l'escalier, jusqu'à ce que je puisse distinguer un visage, son visage.
Souriant, tenant un sac dans ses mains, Sangwoo arrive au bas de l'escalier, me regardant d'en haut en bas.
Je garde le silence.
- Tu as une mine affreuse, me dit-il et je tente de contenir ma rage.
À qui la faute revenait? Qui avait donc pulvérisé mes mollets avec une batte de baseball.
À qui le prix de cette douleur revenait?
C'était bien lui.
Il remarque la façon dont je restais silencieuse. Sangwoo affiche un air blasé.
- Ne sois pas en colère, me dit-il et la simplicité de son ton proposait qu'il avait seulement commis un maigre délit et non une complète destruction de mes pieds.
Je regarde le sol.
- Je ne le suis pas, murmurai-je et son sourire joueur revint d'un seul coup, ravivé.
Il s'approche de moi et brandit au-dessus de ma tête le sac en plastique blanc qu'il avait apporté avec lui ici.
Je fronce les sourcils, regardant le sac bouger d'un côté et de l'autre.
J'essaye en même temps de distinguer ce qui se trouve à l'intérieur mais le plastique était beaucoup trop dense.
- Je t'ai amené ce que tu m'as demandé, me dit-il en s'installant sur le sol, devant moi.
Sangwoo déballe rapidement le contenu du sachet et des petites boîtes percutent le marbre de la cave.
J'en prends une dans mes mains et un sourire fleurit aux coins de mes lèvres alors que je vois qu'il avait bien tenu sa promesse.
Sangwoo m'avait bien acheté des anti-douleurs. Il pousse un rire léger en remarquant combien j'avais l'air réjouie.
De simple anti-douleurs n'étaient presque rien comparé à tout ce que la brusque interruption de Sangwoo dans ma vie avait amenée mais je ne me plains pas.
Avec des gestes lents, j'entreprends de détacher la boîte de cartons qui entourait les antidouleurs.
Je prends une petite plaquette argentée qui contenait des piles.
Dans un petit cliquètement, je détache de la plaquette une pile, un côté rouge et l'autre jaune.
Je n'avais pas une grande expérience lorsque ça s'arrêtait aux médicaments et je n'en avais jamais ingéré en forme de pilules.
D'un geste hésitant, je porte la pilule à ma bouche et la pose sur ma langue.
J'essaye de l'avaler mais après plusieurs reprises, je dus m'admettre vaincue.
Je n'arrivais aucunement à ingurgiter la petite pilule et je me sentis faiblir sous le regard inquisiteur de Sangwoo.
Je finis par oser le regarder dans les yeux.
- Je n'arrive pas, murmurai-je et ses traits se crispèrent, sous l'effet du découragement qui envahissait son visage.
Je retombe ma tête vers le sol, le cœur battant si vite que je vais jusqu'à penser que Sangwoo pourra l'entendre se manifester à travers ma poitrine.
Je sens quelque chose m'empoigner les cheveux avant de tirer légèrement ma tête vers l'arrière.
Je devine ses intentions et m'horrifie, me liquéfiant sur place.
Un « Sangwoo » suppliant était la seule chose que je pus sortir de ma bouche avant que ce dernier n'enfonce deux de ses doigts dans ma bouche, poussant au maximum le médicament au fond de ma gorge.
Les larmes me viennent aux yeux alors que j'agrippe sa main.
Alors que le remède s'enfonce au maximum de ma bouche, Sangwoo me relâche et j'avale à contrecœur ma pilule.
Toussotant, crachotant, j'expulse un crachat de salive hors de moi, sur le sol froid, formant une marre de liquide transparent.
Je respire à grande goulée.
Les larmes perlaient sur mes joues tandis que j'entends un petit rire au-dessus de ma tête.
Les yeux larmoyants, le corps entier tremblant, j'ose croiser le regard de mon ravisseur.
Le coin de ses lèvres était retroussé en un sourire qui aurait désarçonné quiconque sur cette planète.
Il regardait tour à tour ses deux doigts humidifiés de ma salive et moi, recroquevillée sur moi-même, me tenant l'estomac avec une seule main.
Sangwoo pousse un rire rauque et je recule encore un peu, jusqu'à ce que mon dos heurte le mur.
Cette image de moi figée sur le sol face à un opposant beaucoup plus fort semblait pendant un moment être le portrait de ma vie entière, où j'avais le plus souvent joué le rôle de la victime.
Sangwoo, lui, était capable de dominer sa proie, il était capable d'apprivoiser quiconque, mais moi, je restais impuissante à tout.
Tout le monde l'aimait.
Tout le monde l'admirait et voulait être à ses côtés tandis qu'on me voyait comme une sorte de vulgaire objet de décoration, installée à un endroit, sans qu'on y prête la moindre attention.
N'était-ce pas moi qui s'était demandée comment faisait-il pour être tant aimé?
Pourquoi m'avait-il donc laissé en vie si je n'étais qu'un objet de décoration?
Pourquoi avait-il pris la peine de me soigner si je ne représentais rien pour lui?
Quand j'y pense plutôt profondément, peut-importe combien il pourrait me faire mal, il est bien le seul qui m'a reconnu.
Il est bien le seul qui a posé son regard sur moi et qui a osé me regarder dans les yeux, sans se détourner.
Je devais sûrement être folle de penser de cette façon mais je n'en avais rien faire.
L'antidouleur avait déjà atteint mon estomac alors que j'arrête de prendre peur.
Je ne regardais plus Sangwoo avec peur, non, je le regardais maintenant avec admiration, voire émerveillement.
Il arrête soudainement de rire et me regarde avec étonnement, stimulés par la lueur résidant au fond de ma pupille.
- Pourquoi ne pleures-tu pas? me demande-t-il et je reste de marbre, le regardant sans ciller, examinant avec gratitude chacun de ses traits, le remerciant d'une œillade.
Son regard est partagé entre l'irritation et l'hilarité tandis que je baisse les yeux vers le sol.
- Je n'ai pas envie de pleurer, dis-je et en seul instant, je me retrouve plaquée contre le mur, une main entourant mon cou, sans le serrer.
Je pose mes mains sur le bras de Sangwoo qui me retenait contre le mur mais je ne fais rien pour le repousser.
Il ne m'étranglait pas mais je pouvais sentir que son geste était empli d'hostilité.
- Tu es bien la première à ne pas vouloir pleurer dans cette cave, me dit-il de façon malicieuse.
Il se lève et me toise de haut, un sourire indéchiffrable aux lèvres.
Sangwoo se retourne et, laissant les sacs garnis de médicaments sur le sol, il se dirige vers l'extérieur de la cave, une main dans la poche de son pantalon.
- Sangwoo? demandai-je et ce dernier se retourne vers moi, ses yeux me sondant du haut jusqu'au bas.
Il était bien le seul à me regarder comme ça.
- Qu'y-a-t-il?
Je croise mes mains entre elles, avant de crisper le bas de mon chandail avec mes doigts, hésitante à sortir les mots de ma bouche.
- Pourrais-je sortir de cette cave? demandai-je et il pince ses lèvres. Il fait noir et j'ai froid! ajoutai-je mais Sangwoo n'a pas la moindre réaction.
Il se contente de soupirer, avant de me scruter, la mine sévère, comme un professeur qui charriait son élève du à une multitude de notes exécrables.
- Tu es vraiment une fille demandante, me dit-il pour seul réponse. Je reviendrais à l'heure du dîner.
C'est les seuls mots que je perçus avant que le noir m'enveloppe de nouveau.

𝐊𝐒 | sangwoo ohOù les histoires vivent. Découvrez maintenant