MIROIR DU MONDE: De l'autre côté du miroir.

II

Tous les regards étaient braqués sur la ravissante jeune femme qui venait de faire son entrée. De par sa tenue, elle attirait l'attention de tous. Les yeux rivés sur chaque courbure de son corps, les personnes présentes se remémorent à l'instant même leur jeunesse.

Il y a de cela quarante longues années pour certains et cinquante pour d'autres, ils étaient eux-aussi, aussi forts et en forme. Dans ce village, leur nom n'était point inconnu aux oreilles des jeunes demoiselles de leur époque qui, elles aussi, tout comme la jeune fille présente, portaient deux tissus sur leur corps. Pour certaines, un seul suffisait. Ce tissu en pagne ou en wax de diverses couleurs laissait paraitre leur ventre, ou encore leurs magnifiques hanches pour certaines. Et pour d'autres, leurs jambes élancées et lisses. Aujourd'hui , ils avaient plutôt affaire à ces trois éléments. La silhouette de la belle demoiselle se dessinait telle une guitare flamenca.

« Les écailles d'un serpent brillent autant qu'une étoile dans le ciel, mais ce n'est pas pour autant que son cœur est aussi pur que sa clarté. » Un proverbe très connu dans ce petit village. Il est le plus souvent utilisé pour faire comprendre aux jeunes demoiselles que seule la beauté ne suffit pas. La beauté n'est qu'un atout dont tout le monde dispose car, elle est subjective. Mais le savoir n'en est pas un. En effet, le savoir se développe au fil des années, il s'agrandit lorsque l'on veut toujours en apprendre plus, et c'est ce même savoir qui détermine et donne toute sa valeur à l'Homme.

Malgré toutes les louanges qu'ils chantèrent secrètement à cette jeune fille, ils savaient que même s'ils en avaient l'opportunité, jamais ils ne toucheraient à cette dernière.

Ils avaient tous de leur côté, de belles et ravissantes femmes qui, malgré l'âge, restaient à leurs yeux aussi resplendissantes qu'un coucher de soleil. Jamais ils ne trahiraient leur bien-aimée pour une jeunette. Ils connaissaient la valeur de leur femme, ils avaient conscience de tous les sacrifices que celles-ci avaient dû faire pour rester à leurs côtés.

Les longues et douloureuses heures de travail dans les cases que ces femmes avaient endurées pour pouvoir leur donner des héritiers ne leur étaient pas non plus inconnues. Ils savaient que jamais tout l'or présent sur terre ne pourrait suffire à rembourser leurs longues dettes envers ces femmes, c'est la raison pour laquelle, ils s'efforçaient de rester fidèles et droits envers elles.

La jeune fille munie d'un panier contenant du vin, le déposa sur la table et sortit à tour de rôle ces bouteilles d'alcool qui commencèrent petit à petit à lui voler la vedette.

Sa main ne cessait de trembler lorsque le regard pesant de son géniteur se posait sur elle. Cette même personne qui depuis qu'elle avait l'âge de décider par elle-même, lui répétait sans cesse qu'elle avait l'interdiction de s'approcher de la mer et encore moins de monter à bord d'une embarcation. Mais étant têtue et extrêmement bornée, elle avait toujours ignoré les ordres de son père, et se trouvait à chaque situation, une excuse pour se sortir du pétrin.

Le vieil homme, aussi dur et strict qu'il soit, aimait du plus profond de son cœur sa fille unique. Il espérait qu'un jour, aux côtés d'un homme vaillant et fort, tout comme lui, elle prendrait ses responsabilités, dirigeant ce village auquel lui aussi à son tour avait hérité il y a exactement dix-neuf années. Il avait la ferme conviction que sa progéniture conserverait leurs traditions et leurs croyances. Malheureusement, à en juger par le comportement enfantin de celle-ci, jamais dans ses mains le village ne resterait aussi prospère qu'il l'est aujourd'hui. Il a toujours su sa fille joviale, têtue et aventurière avec un cœur en or. Ce comportement lui rappelait sans cesse sa défunte épouse. Raison pour laquelle il ne pouvait pas, lorsqu'elle faisait une bêtise, lui en vouloir trop longtemps. Lorsqu'on a une âme aventurière, il est impossible de diriger un peuple. Le chef se doit d'être toujours présent, pour réconforter les cœurs, pour se battre et représenter le peuple mais à son humble avis, sa fille n'était pas assez prête à endosser cette lourde responsabilité.