MIROIR DU MONDE: De l'autre côté du miroir.

VI

  Autrefois, les premiers rayons du soleil annonçaient aux villageois la venu d'une nouvelle journée. Merveilleuse journée durant laquelle ils se verront encore plus productifs à travers leurs tâches journalières. Le matin, les oiseaux chanteraient en cœur, ce qui réveillerait les femmes qui se dépêcheront de faire à manger pour leurs hommes qui à leur tour auront tous une journée remplie de travaux. Les enfants passeront leurs matinés à la rivière, hésitant à se laver sous la fraîcheur du jour, puis retourneront au village pour une journée de jeux.

Mais ces derniers jours furent des exceptions.

En effet, depuis près d'un mois, une épidémie avait ravagé le village. Elle touchait plus étrangement les hommes que les autres habitants de l'île. On comptait environ plus de vingt malades chez les hommes, une dizaine de malades chez les enfants et quelques rares atteintes chez les femmes. Cette épidémie qui se manifestait par des maux de ventres accentués et des vomissements avait causé cinq pertes chez les plus âgés et deux pertes chez les adultes.

On ne connaissait ni la cause ni la provenance de cette maladie. Tout ce qu'on savait à son sujet c'était qu'elle provoquait des diarrhées, des vomissements et quelquefois des états fiévreux chez les plus faibles. Toutes les herbes médicinales avaient été arrachées pour trouver un remède mais la maladie semblait invincible.

Du côté ouest du village, une nouvelle tragédie survint. La vieille Laya, après une balade en forêt, venait malheureusement de perdre son mari. Elle avait laissé celui-ci atteint de la maladie sur son lit malgré son état pour aller chercher des herbes et puiser de l'eau en compagnie de ses enfants. Lors de leur retour, ils trouvèrent le vieil homme toujours allongé sur son lit, mains sur sa poitrine tel qu'ils l'avaient laissé à l'exception que son cœur ne battait plus. En effet, son âme avait déjà emprunté la route pour rejoindre l'autre monde, laissant sa femme et ses enfants abandonnés à leur propre sort.

Le soir même, des obsèques furent organisées à l'honneur de cet homme. Tout le monde était présent. Des plus petits aux plus grands. Personne n'aurait raté pour rien au monde cette cérémonie. Une atmosphère maussade régnait dans les environs tandis que des cris de douleurs accompagnaient chaque pleurs et chaque cœur attristé. Il était inconcevable d'ignorer que le défunt occupait une place très importante au sein de ce village. Il était connu de tous non seulement pour sa gentillesse mais aussi pour sa sagesse. Il s'était tenu pendant une longue période aux côtés du chef du village, qu'il considérait déjà comme son frère de sang. Ceux-ci d'après les dires, étaient inséparables lorsqu'ils n'étaient encore que des bambins. Ils passaient leurs journées à se chamailler et à savoir qui était le plus fort. Encore une fois devenus adultes, leur complicité n'avait pas disparu. Ils parlaient souvent ensemble de l'avenir de leur village et surtout des décisions à prendre pour le rendre meilleur et prospère.

Ce vieil homme avait laissé derrière lui une femme aimante ainsi que cinq enfants dont le moins âgé n'avait que huit ans. Ceux-ci étant assez matures pour comprendre le concept de la vie et de la mort exprimaient toute leur douleur et leur tristesse devant le corps sans vie de leur géniteur. Ce vaillant homme s'en était allé aujourd'hui, mais son héritage vivra éternellement dans le cœur de tous.

Un tissu en pagne de couleur blanc fut apposé sur le corps du défunt de manière à recouvrir la quasi-totalité de son corps. Ce fut la dernière fois que les villageois verront de leurs yeux ce visage, même si celui-ci perdura dans leur mémoire.

Assis non loin du rassemblement, le chef du village ordonna à quelque homme de conduire le corps à l'endroit choisi pour son enterrement. Ceux-ci exécutèrent sans rechigner et partirent en soulevant sur une plaque faite de lianes et de bois le corps sans vie de leur frère, père, oncle et ami.